sexta-feira, 2 de setembro de 2016

A Revolucao Burguesa no Brasil, trinta anos depois - Paulo Roberto de Almeida

Parece que eu havia esquecido de publicar a nova introdução à minha tese de doutorado, finalmente publicada integralmente, em edição no francês original, agora disponível na plataforma Academia.edu.


Révolutions bourgeoises et modernisation capitaliste : Démocratie et autoritarisme au Brésil
(Sarrebruck: Éditions Universitaires Européennes, 2015, 456 p.; ISBN: 978-3-8416-7391-6); p. 15-41 :

Avant-Propos :
Capitalisme et démocratie au Brésil, à trente ans de distance



Dans l’introduction à son étude sur Les caractères originaux de l’histoire rurale française – publiée originalement en 1931, et depuis longtemps devenue un classique –, l’historien Marc Bloch affirmait avec raison que, « dans le développement d’une discipline, il est des moments où une synthèse, fût-elle en apparence prématurée, rend plus de services que beaucoup de travaux d’analyse, où, en d’autres termes, il importe surtout de bien énoncer les questions, plutôt, pour l’instant, que de chercher à les résoudre » (2ème éd. ; Paris : Armand Colin, 1964, tome I, p. vii).
Le présent travail – lequel, dans sa première incarnation, avait été soutenu en 1984, en tant que thèse de doctorat en Sciences Sociales à l’Université Libre de Bruxelles, sous le titre quelque peu ambitieux de « Classes Sociales et Pouvoir Politique au Brésil : une étude sur les fondements méthodologiques et empiriques de la Révolution Bourgeoise » – ne prétend certes pas se poser en « synthèse » de sociologie historique appliquée et, même s’il tend vers ce but, n’est en aucun cas une synthèse achevée. Plus modestement, il cherche, d’une part, à établir le bilan critique d’un modèle explicatif de nature historico-sociologique – sous le concept de Révolution Bourgeoise, à côté des révolutions bourgeoises réelles – et, d’autre part, à faire la mise au point empirico-théorique de la légitimité de ce modèle pour l’interprétation d’un processus donné de développement historique : la modernisation économique de la société brésilienne et ses manifestations au niveau du système de pouvoir. Elle touche donc à deux domaines classiques de la sociologie et de l’histoire, objets d’attention constante au sein de l’académie : le capitalisme et la démocratie.
Si, éventuellement, le travail n’a pas pu répondre à tous les problèmes soulevés par ce type de démarche, nous espérons néanmoins qu’il aura su poser toutes les questions pertinentes qu’il est possible d’énoncer dans ce genre d’entreprise. En attendant la « synthèse » sociologique du développement historique de la société brésilienne, dans son long cheminement vers une authentique démocratie politique dans le cadre d’une économie capitaliste avancée, voici donc un « travail d’analyse » théorico-empirique qui a tout fait pour mériter son caractère d’ouvrage académique : premier projet, lectures intensives et recherches extensives, recomposition du plan et nouvelle formulation des hypothèses de travail, développement des arguments, critique approfondie du manuscrit, mise au point du texte et rédaction finale, bref, le plat de consistance de tout candidat prétendant à des titres académiques.
Après avoir été l’objet d’un âpre débat avec (et entre) les membres du jury, lors de sa soutenance publique, au début du mois de juin de 1984, et ayant été décernée une évaluation finale de « Grande Distinction » par les examinateurs, la thèse a été déposée à la Bibliothèque de la Faculté des Sciences Sociales, Politiques et Économiques de l’Université Libre de Bruxelles, où elle a dormi le sommeil des justes au cours des trois décennies successives. Pour être plus précis, quelques petits morceaux arrachés ça et là à ses première et deuxième parties ont servi à composer deux ou trois articles, publiés l’un en tant que chapitre d’un livre collectif, les autres dans deux revues académiques brésiliennes. Mais, à part cela, l’ensemble est resté inédit et oublié depuis, y compris car, n’ayant pas entamé une carrière académique, comme prétendu à l’origine, et préférant plutôt suivre le service diplomatique de l’État, son contenu de sociologie historique comparée a toujours eu très peu de rapports avec les sujets de relations économiques internationales dont je me suis occupé depuis. Les révolutions bourgeoises ne sont pas, décidemment, un sujet diplomatique.
À vrai dire, j’ai poursuivi des activités académiques parallèlement à une grande succession de postes au Brésil, et à l’étranger, exerçant tout particulièrement la chaire d’Économie Politique au master et au doctorat en Droit du Centre Universitaire de Brasilia (Uniceub), ainsi que m’associant à beaucoup d’autres institutions d’études supérieures au Brésil ou à l’étranger ; néanmoins, l’essentiel de ma production est resté concentré dans les domaines du commerce international, de l’intégration régionale, la politique extérieure, de l’histoire diplomatique et des relations internationales du Brésil, ayant, ainsi, très peu de rapports avec la plupart des sujets et de problèmes traités dans le présent ouvrage. Je dois la distinction de remettre à nouveau cette thèse en état de publication à la chargée de lectorat aux Éditions Universitaires Européennes, Julie Dubois, dont la bienveillance je dois remercier ici en tout premier lieu. Mais il me faut aussi remercier à distance M. le Professeur Robert Devleeshouwer, qui avait accepté de patronner ma candidature au titre de full sociologist et qui avait continué de diriger mon travail de recherche, même si certaines des thèses et arguments défendus, avant et pendant la présentation publique n’eurent pas recueillit tout son accord.
Les rites d’initiation préparant l’entrée dans la quelque peut restreinte « société des sociologues historiens » – ainsi qu’en général les exercices d’apprentissage en vue de l’admission à toute autre communauté « tribale » – inquiètent toujours le « jeune »candidat, ce que j’étais au début des années 1980. Je dois à M. Devleeshouwer le fait d’avoir accompli en tout tranquillité mon parcours initiatique, d’ailleurs réalisé dans les interstices de mes activités diplomatiques en deux pays européens que non la Belgique. En outre, il faut encore ajouter, il m’a accordé sa confiance, reconnaissant peut-être que cet « autodidacte acharné » que je suis ne représentait pas en fait un très grand danger pour les pratiques consacrées de toute institution académique, dont l’ULB et sa Faculté de Sciences Sociales sont des plus distinguées.

Une histoire de vie : mon cheminement intellectuel
Mais, si cet ouvrage a une histoire de trente ans de recueillement derrière soi, il a aussi une autre histoire concernant les conditions de son élaboration, depuis le premier essai de conception jusqu’à son « parachèvement » à l’ULB, qu’il serait peut-être intéressant d’évoquer ici, puisqu’il s’agit de la première, et probablement de la dernière, opportunité dont je dispose pour reconstituer mon parcours intellectuel et les raisons pour lesquelles cette thèse a été écrite, avec ses objectifs précis, sa place dans mes réflexions politiques et économiques de la première maturité et, plus important, comment elle a aussi représenté une sorte de cheminement intellectuel complet, depuis le marxisme académique du début des études sociologiques jusqu’au réalisme (non plus théorique, mais pratique) des années d’exercice professionnel. C’est en quelque sorte une histoire de vie, et d’engagement politique, qu’il faut raconter ici et maintenant, car la thèse reproduit et reflète non seulement mon parcours individuel, mais aussi la lutte pour la démocratie au Brésil, dans l’univers intellectuel des débats académiques qui se déroulaient au moment même de sa rédaction et présentation en jury, à la fin du régime militaire dictatorial du Brésil (mais cela n’était pas encore assuré du tout quand je la préparais et rédigeais en solitaire et isolé des mouvements démocratiques de combat).
Quels sont donc les jalons qui marquent sa préparation initiale, les changements conceptuels intervenus en milieu de chemin et son élaboration concrète, à la fin ? Je vais résumer ici quelques années de lectures, de combats pratiques et intellectuels, et de réflexions politiques autour des grands thèmes du capitalisme, de la démocratie, du pouvoir politique et du développement économique, ainsi que sur le rôle des classes sociales, et tout particulièrement des intellectuels, dans ces débats qui faisaient rage au Brésil dominé par une dictature militaire, des années 1960 au milieu des années 1980.

