quinta-feira, 15 de maio de 2025

Bernanos-Zweig : rencontre à la Croix des Ames: livre: Échec et mat au Paradis, Sébastien Lapaque

Bernanos-Zweig : rencontre à la Croix des Ames
Échec et mat au Paradis, Sébastien Lapaque
Arles, Actes Sud, 2024, 336 p., 22,50 €.


        Le 22 février 1942, Stefan Zweig se suicide avec sa femme, Lotte, à Pétropolis au Brésil. Quelques semaines auparavant, il a rendu visite à Georges Bernanos, dans sa ferme (« la Croix des Ames », cela ne s’invente pas) de Barbacena, ville de l’État du Minas Gerais. De cette rencontre entre les deux exilés, on ne sait rien, mais Sébastien Lapaque, fin connaisseur des deux auteurs, éditeur des écrits de Bernanos sur le Brésil, reconstitue ce que put être le dialogue entre ces personnalités très différentes mais unies dans la tragédie vécue par l’Europe. Zweig est en train d’achever Le Monde d’hier. Souvenir d’un Européen, son autobiographie-testament, qui sera envoyée à l’éditeur la veille de son suicide, Bernanos publie de nombreux articles en faveur de la France libre à laquelle il s’est rallié dès 1940, après avoir fustigé les horreurs du franquisme dans Les Grands Cimetières sous la lune.
        Le récit de la rencontre s’articule autour d’allers et retours avec le Brésil d’aujourd’hui, tel qu’il est vécu par l’auteur. C’est une enquête, sous la forme d’une déambulation qui permet de croiser les derniers témoins de ce passé déjà ancien, de Rio à Pétropolis et à Barbacena. C’est ainsi que la narration est contextualisée par une réflexion sur le Brésil d’alors, sous le régime autoritaire de Getùlio Vargas, installé en 1937, l’Estado Novo. Les correspondances avec les fascismes européens sont nombreuses, et l’Allemagne nazie est très influente, notamment grâce à une importante et très visible diaspora. Mais Vargas sait prudemment cultiver les ambiguïtés et va, en août 1942, faire entrer le Brésil dans la guerre aux côtés des États-Unis, seul pays d’Amérique latine à y engager des troupes.
        Installé au Brésil en 1940, Zweig en avait côtoyé la bonne société, avait écrit un livre enthousiaste sur le pays – Le Brésil, Terre d’avenir–, comme une alternative au Monde d’hier et à l’Europe perdue, malgré l’atmosphère pourtant délétère de la période. Bernanos quant à lui s’était isolé, peu enclin à une vie sociale. Visionnaire, toujours en révolte contre sa propre classe et ceux qu’il appelle les « bien-pensants », son pessimisme est actif et il exprime toujours et sa foi catholique, et son espérance, pour l’humanité et pour la France. Il ne peut toutefois convaincre Zweig, Juif et athée, narrateur subtil et profond de l’âme humaine, en proie au désespoir face à la ruine de son univers.
        Une description empathique, juste et affectueuse d’un lieu, d’un moment et d’une amitié entre deux phares de la littérature qu’en apparence peu de choses unissaient.

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