sábado, 16 de julho de 2022

A destruição da diplomacia francesa por Macron - Isabelle Laserre (Figaro)

Um artigo antigo, mas ainda válido

 Au Quai d’Orsay, levée de boucliers contre la réforme

Avec la disparition de l’ENA, les diplomates seront désormais issus d’un vivier interministériel de fonctionnaires.

ISABELLE LASSERRE

Le Figaro, 23/11/2021

DIPLOMATIE Il n’y aura plus de corps dédié à la diplomatie. C’est le deuxième coup porté aux diplomates par l’Élysée depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron. Le premier, décoché en août 2019 pendant la conférence des ambassadeurs, n’a toujours pas été digéré au Quai d’Orsay. Le président avait rappelé à l’ordre les diplomates d’une manière directe et sèche, dénonçant l’« État profond » qui aurait selon lui tenté de freiner sa politique de réchauffement avec la Russie. Emmanuel Macron avait aussi demandé aux ambassadeurs, qu’il range volontiers dans l’« ancien monde », de faire preuve de « plus d’audace », affirmant que « les habitudes et les dogmes » sur lesquels s’est appuyée la diplomatie française pendant des décennies n’étaient plus valables pour tenter de rebâtir un ordre nouveau.

Le deuxième a provoqué un émoi encore plus grand. Il entérine la « mise en extinction » des corps qui sont le vivier des ambassadeurs, les conseillers des Affaires étrangères et les ministres plénipotentiaires, à partir de 2023. Concrètement, environ 800 fonctionnaires sur 1 800 diplomates de catégorie A sont concernés. Ils sont issus soit de l’ENA, qui n’existe plus, soit du très sélectif concours des cadres d’Orient, une institution héritée de l’époque napoléonienne, dans laquelle le ministère des Affaires étrangères recrute des diplomates de vocation dotés de compétences, notamment linguistiques, très pointues. Il n’est pas, assure la ministre de la Transformation et de la Fonction publique, Amélie de Montchalin, remis en cause pour l’instant.

L’initiative s’inscrit dans la réforme de la haute fonction publique décidée le 8 avril par l’Élysée et dont l’annonce la plus symbolique fut la suppression de l’ENA, remplacé par l’Institut national du service public. Après les préfets, les diplomates sont donc les victimes collatérales de ces changements engagés par le président. Comme les préfets, les sous-préfets et les inspecteurs généraux et des finances, ils ont désormais vocation à fusionner dans un nouveau corps des administrateurs de l’État, un vivier global au sein duquel tous les hauts fonctionnaires, en théorie, peuvent être interchangeables.

Depuis qu’il est à l’Élysée, Emmanuel Macron n’a jamais caché son agacement vis-à-vis des administrations. Il les ¬trouve trop lentes, trop lourdes et trop conformistes, rétives aux idées nouvelles, organisées en citadelles. Ces critiques n’épargnent pas le Quai d’Orsay, au contraire. Le président n’aime guère les diplomates, qu’il trouve trop conservateurs et dont il considère qu’ils freinent ses initiatives. La réforme est aussi censée favoriser davantage de diversité et de fluidité dans une institution jugée trop traditionnelle.

Grande inquiétude 

Parce qu’elle nie la spécificité du Quai d’Orsay et de ses ambassadeurs, qui non seulement maîtrisent souvent des langues rares ou difficiles mais ont aussi acquis leurs connaissances et leurs compétences dans la durée sur le terrain, à l’étranger, la réforme a provoqué une grande inquiétude parmi les agents du ministère, qui hésitent entre « désolation » et « acrimonie ». « Le président veut remplacer les diplomates par de dociles incompétents et des amis », ironise l’un d’eux. Dans une tribune parue dans Le Monde le 8 novembre, un collectif de 150 jeunes diplomates s’interroge sur ce que sera « une diplomatie sans diplomates, dans un monde de plus en plus imprévisible et complexe ». Les syndicats sont aussi montés au créneau. Ils ¬dénoncent une réforme « menée à la hussarde ». « Est-ce une manifestation du ¬jupitérisme ? Je ne sais pas. Mais le Quai d’Orsay a besoin de cadres qui soient des experts. Comment imaginer qu’on puisse placer des hommes à des postes de commandement dans des ¬domaines qu’ils ne connaissent pas  ?  », interroge Olivier Da Silva, de la CFDT, majoritaire parmi le personnel diplomatique.

À l’étranger, les rares pays ayant appliqué ce type de réforme, comme par exemple le Canada, ont vu leur diplomatie se détériorer rapidement. « En Europe, il n’existe pas un seul pays, sauf la Pologne, mais c’est pour des raisons idéologiques, qui dynamite ainsi son service diplomatique. Tous s’appuient sur une filière diplomatique professionnelle. Nos adversaires ricanent et se frottent les mains. Quant à nos alliés, ils se disent : à quoi jouent les Français ?  » poursuit Olivier Da Silva, lui-même ancien ambassadeur.

Car il y va, selon les diplomates, non seulement de l’attractivité du métier de diplomate pour les futures générations, mais aussi de l’influence de la France dans le monde. « À l’Élysée, ils ont sous-estimé l’ampleur des conséquences de la réforme. Une réputation, ça se perd vite », poursuit le représentant de la CFDT. Les ambassadeurs français sont réputés à l’étranger pour être parmi les meilleurs du monde. Contrairement aux ambassadeurs américains, par exemple, dont les nominations ne récompensent pas des compétences mais rétribuent le finan¬cement d’une campagne présidentielle -victorieuse. Au-delà d’une « dilution » de leurs « compétences métier », les diplomates craignent que la réforme ne transforme le Quai d’Orsay en une fabrique de « diplomates amateurs ».

Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, n’a pas réussi à s’opposer à la réforme. Sa ligne a été contre-arbitrée par le président le 5 novembre, au titre qu’il ne saurait y avoir d’« exceptions ». Après plusieurs réunions de crise, le chef de la diplomatie s’est dit « déterminé » à obtenir des assouplissements dans les modalités. Mais à cinq mois de la fin du mandat présidentiel, certains considèrent qu’il aurait pu, pour être plus efficace, « mettre sa démission dans la balance ». Conclusion d’un diplomate : «  Les militaires, eux, le font. Et, parfois, ça marche. »


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