À la fin des années 1960, ayant constaté que le combat auquel, tout juste sorti de l’adolescence, je m’avais été superficiellement associé – celui des mouvements de lutte armée contre la dictature militaire brésilienne – n’avait vraiment aucune chance de réussir dans le contexte de répression violente contre toute opposition, déclenchée par le régime en vigueur, j’ai décidé, tout de suite après avoir commencé le cours de Sciences Sociales à l’Université de São Paulo, qu’il était déjà l’heure de partir du Brésil, pour échapper, vraisemblablement, au destin de tant d’autres jeunes idéalistes, tombés sous les coups des arrestations et de la torture. La Faculté de Sciences Sociales de l’USP, noyau de ce qu’on appelait l’École Pauliste de Sociologie, rassemblait à cette époque les plus distingués représentants du marxisme établi au Brésil, c’est-à-dire, les tenants du progressisme académique, dont j’avais déjà lu les livres avant même d’être admis au cours qui devait m’aider à « mieux faire la révolution sociale ».
En 1970, finalement, devenu majeur, et donc indépendant, j’ai interrompu mon cours au milieu de la deuxième année, acheté un ticket en troisième classe d’un navire, et suis parti vers l’Europe pour une période d’auto-exil dont je n’étais pas en mesure de deviner la durée au moment du départ. Mon exil européen a duré, en tout et pour tout, sept longues années, au cours desquelles j’ai repris, depuis le début, mon cours de Sciences Sociales, complété ensuite une maîtrise en Planification Économique et commencé, à la fin de 1976, un doctorat qui a été à l’origine de l’ouvrage qui est ici présenté.
La dissertation doctorale n’a été achevée, toutefois, que sept ans plus tard, et aussi bien sa nature, que son style et, ce qui est plus important, ses arguments principaux, ont subi une importante transformation par rapport au projet original, élaboré au milieu de 1976. Les raisons, ainsi que le contenu de ces changements demandent une explication que je suis capable d’offrir maintenant, dans ce témoignage à trente ans de distance de la soutenance de la thèse.

Quelles étaient mes intentions, et mes sentiments, au moment où j’ai formulé le projet de thèse et que je me préparais à commencer la recherche et à en écrire certaines parties ? Sincèrement, rien de très différent de tous ces arguments et raisonnements espérés, par trop communs et défendus à l’académie à cette époque, aussi bien dans ma Faculté d’origine – « l’École Pauliste de Sociologie » -- que dans ses consœurs européennes, surtout françaises (Sorbonne, EHESS) et belges (ULB et Louvain), que je parcourrais habituellement et dont la production intellectuelle je suivais avec intérêt. Dans une analyse rétrospective de mes intentions, avec le bénéfice de trente ans d’expérience et de réflexions, je perçois que je me préparais, alors, avouons-le, à pratiquer un « crime prémédité », c’est-à-dire, à inculper la bourgeoisie brésilienne – et par extension celle des pays avancés, et avec elles l’impérialisme et tout ce qui s’ensuit – d’être responsable et compromise avec un régime de force, privilégiant les riches et le capital étranger, plutôt que de favoriser un régime démocratique, tout en s’exemptant, par là, de promouvoir la construction d’un capitalisme progressiste et autonome, apte à défendre la souveraineté nationale et décidé à rompre avec des siècles de pauvreté, de misère, d’exploitation impériale et d’inégalités sociales. En bref, ce qui nous souhaitions alors, moi et tous les académiciens progressistes et de gauche, c’était que la bourgeoisie fût progressiste elle aussi, réformiste, radicalement démocratique, anti-impérialiste, enfin presque socialiste, en tout cas identifiée à un projet national-étatique de répartition de richesses, et d’élimination, ou tout au moins de réduction de la pauvreté.
C’était-il naïf ? Peut-être, mais du moins je ne défendais plus un modèle « cubain » pour le Brésil, comme c’était le cas au début de ma « carrière » politique d’adolescent rebelle, mais plutôt un projet réformiste, du type socialiste avancé, incliné dans un sens fort étatique, car nous tenions pour évident que la seule bourgeoisie ne pouvait soutenir de ses propres forces le combat contre les oligarchies, les officiers de droite de l’Armée, ainsi que la pression toujours importante de l’impérialisme. Oui, telles étaient mes conceptions au moment où j’ai décidé d’interrompre temporairement la préparation de la thèse et de rentrer au Brésil, après presque sept ans d’absence, retrouvant le pays encore sous la dictature militaire, quoique partiellement engagé dans un processus contrôlé d’ouverture politique et de distension prudente.
Au premier trimestre de 1977 j’ai donc accompli le chemin de retour, et me suis retrouvé, deux diplômes en main, mais sans aucun travail, dans la vielle et modeste maison familiale à São Paulo. Je me préparais, en tout cas, à m’engager dans une carrière académique classique – en commençant par donner des cours de sociologie et d’économie dans des institutions privées, en attendant un concours à l’université publique – quand mon attention a été attiré par une annonce de l’académie diplomatique concernant l’ouverture d’examens directs pour sélectionner des candidats au service extérieur de la nation. J’avoue qu’à ce moment-là j’étais plus intéressé de découvrir qu’est-ce que le régime militaire – auquel je me fus opposé farouchement pendant tout le temps de mon exil européen, encore que sous des noms de plume – savait de mes activités « subversives », et s’il y avait quelque chose de compromettant à mon égard, plutôt que de vouloir proprement servir a un État que je combattait encore.
Les examens, que l’on annonçait très rigoureux, m’ont paru, au contraire, tout à fait faciles, probablement dû à mes longs séjours de lecture à la bibliothèque de l’Institut de Sociologie de l’ULB, que je fréquentais beaucoup plus souvent que je ne m’aventurais dans les cours présentiels. Je me suis donc retrouvé, très rapidement, dans une position que je ne pouvais songer quelques mois auparavant : au cœur d’un État, et théoriquement au service d’un régime, que je voulais abattre le plus rapidement possible. En tout état de cause, le travail de recherche en vue de rédiger la thèse a continué, quoiqu’en deuxième plan, pendant trois ans encore, le temps de me marier, constituer famille, et de revenir en Europe pour mon premier poste diplomatique, moins de deux ans après avoir commencé la nouvelle carrière.
Cette fois installé en Suisse – pays faisant partie, avec la Belgique et quelques autres de l’Europe septentrionale, de cette architecture économique que l’on pourrait appeler « le capitalisme idéal », par contraste avec les pays du real existierenden Sozialismus, que je connaissais fort bien – je me suis préparé, au début des années 1980, à reprendre le travail de la thèse, dont les supposés de base ont été quelque peu modifiés par rapport au projet de 1976. Puisque nous entrons là au cœur des arguments qui ont soutenu la construction de la thèse, qui est reproduite dans ce volume, il me faut, maintenant, exposer mon raisonnement, les points de vue que j’y ait défendus , ainsi que les « découvertes » au cours de nouvelles lectures et de plus profondes réflexions entreprises entre 1981 et 1984, des efforts entrecoupés par des nombreux voyages faits en Europe, surtout en direction du « socialisme surréel », subissant alors ses premiers craquements d’édifice.
Tout d’abord le sujet, à proprement parler : en dépit d’avoir conservé le titre original du projet – Classes Sociales et Pouvoir Politique au Brésil: une étude sur les fondements méthodologiques et empiriques de la Révolution Bourgeoise – j’ai conclu, au cours de cette évaluation approfondie du phénomène qu’il y avait beaucoup de mythe, et très peu de réalité autour de l’axe principal de ma thèse : la Révolution Bourgeoise au Brésil, ou tout du moins, un désir (très académique) de l’occurrence d’une révolution bourgeoise, de n’importe quelle nature. Soit, un rêve, ou une utopie, dans le sens où le jeune Marx, encore un peu hégélien, parlait d’Aufhebung ou d’Aufheben. Sans plus tarder, examinons donc la problématique centrale de ma thèse.

Présentation du sujet de la thèse
Mon objectif principal, dans la préparation de la thèse doctorale, était celui d’examiner les rapports entre classes sociales et pouvoir politique au cours du développement historique de la société brésilienne. Cependant, avec un sujet aussi étendu, ne pouvant être cerné par un seul chercheur, j’ai dû choisit de restreindre l’analyse de cette problématique à un biais conceptuel déterminé, celui de Révolution Bourgeoise. Pour quoi ce concept particulier ? Je n’avait pas, a priori, de réponse objective à cette question, mais l’on pourrait renvoyer ce type de discussion à la position de Max Weber à ce sujet : on a de l’empathie pour certains sujets, et pas pour d’autres, des affinités électives que l’on cultive, tout en essayant de rester neutre à propos d’un sujet marqué par une forte subjectivité conceptuelle. En tout cas, ce concept à lui seul définit tout un programme en sociologie et en historiographie, en même temps qu’il reste indiscutablement lié à la tradition marxiste en théorie sociale.
Il existe, en effet, un paradigme marxiste de la « Révolution Bourgeoise » et je me suis appliqué, dans la première partie de mon travail, à le démonter et à en faire une critique approfondie pour le récupérer ensuite en tant que modèle analytique. Dans la deuxième partie du travail, l’application de ce modèle au cas de la modernisation capitaliste de la société brésilienne a été menée à travers l’œuvre majeure de Florestan Fernandes, l’un des plus grands sociologues brésiliens et « père » indiscutable de la notion de Révolution Bourgeoise au Brésil (et, par extension, en Amérique Latine).
Au-delà, toutefois, du rituel académique de préparation et de soutenance d’une thèse typique (en vue de ma propre intégration à la tribu des sociologues), cela à quoi je tenais était moins répondre à des préoccupations théoriques à propos d’un thème classique de la recherche socio-historique (motivation très légitime d’ailleurs) qu’à discuter des questions essentiellement pratiques et relevant d’un domaine de transformation historique toujours original, et en particulier la question suivante: quels sont les rapports entre la bourgeoisie et la démocratie dans le processus de modernisation capitaliste, en général, et dans la transition périphérique, en particulier?
Les concepts principaux que j’ai employés dans la thèse – à part ceux, formels, de modèle, théorie, paradigme, etc. – sont tous historiquement qualifiés: ainsi, la modernisation dont il s’agissait était toujours la modernisation spécifiquement capitaliste, tout comme la révolution était principalement la Révolution Bourgeoise, alors que la domination politique – déformation analytique majeure peut-être – était surtout la domination politique de classe (bien que sur ce point particulier je fus devenu, au cours de mes lectures, bien plus Wébérien que marxiste).
Il n’en reste pas moins que la thèse demeurait au sein de l’univers conceptuel et explicatif Marxien, quitte à faire œuvre d’iconoclaste. Mais, le marxisme (du moins sa variante théorique) n’a pas besoin de défense: il se porte même très bien tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’institution académique. La thèse représentait, d’ailleurs, un moment de ma propre réflexion théorique (et politique, il faut l’avouer) sur les capitalismes et les socialismes réellement existants. Que ceux-ci étaient des formidables échecs, cela je le savais déjà par ma propre expérience, mes maints voyages, beaucoup de lectures, et une vision nourrie par des contacts humains avec des représentants de tous les systèmes en vigueur, y compris des exilés (ceux des dictatures du Tiers-Monde, y compris et principalement du Brésil et des autres régimes militaires de l’Amérique Latine, tout comme ceux du socialisme réel). Ceci étant dit, il faut préciser que pas plus que le Christ ou le christianisme ne peuvent être tenus responsables pour aucune des bêtises qu’on ait pu faire en leur nom, y comprise l’Inquisition, Marx ou le marxisme ne peuvent d’aucune façon être responsables des abominations staliniennes et du Goulag. Mais, j’allais encore, au cours des années suivantes, réfléchir beaucoup sur la responsabilité des intellectuels – ou plutôt des « ingénieurs sociaux » – quant à leurs choix politiques.

Contribution et originalité de la thèse
Au cours de mes recherches, et d’intenses lectures, j’ai étendu considérablement l’éventail des approches considérés autour de mon sujet, sans aucune préférence politique de principe. En effet, ma bibliographie pourrait être accusée de bien des défauts, mais probablement pas d’insuffisance. Soit, j’ai beaucoup cherché, mais je n’ai pas trouvé des études systématiques sur la Révolution Bourgeoise (à part évidemment les études proprement historiques des Soviétiques Drabkin et Porshnev ainsi que les Est-allemands Kossok, Markov et Dessau).
Je considère donc que la principale contribution de ma thèse doctorale a consisté non seulement dans la critique approfondie des fondements conceptuels et historiques de la Révolution Bourgeoise, mais aussi et principalement dans la proposition d’un modèle analytique (à distinguer bien sûr du paradigme marxiste sur la Révolution Bourgeoise) pouvant être appliqué à des cas concrets de développement historique et social. Peut-être le concept en cause ne méritât-il pas tant d’honneur, mais cela relève des choix que chaque chercheur est en droit de faire.
L’autre contribution a été celle de mener la discussion du modèle en cause à propos du développement historique de la formation brésilienne, la modernisation capitaliste qui y est intervenue et ses reflets au niveau de la structure sociale et du système de domination politique. L’entreprise avait été déjà entamée par Florestan Fernandes, mais le concept de Révolution Bourgeoise chez lui n’était pas qualifié de façon stricte, ni possédait un statut théorique précis: le sociologue de São Paulo passait d’une qualification socio-économique à une autre, essentiellement politique, sans que l’on puisse mesurer très bien la part de la « longue durée » et celle de la « conjoncture historique de transformation » (pour employer les termes Braudelien et Labroussien bien connus). Il faut remarquer que Fernandes était, si l’on peut dire, mon « maître-à-penser », quand je partageais entièrement, au début de mon cheminement académique, tous les présupposés théoriques et politiques de l’École Pauliste de Sociologie. Par la suite, cela doit être clair, je m’en suis beaucoup éloigné.
L’originalité de la thèse se situe donc dans l’affirmation critique du concept et de la théorie de la Révolution Bourgeoise, après une analyse serrée de ses fondements historiques, méthodologiques et épistémologiques. Bien sûr, la vraie « biographie intellectuelle » de la Révolution Bourgeoise reste encore à faire, mais j’estime avoir apporté ma modeste contribution à la réflexion sociologique sur un sujet jusque là marqué par une sorte de « dictature historiographique » (celle du marxisme académique, bien évidemment). Il n’en découle pas un nouveau « paradigme sociologique » (entreprise plus que douteuse), mais il s’agit tout de même d’un certain progrès dans le débat théorique et pratique (c’est-à-dire politique) sur le développement du capitalisme à la périphérie et ses avatars politiques.

Hypothèses développées à partir du problème
Quelles étaient, alors, les questions que, en tant que lecteur de Marc Bloch, je posais à mon objet propre ? L’hypothèse de départ affirme, preuves à l’appui, que le marxisme théorique est encore une « conception bourgeoise de l’histoire », dans le sens où il prolonge la réflexion sociale et politique inaugurée pendant les Lumières, tout comme il prolonge l’« âge de la Révolution française ». Mais nous aussi nous vivons encore à l’âge de la Révolution française: vocabulaire, mouvements, idéologies, concepts théoriques et pratiques, tout ce dont nous discutons et comment nous agissons aujourd’hui dérive de la Révolution française et en reproduit les débats. On n’est pas près de l’enterrer…
J’ai développé, ensuite, des hypothèses partielles et opérationnelles, à partir du paradigme Marxien, ou plutôt marxiste, de la Révolution Bourgeoise, celle surtout qui fait de cette notion – appelée à intervenir dans l’histoire concrète – un projet pratique de transformation économique et de démocratisation sociale et politique pour un pays arriéré du point de vue capitaliste. L’hypothèse s’applique aussi bien à l’Allemagne wilhelminienne, qu’à la Russie tsariste (où était née, à la fin du XIXème siècle, une « théorie » partielle de la Révolution Bourgeoise), ou même à certaines formations de la périphérie capitaliste, en l’occurrence le Brésil. Ce projet a conditionné le travail théorique et pratique d’intellectuels engagés, tout comme il serait canonisé, plus tard, dans le « marxisme établi ». Florestan Fernandes au Brésil et bien d’autres représentants typiques de l’académie en sont des exemples appartenant à la même tribu.
À quoi sert donc cette « théorie de la Révolution Bourgeoise »? D’une part, à la « reconstruction du passé », de l’autre à la « construction du présent ». Étant donné que « Révolution Bourgeoise » est un concept historiquement qualifié, peut-il s’appliquer à l’analyse d’un processus dérivé de transformation capitaliste? Mais, tout d’abord, les rapports entre capitalisme et démocratie sont-ils universels et invariables? En quoi le développement tardif du capitalisme peut-il affecter ce rapport? D’autre part, quel est le rôle historique de la bourgeoisie dans la révolution démocratique? Autant de questions théoriques qui ne peuvent que recevoir des réponses essentiellement pratiques.
Mais, puisque ma thèse s’attachait à examiner la validité de ce modèle explicatif, la discussion des hypothèses de travail a été surtout menée au niveau conceptuel – bien que tenant toujours compte du rapport d’adéquation des modèles proposés au mouvement réel de la société. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la thèse est devenue bien plus « historique » que proprement sociologique (la part des lectures de Braudel, de Gerschenkron, de Hill et d’autres historiens du capitalisme, pour ne parler à nouveau que de Marx et de Weber, est donc très importante).
D’autres hypothèses explorées dans la thèse concernent le rôle historique de la « modernisation capitaliste » en tant que facteur « structurel » de la Révolution Bourgeoise, le processus toujours original de formation de classes dans une structure sociale donnée, les dimensions spatiales de la domination politique, ainsi que le rapport entre développement tardif du capitalisme et le régime politique. Ces hypothèses subissent la critique sans ménagements de la part de celui qui est désigné, de manière faussement naïve, comme l’« apprenti sociologue » (ce qui j’étais, disons, au moment des lectures et de la rédaction préliminaire de la première partir de cet ouvrage).

Méthodologies et approches
La méthodologie, ou plutôt l’approche adoptée dans la rédaction de ce long essai d’interprétation analytique autour de la Révolution Bourgeoise (et des révolutions bourgeoises, celles historiques), n’est peut-être pas toujours conforme au style habituel dans le genre, qui commande une séparation stricte entre l’auteur du (des) discours et le critique du (des) discours des adversaires, un terrain toujours marécageux quand il s’agit d’un sujet pour lequel on a une très forte empathie (à nouveau, les affinités électives dont parlait Weber). Cela a pu provoquer certains problèmes à la lecture et j’y prends l’entière responsabilité. Les dissertations doctorales sont en général trop « sérieuses », dans la forme et dans la présentation: j’y ai voulu échapper, et peut-être fut-ce très maladroit de ma part. Tant pis! En tout cas, il faut à nouveau replacer la thèse dans le contexte politique de sa préparation et soutenance, quand on vivait en « dictature bourgeoise » au Brésil, et l’apprenti sociologue voulait « enseigner » à la bourgeoisie comment elle avait tout avantage à, finalement, « devenir » démocratique.
Quant à la méthodologie de mon propre discours, je me suis attaché à une approche hybride, du type historico-conceptuel et qui a souvent surpassé (et parfois étouffé) la méthode proprement historico-sociologique, cette dernière touchant aux aspects concrets de la modernisation capitaliste et de la domination politique. Pour un exemple de cette méthode historico-conceptuelle, voir le livre du philosophe allemand Reinhart Koselleck: Kritik und Krise – ein Beitrag zur Pathogenese der bürgerlichen Welt, que j’ai consulté dans la version italienne: Critica Illuminista e Crisi della Società Borghese.
C’est donc à partir de cette méthode que j’ai développé ma propre critique de (et à) la Révolution Bourgeoise, c’est-à-dire de sa légitimité historique et conceptuelle et de sa valeur heuristique. Ayant constaté son utilité analytique, j’ai appliqué le concept à une réalité dérivée de modernisation capitaliste: c’est alors à la sociologie historique de jouer. Je prends donc le concept de développement historique (ou « développement social ») pour étudier la modernisation capitaliste de la société brésilienne, le processus de formation de classes, les modalités de domination politique et le rôle spécifique de la classe bourgeoise.
Encore en ce qui touche à la méthode, je n’ai pas été explicitement comparatif, et je m’explique quelque part dans ce sous-chapitre: «...la comparaison dont il s’agit ici est purement conceptuelle et concerne l’interprétation de processus toujours uniques de développement historique et social au moyen d’un concept rendu théoriquement général ». La référence ici est au sous-chapitre « Du bon usage du comparatisme », qui tente une discussion théorique à ce sujet, sur la base d’historiens et sociologues réputés.
Par ce type de procédé comparatif-conceptuel (mais aussi comparatif-historique, puisqu’il y a des références concrètes) et en cherchant la légitimation empirique dans l’analyse des cas classiques, je suis bien parvenu à établir la validité conceptuelle et la légitimité méthodologique de la Révolution Bourgeoise, mais je n’ai pas réussi (mais je considère que ce n’est pas de ma faute) à découvrir une révolution bourgeoise concrète au Brésil, quoiqu’en eût dit Fernandes dans son magnum opus. Les psycho-analystes freudiens aiment se référer à la situation (peut-être réelle) de « révolte contre le père » ; pourrait-on dire, alors, que je me suis révolté contre mon « maître-à-penser » ? Je n’en suis pas sûr, car je pense avoir entamé une recherche sérieuse, réfléchi de manière tout à faite indépendante vis-à-vis mes anciens « patrons de la tribu » et établit un certain nombre de « découvertes » sociologiques sur la base de la discussion très approfondie que j’ai menée autour de mon concept-fétiche. Quelles sont ces « découvertes » ?

Principales « découvertes » de la thèse
Elles sont assurément nombreuses, même si en sciences sociales on ne découvre jamais des « nouveaux continents » ou des « nouvelles planètes » dans un système par ailleurs en mutation continuelle (je récuse, à propos, les notions de « système » ou de grand theory dans l’explication sociologique). Il faut faire la distinction entre, d’une part, les « contributions théoriques » à l’étude de la Révolution Bourgeoise en tant que concept historique et en tant que modèle explicatif (pour la sociologie historique, pour la sociologie des révolutions, pour l’étude du développement historique des sociétés capitalistes occidentales) et, d’autre part, les « contributions pratiques » pour ainsi dire à la discussion des chemins de la modernisation sociale et de la démocratie politique (ou plutôt de la non-démocratie) au Brésil et, en général, en Amérique Latine.
Mais, allons directement aux constatations que j’ai faites. J’ai « découvert » que:
1. La Révolution Bourgeoise en tant que concept historique est un fait français par excellence, plus spécifiquement de la première historiographie révolutionnaire (doctrinaires), déterminisme linguistique oblige.
2. La Révolution Bourgeoise en tant que concept social et politique est un fait allemand par excellence, plus spécifiquement Marxien.
3. La Révolution Bourgeoise en tant que programme pratique de transformation sociale et en tant que théorie (partielle) du développement historique est un fait russe par excellence, plus spécifiquement de la pensée marxiste classique (des proto-marxistes à Lénine).
4. La Révolution Bourgeoise en tant que modèle théorique et en tant que concept analytique sacralisé est un fait soviétique par excellence, plus spécifiquement du « marxisme établi » ou de l’imagination dialectique convertie en doctrine d’État.
5. La Révolution Bourgeoise, finalement, en tant que concept opérationnel pour la sociologie de la modernisation est un fait anglo-saxon par excellence, plus spécifiquement de la pensée libéralo-marxiste, du type Moore, Stone, Hill, Hobsbawm, etc. Les Français, quant à eux, semblent continuer à se bagarrer sur des mots.
J’ai encore « découvert » que:
6. La modernisation capitaliste en tant que telle n’est pas une condition structurelle de la Révolution Bourgeoise. Je me réfère dans l’essai aux notions « mariées » de rupture ou continuité dans le processus historique, à la longue durée (Braudelienne) et à la conjoncture de transformation (Labroussienne), ainsi qu’à l’emprise nécessaire du capitalisme, telles que la conçoivent les marxistes, vis-à-vis de la persistance de l’Ancien Régime, comme prétendent certains historiens révisionnistes.
7. La sociologie historique ou politique de Weber n’est pas le corpus théorique le plus adéquat pour l’analyse d’un phénomène de changement historico-social du type de la Révolution Bourgeoise, le marxisme étant beaucoup mieux « armé » pour le faire. J’ai « découvert » que Marx « explique » la Révolution Bourgeoise, Weber seulement sa « suite », c’est-à-dire la politique « bourgeoise ». Je ne revendique pas une quelconque originalité à ce propos, car j’ai puisé l’idée chez maints interprètes de Max Weber que j’ai lu attentivement (le chapitre sur la politique wébérienne est instructif à cet effet).
8. Le « mythe » de la Révolution Bourgeoise est encore et toujours ancré dans l’historiographie marxiste des révolution bourgeoises, du moins celle orthodoxe, les interprétations plus riches se trouvant dans la pensée marxiste-libérale d’extraction anglo-saxonne (bien que Hobsbawm soit aujourd’hui quelque peu sous-valorisé à la bourse des historiens « non-idéologiques », je le trouve toujours intéressant).
9. Il ne faut pas toujours identifier le capitalisme à la société bourgeoise, tout comme il ne faut pas identifier la domination politique à un pouvoir de classe.
En dépit de toutes ces « critiques » et découvertes déroutantes, j’ai « découvert » que le concept de Révolution Bourgeoise était quand même opérationnel pour mes objectifs et pouvait donc être mobilisé à des fins analytiques au-delà des frontières strictement historiographiques. J’ai donc essayé de donner une définition propre à ce concept quelque peu élusif et j’ai tâché de proposer un « type-idéal » de Révolution Bourgeoise. L’exercice ne trouve-t-il, peut-être, vraiment pas d’application pratique ; cependant il semble que l’on ne demande pas à une dissertation doctorale d’être opérationnelle, seulement de prouver que son auteur est capable de mener une recherche dotée d’un minimum de consistance logique et de supports empiriques (dans les cas de thèses historiques, en tout cas).
Du point de vue de la sociologie historique, il ne faut pas laisser sans mention les constatations suivantes:
10. Il n’y a pas un modèle unique de transition capitaliste (ce à quoi Fernandes souscrit entièrement, d’ailleurs), mais diverses transitions, différentes modalités de changement historique qui, tout en étant capitalistes, ne sont pas forcément bourgeoises. Le Brésil est précisément un cas en l’espèce, et ici je me place contre l’opinion de Fernandes, qui s’efforçait de prouver (à tort, à mon avis), que la modernisation capitaliste au Brésil est un cas, malgré tout, de Révolution Bourgeoise. J’ai simplement « démontré » qu’il n’y a même pas eu, au Brésil, de révolution bourgeoise tout court.
11. La Révolution Bourgeoise, du point de vue du développement historico-social, est à la fois un processus de transformation structurelle et une conjoncture de luttes politiques autour du système de domination, bien que le concept doive s’appliquer stricto sensu. La domination politique est un phénomène spécifiquement Wébérien, mais dans la fantasmagorie marxiste il devient toujours « domination de classe ».
12. Les « voies de développement » ouvertes aux formations en cours de modernisation capitaliste ne sont pas déterminées structurellement, mais restent toujours des « possibles historiques », dans le sens où il y a toujours un « domaine autonome de changement social » – c’est-à-dire, une « marge de liberté dans l’histoire » – se présentant sous la forme d’options laissées aux « élites » de chaque formation sociale. Je me place donc – après y avoir adhéré dans ma jeunesse – résolument contre l’idée Marxienne (et marxiste) de la nécessité historique, c’est-à-dire, la « surdétermination » de l’action des hommes (la « superstructure ») par les forces matérielles (« infrastructure »).
13. Dans ce sens, il faut distinguer la formation « économique » (au sens Marxien) de la formation « sociale » (stricto sensu, c’est-à-dire des classes sociales) et écarter toute détermination absolue du pouvoir politique par le pouvoir économique. Une lecture très variée de l’histoire économique m’avait déjà confirmé dans cette « découverte », ainsi que l’observation critique des politiques économiques effectives appliquées tant dans le capitalisme réel, que dans les pays du socialisme « surréel » (c’est-à-dire, maintenus en « fonctionnement » plus par la force de la répression que par les rouages « naturels » de l’activité productive, toujours défaillante, ce qui j’ai constaté de mes propres yeux).
14. La modernisation capitaliste dans les sociétés périphériques non-traditionnelles (c’est-à-dire nouvelles) n’est pas bourgeoise, la « société civile » ne se constituant qu’après la formation de l’État (qui d’ailleurs participe à la structuration sociale); cela s’applique, bien évidemment, au cas du Brésil, et je me suis confronté ici directement aux arguments de Fernandes. Le Brésil de la colonisation portugaise fut un pays où l’État a constitué la société, ou du moins l’a façonnée ; il semble que, même depuis l’Indépendance, et cela jusqu’à nos jours, ce processus s’est maintenu.
15. La « dépendance » et l’« absence de reforme agraire » ne sont pas des causes du « retard », tout comme leurs contraires ne sont pas des conditions du développement économique et social. Là, je me suis confronté aussi à tous les théoriciens de la « dépendance », dont Fernando Henrique Cardoso (qui, dix ans plus tard, devait devenir président de la république, en reniant quelque peu ses théories, mais cela je ne pouvais aucunement deviner au moment où j’entamais la rédaction de la thèse). Le fait remarquable, ici, mais cela est aussi une « découverte » a posteriori, c’est que l’agriculture brésilienne s’est modernisée sans jamais avoir eu à subir une quelconque réforme agraire d’en haut, von oben, car cette modernisation a été conduite, dans une bonne proportion, par les forces du marché, quand l’économie était en crise, et l’État incapable de faire une véritable « politique agricole ». Cela n’est pas non plus très original : ce n’est que quand les sociétés sont en crise, qu’elles sont obligés de se réformer, donc de se moderniser.
Les observations critiques que j’ai présentées dans les chapitres XIII et XIV, concernant les rapports – toujours contradictoires – entre le capitalisme, la bourgeoisie et la démocratie (y compris avec l’intervention de la Révolution Bourgeoise), ne peuvent pas toutes se ranger dans la catégorie « découvertes » – ce que, dans les doctoral dissertations des anglo-saxons, l’on appelle des major findings –, mais elles expriment toutefois une réflexion approfondie sur la nature du développement social des sociétés occidentales, tout en étant une critique voilée des tentatives plus ou moins maladroites d’établir des rapports unilatéraux de causalité. Il y a, bien sûr, entre chacune de ces catégories (non plus conceptuelles, mais historiques) des rapports réciproques d’adéquation, ou des « affinités électives » (pour reprendre l’expression du grand poète allemand, repassé au grand sociologue), mais non pas des déterminants universels.
De même, les rapports entre modernisation tardive et autoritarisme – qui sont à la base du modèle interprétatif proposé par Fernandes – ne peuvent être appréciés de par la seule référence à la nature de la domination bourgeoise. Je peux, à ce propos, attirer l’attention sur la discussion de l’« autocratie bourgeoise » dans la dernière partie de mon travail, ainsi que sur l’ensemble du dernier chapitre en ce qui concerne la question de la « démocratie bourgeoise ». En tout état de cause, au cours de mon cheminement autour de la thèse, j’ai appris à ne plus jamais mettre des adjectifs à la démocratie, comme on avait l’habitude de le faire pendant les années de la grande confrontation entre systèmes opposés. Les qualifications de ce type sont toujours réductrices et trompeuses, servant le plus souvent à soutenir des régimes illégitimes. Il vaut mieux réserver ce genre d’exercice aux menus culinaires : Poulet à la Kiev, Filet à la Parme, Saumon en papillote, etc. La démocratie se suffit à elle seule, sans aucun complément.

Discussion des résultats et implications de l’étude
J’arrive maintenant au terme de mon cheminement théorique et pratique. À part la contribution originale mentionnée plus haut – à propos du modèle analytique de Révolution Bourgeoise et de son application à un exemple concret de modernisation capitaliste –, ma dissertation représente en fait un exercice de contestation théorique à tout « modèle global de développement historique ». Les « théories générales » ne sont pas forcement inutiles, mais elles sont parfois dangereuses pour le travail sociologique (bien qu’aujourd’hui, vu l’état de désarroi des sciences sociales, peu de « dictatures théoriques » subsistent trop longtemps).
L’étude de Fernandes ne se présente pas en tant que « théorie générale de la Révolution Bourgeoise dans la périphérie », ou du moins pas explicitement; elle apparaît toutefois, de manière voulue ou indirecte, une « théorie régionale de la modernisation capitaliste », avec les conséquences politiques que l’on sait. Or, tout comme la « théorie de la dépendance » semble avoir épuisé ses possibilités explicatives, la « théorie régionale de la modernisation capitaliste », impliquant la non-démocratisation politique, possède des bases tout aussi fragiles, que ce soit du point de vue historique que de celui théorique. J’ai, quant à moi, toujours préféré de parler de façon qualifiée, c’est-à-dire, avec un certain support empirique, dans la diachronie historique, et en soumettant chaque affirmation à l’épreuve des faits.
Cela dit, il ne faut pas écarter, a priori, tout effort de systématisation qu’il est possible de faire à partir des « modèles de développement ». Selon Fossaert, « la recherche sociologique tend à concevoir des types caractéristiques de développement social », ce à quoi je n’ai pas été en mesure de souscrire entièrement, en faisant question d’ajouter tout de suite après: « Il n’est pas permis de penser que la réalité du développement social est faite de types caractéristiques ». Pour dire vrai, je suis devenu, plus tard, bien moins tolérant envers ces soi-disant « modèles de développement », peut-être à cause de tant d’échecs qu’ont subi ces prétendus modèles (y compris dans leur application au cas du Brésil).
Ce que j’ai surtout essayé de faire – on m’avait accusé, à une certaine étape de la soutenance de la thèse, de ne pas avoir « annoncé mes couleurs » et de rester insaisissable quant à mes options idéologiques et politiques – c’est l’unification dans un même champ théorique de deux paradigmes – au sens large – divergents et contradictoires: d’une part le paradigme de la « politique sociale » ou de la « modernisation », pouvant grossièrement être décrit comme « bourgeois »; d’autre part, celui du “conflit” ou de la “révolution”, d’inspiration marxiste.
En tout état de cause, ma thèse est restée dans l’univers conceptuel du marxisme académique, mais je crois avoir procédé, à chaque fois, à une critique impitoyable de ses bases théoriques et historiques. D’une certaine façon, la thèse a représenté mon dépassement de ce marxisme académique par trop figé dans ses concepts « classiques », au profit d’une vision moins « religieuse » de l’outillage théorique mis à la disposition des analystes se penchant sur des cas concrets de modernisation capitaliste (avec ou sans domination bourgeoise). Comme l’avait remarqué quelque part Fernand Braudel, le capitalisme est devenu, dans l’univers conceptuel marxiste, un superlatif, imposant sa dictature terminologique même là où il n’y a point de capitalisme dans la pratique. Le Brésil est, encore ici, un cas en l’espèce.
Implicite à la démarche unificatrice mentionnée ci-dessus, il y a une volonté d’arriver à une entente conceptuelle entre les deux paradigmes, étape précédant nécessairement une entente sur les principes. Mais, celle-ci est-elle vraiment possible?
Le premier paradigme concerne l’amélioration de l’ordre social, la correction des défaillances les plus évidentes du système en place, bref, la réforme. Le deuxième paradigme vise, lui, la destruction et le remplacement de système: il est prescriptif, dans le sens où il propose, en plus du diagnostic, une thérapie. Comme il est assez connu, le marxisme appliqué a toujours et partout consisté en des gigantesques opérations d’ingénierie sociale, avec son cortège de catastrophes sociales et une perte « inutile » en vies humaines (inutile dans le sens où ces pertes ne sont pas nécessaires au fonctionnement du système, mais elles le sont, probablement, pour sa « survie »).
Les expériences tentées au cours de l’histoire, ou encore existantes (très rares, il faut le reconnaître), ne tournent pas à son avantage, c’est le moins qu’on puisse dire (et je le reconnaissais déjà trente ans auparavant). L’approche libérale ou bourgeoise est beaucoup plus modeste quant à ses ambitions. Le même type de raisonnement vaut aussi pour les formations sociales insuffisamment développées, c’est-à-dire, encore peu capitalistes, ce qui s’applique encore une fois au Brésil. Mais, pourraient argumenter les true believers dans le « sens de l’histoire », la modération serait-elle une bonne qualité quand on meurt de faim? C’est là la justificative des politiques distributives – voire populistes – quand la richesse est encore à ses débuts pour satisfaire à tous les besoins déclarés. La question est toujours ouverte, et le débat autour des thèses de l’économiste français Thomas Piketty a encore renouvelé le débat.
La question sociale continue d’être le problème par excellence des pays en voie de modernisation (est-elle toujours capitaliste, dans le sens classique du terme?). Mais il serait illusoire de penser que l’on puisse délaisser la question démocratique pour s’occuper seulement de la première. Les réponses que l’on pourrait apporter à ce « problème » – s’il en est un – ne sont d’ailleurs jamais de nature théorique, mais bien pratique. Il n’y a pas, et il ne peut pas y avoir, de théorie du « développement » à l’échelle mondiale: le changement historique n’est pas contrôlable par la société (ce que Marx avait affirmé dès l’Idéologie Allemande), même quand celle-ci a opéré un « saut qualitatif » en direction de la « démocratie réelle ».

Retour vers le futur : capitalisme et démocratie trente ans après
La thèse présentée en 1984 n’a probablement pas répondu à tous les problèmes soulevés au départ, et à tous les questionnements qu’il est encore possible de faire aujourd’hui autour des relations toujours difficiles entre capitalisme, démocratie et transformations dans le régime de pouvoir en fonction de la dynamique sociale (ou de classes, comme le prétendent toujours les marxistes). Mais je crois, sincèrement, que ma thèse s’est efforcé au moins de rectifier quelques-unes des questions posées dans le domaine du marxisme académique et d’éliminer certaines réponses qu’il cherchait à produire (contre un certain « sens de l’histoire », rectification à laquelle j’ai accédé par maintes lectures, mais surtout par des voyages d’observation).
Quoiqu’il en soit, et pour terminer avec l’omniprésent savant allemand – encore objet de trop de révérence dans des académies de pays périphériques –, la onzième thèse sur Feuerbach n’est de toute façon pas réalisable: cela supposerait la « connaissance réelle » de ce monde et la mise en action d’une sorte de « volonté collective » à laquelle peu de savants de l’académie seraient capables de se rallier aujourd’hui. Suite à la succession de désastres historiques – donc bien réels – provoqués par l’imagination dialectique transmuée en pouvoir politique, très peu d’intellectuels s’attachent de nos jours à vouloir pratiquer ces exercices démodés d’ingénierie sociale. Le danger est pourtant toujours là, comme le prouvent bien d’expériences encore aujourd’hui conduites en Amérique Latine. En tout état de cause, le populisme qui se revendique d’un faux héritage de Simon Bolivar ne semble être autre chose qu’une contrefaçon de mauvaise qualité (mais, elles le sont toujours) du vieux fascisme de l’entre-deux-guerres.

Quant à l’apprenti sociologue, devenu enfin un académicien professionnel, sa tâche – constante, permanente – est celle de continuer à faire la critique du monde réel, ce qu’il a fait dans cette thèse et à chaque opportunité pratique et théorique depuis lors. Il ne s’agit pas seulement de répéter le vieil adage qui prétend que la théorie, dans la pratique, ne fonctionne pas, car cela on le sait déjà. Mais, même pour dire cela, il faut une certaine théorie, c’est-à-dire, il faut partir de certains supposés.
Mes supposés, à l’origine de la conception, de la première formulation et de la rédaction de cet exercice académique, étaient très clairs : je m’inquiétais du capitalisme et de la démocratie au Brésil, et cela dans un contexte bien déterminé : le Brésil d’alors était un pays insuffisamment développé du point de vue capitaliste et n’était clairement pas un pays démocratique. Ayant un système économique dominé, à près d’un tiers par le poids de l’État, les agents économiques privés n’étaient pas en mesure de créer, eux-mêmes, des nouvelles sources de richesse sur la base de leurs initiatives individuelles, en toute liberté économique, car tout dépendait de la permission de l’État, un peu comme aux temps de la colonisation. D’autre part, tombé, en 1964, sous les coups de ses crises politiques et de son instabilité institutionnelle chronique, dans un type de gouvernement et de régime politique à dominance autocratique-militaire, le Brésil n’était pas encore arrivé, au moment de la rédaction de cette thèse, entre 1983 et 1984, à un système que l’on pourrait appeler comme formellement démocratique, comme il serait devenu près d’un an plus tard (et encore avec beaucoup de limitations pratiques). Plus qu’un simple exercice académique, la thèse était donc une sorte de cri d’angoisse personnel, exprimé dans une forme très académique, en face de la double absence d’un capitalisme réel et d’une démocratie fonctionnelle au Brésil d’alors.
Plus de trente ans plus tard, que pourrait-on dire à cet égard ? Quelles seraient les constatations que nous sommes maintenant en droit de faire, si l’ont suit la lente évolution du pays dans les contextes économique et politique de la période écoulée ? Quel a été l’itinéraire, dans le cas du Brésil, de ces deux éléments majeurs de toute économie libérale de marché, que sont le capitalisme et la démocratie ? J’offre ici ma petite synthèse rétrospective.

Pour ce qui est du capitalisme, nous avons certes avancé un peu en termes de stabilité macroéconomique, mais nous ne sommes pas certains d’avoir vaincu vraiment les fléaux de l’inflation, de la dette publique élevée, des déséquilibres budgétaires, ou bien les défis d’un régime de change encore erratique et inconstant, car l’on retrouve à chaque fois les mêmes défis qui étaient les nôtres des décennies auparavant. En termes de compétitivité microéconomique, nous nous ressentons toujours du poids démesuré de l’État sur la vie économique, de l’absence de véritable compétition de marché, d’un excès de cartels et des monopoles (et pas seulement ceux relevant directement de l’État), d’une protection officielle à certains grands acteurs dans le domaine productif –ceux-là mêmes qui financent, bien sûr, la corruption politique et la collusion (dont parlait déjà Braudel, du début du capitalisme) entre entrepreneurs privés et agents publics, bref, de tous ces maux qui affectent la productivité du système économique et la compétitivité interne et externe des entreprises privées. Il reste un long chemin, encore, pour que le Brésil devienne un pays capitaliste « normal ».
Pour ce qui est de la gouvernance politique, nous avons surmonté, bien sûr, l’enfer de l’autocratie de l’ancienne dictature militaire, mais il n’est pas certain, non plus, que notre démocratie soit de bonne qualité. Près de huit cents ans après la proclamation de la Magna Carta, nous ne sommes pas encore arrivés à une situation où personne, même pas le roi, ne soit au-dessus de la loi : la puissance des « maîtres du pouvoir » – dont parlait le sociologue Wébérien Raymundo Faoro – est toujours là, pour défier ce principe central de l’accord imposé par les barons, en 1215, à Runnymede, à un roi arbitraire. La justice, de son côté, fonctionne mal, est trop lente, et ce suffisamment pour représenter, en fin de compte, un déni de justice. Les système électoral et le régime des partis sont encore déformés, des legs de la période autoritaire qui n’ont pas encore été réformés de manière acceptable, pour introduire au Brésil ces principes politiques et d’organisation institutionnelle que, dans le système anglo-saxon, l’on appelle accountability.
Que dire, alors, de la qualité du capital humain, qui est la base du progrès matériel, de l’innovation technologique, bref, de la prospérité économique et du bien-être social ? Il n’est pas difficile de reconnaître que le Brésil est arrivé trop tard au réquisit fondamental de l’éducation universelle, et qu’aujourd’hui encore la qualité de l’enseignement délivré dans les établissements publics des premiers cycles est particulièrement mauvaise, ce qui se reflète dans les très bas niveaux de productivité du système économique. Finalement, pour ce qui est de l’ouverture économique et de la libéralisation commerciale, force est de constater que le Brésil continue d’être un pays fermé au commerce international – avec un coefficient d’ouverture, c’est-à-dire, la part du commerce extérieur dans la formation du PIB, qui est la moitié de la moyenne mondiale – et encore très frileux par rapport aux investissements étrangers : il y a toujours des domaines réservés à des nationaux, des secteurs monopolisés ou pas, ce qui diminue, bien sûr, le potentiel de transformations novatrices qu’il serait possible d’introduire dans le système économique.

Bref, le Brésil reste un pays insuffisamment développé d’un point de vue économique et avec une démocratie défaillante et lacunaire du point de vue politique. Trente ans après avoir exprimé ces angoisses à l’encontre de notre situation nationale dans un exercice académique, l’on revient aux mêmes exigences en ce qui concerne la possibilité de constitution d’un capitalisme démocratique dans le pays. Sur le plan économique, on ne peut manquer d’enregistrer l’interventionnisme toujours actif de bureaucrates prétendant guider les marchés et même les capitalistes privés, ainsi que la persistance d’un capitalisme d’État par trop invasif, et soumis encore à l’intromission de la classe politique, ce qui est une porte ouverte à toutes sortes de combines corrompues. Sur le plan politique, on ne peut non plus ne pas remarquer une gouvernance organisée autour de l’État, fonctionnant par l’État et pour l’État, plutôt qu’en faveur des simples citoyens.
En observant ces traits, il n’est pas surprenant de retrouver dans le Brésil d’aujourd’hui certaines des caractéristiques qui étaient en vigueur au cours des années de dirigisme économique excessif et d’autocratie politique du temps des militaires, ou peut-être même plus loin, lors des fascismes d’entre-deux-guerres. C’est une sorte de corporatisme hérité des années de dictature, mais qui plonge des racines un peu plus en arrière dans notre histoire, et pour cause : les militaires qui ont commandé le pays des années soixante au milieu des quatre-vingt avaient fait leurs académies militaires quand les conceptions dirigistes d’économie, et les notions autoritaires d’ordre politique, avaient une large acceptation dans leurs cours et ne disputaient l’espace qu’avec une faible présence d’une pensée plus libérale, dans les cœurs et dans les mentalités des dirigeants. Nous devrons peut-être supporter la survivance de ces idées vétustes pour un certain nombre d’années encore. Jusqu’à quand, exactement ? Comment faire pour s’en débarrasser ? Serions-nous en présence de la célèbre répétition hégélienne-marxiste de l’histoire ?
Il n’y a pas de réponses faciles à ces questions. Même quand on prétend abandonner les illusions de l’académie pour se réfugier dans le monde de la pratique, l’on est toujours prisonnier d’une certaine conception quant à l’organisation du monde et à son fonctionnement réel. Donc, à s’efforcer de pratiquer la critique de la raison pratique, et de devenir un peu Machiavélien dans les faits, sinon dans les intentions (et cela, dans le bon sens du concept lié au Florentin, bien entendu), l’on retombe toujours sur Raymond Aron et sa philosophie de l’histoire. En tout cas, on ne pourrait pas désirer être en meilleure compagnie qu’avec celle du « spectateur engagé ».
Cette thèse doctorale en fournit une bonne preuve : elle avait commencé, dans le projet tout au moins, comme un exercice de sociologie et d’histoire résolument marxistes dans son outillage et dans son vocabulaire : elle s’est conclue dans un univers conceptuel beaucoup plus Wébérien, dans sa méthode, et délibérément Aronien, dans son esprit.

C’est un exercice académique que j’ai eu beaucoup de peine à terminer, entre les labours dévoués à un nourrisson et un transfert à un poste beaucoup plus difficile que celui du capitalisme avancé où je l’avais commencé ; mais il m’a aussi prodigué beaucoup de satisfaction intellectuelle quand je l’ai finalement terminé. Que son résultat soit resté déposé trente ans dans le silence d’une bibliothèque universitaire me faisait un peu de peine, je l’avoue. Qu’il soit aujourd’hui ressuscité par les soins des Éditions Universitaires Européennes, en vue d’un accès plus large, représente une sorte de compensation – quoique tardive – pour tous les efforts de recherche et de lecture, ainsi que pour l’investissement intellectuel qui y a été fait dans ma jeunesse.
Il ne serait pas non plus exagéré de dire que sa publication représente une espèce de renaissance spirituelle, pour la thèse et pour son auteur. J’en suis là tout à fait conscient et reconnaissant.

Paulo Roberto de Almeida
Hartford, CT, USA, le 30 Août 2015.

Nenhum comentário:

Postar um comentário

Comentários são sempre bem-vindos, desde que se refiram ao objeto mesmo da postagem, de preferência identificados. Propagandas ou mensagens agressivas serão sumariamente eliminadas. Outras questões podem ser encaminhadas através de meu site (www.pralmeida.org). Formule seus comentários em linguagem concisa, objetiva, em um Português aceitável para os padrões da língua coloquial.
A confirmação manual dos comentários é necessária, tendo em vista o grande número de junks e spams recebidos.