Dieu existe-t-il ? Ce qu’en dit la théorie de la théière de Russell
Selon la théorie du philosophe Bertrand Russell, faute de preuves, c’est à celui qui affirme qu’une divinité existe d’en apporter. Et non l’inverse.
Par Joseph Le Corre
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Le Point, 10/11/2024 à 13h00
La théorie de la théière céleste de Russell n’est ni une déclaration de guerre contre les croyants ni une affirmation irrévocable de l’athéisme, mais une invitation à la prudence dans nos croyances.
Votre voisin, dont l'intelligence vous a toujours séduit, profite de la fin du dîner pour vous faire part de ce qu'il pense de la religion. Il soutient mordicus qu'une théière volante, imperceptible par les télescopes modernes, vole en orbite entre la Terre et Mars depuis des millions d'années. Il se définit, sans esquisser le moindre sourire, comme un « théiste ». Évidemment, vous ne pouvez pas vous empêcher de lui rétorquer qu'il dit des inepties… Mais il vous répond qu'il arrêtera de croire au « dieu Théière » le jour où vous lui apporterez la preuve qu'aucune théière ne vole au-dessus de nous.
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Aussi fantaisiste que cela puisse paraître, cet exemple est utilisé de façon très sérieuse par le philosophe britannique Bertrand Russell (1872-1970) pour défendre l'athéisme ou l'agnosticisme. Russell utilise cette situation loufoque pour souligner ce qu'il considère comme absurde : le fait que ce soit à vous d'apporter la preuve qu'aucune théière n'est en orbite dans l'espace. Pour le philosophe agnostique, c'est à celui qui prétend qu'une divinité existe d'apporter des preuves. En d'autres termes, selon la théorie de la théière, la charge philosophique de la preuve incombe à la personne qui formule une affirmation, au lieu de transférer la charge de la réfutation à d'autres.
De nombreuses personnes orthodoxes parlent comme si c'était le travail des sceptiques de réfuter les dogmes plutôt qu'à ceux qui les soutiennent de les prouver. C'est bien évidemment une erreur. Si je suggérais qu'entre la Terre et Mars se trouve une théière de porcelaine en orbite elliptique autour du Soleil, personne ne serait capable de prouver le contraire. […] Mais, si j'affirmais que, comme ma proposition ne peut être réfutée, il n'est pas tolérable pour la raison humaine d'en douter, on me considérerait aussitôt comme un illuminé », écrit-il dans un article intitulé « Y a-t-il un Dieu ? », commandé mais jamais publié par le magazine Illustrated en 1952. Pour Russell, la croyance en Dieu est basée sur le même argumentaire que votre voisin qui défend l'existence du « dieu Théière ».
La théière de Russel inspirée du rasoir d'Ockham
La théière de Russel est directement inspirée d'un outil de réflexion très connu en philosophie : le rasoir d'Ockham. Ce principe de parcimonie veut que « les entités ne doivent pas être multipliées au-delà de la nécessité ». En d'autres termes : « Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? » Selon les tenants du rasoir d'Ockham, face à des hypothèses concurrentes pour une même explication (en l'occurrence, l'origine de la création de l'Univers), il faut toujours privilégier l'hypothèse la plus simple et tenter d'abord de la prouver.
Ainsi, selon eux, le plus simple est qu'aucun dieu ne soit à l'œuvre dans la création de l'Univers. En appliquant le rasoir d'Ockham, Russell, comme beaucoup d'athées, affirme qu'il n'y a aucune preuve pour soutenir, par exemple, le Dieu chrétien. Donc, tant que de telles preuves ne sont pas présentées, il ne croit pas en ce Dieu et vit sous l'hypothèse qu'il n'existe pas.
L'exemple de la théière pris par Russell est délibérément ridicule. Aussi farfelue soit-elle, cette invention a pour but de prouver que l'existence de la théière divine est tout aussi indémontrable que celle du Dieu chrétien.
L'existence de Dieu et « l'absence de preuve »
Le philosophe américain Peter van Inwagen, qui plaide, lui, pour un « agnosticisme neutre », estime que la probabilité initiale de l'existence de Dieu ne devrait pas être considérée comme nulle uniquement parce qu'aucune preuve n'est disponible. Il souligne qu'une « absence de preuve n'est pas une preuve d'absence ». Bien que la probabilité d'une hypothèse soit extrêmement faible, cela ne signifie pas qu'elle soit inexistante.
Van Inwagen note que, bien que cet exemple de la théière analogique soit puissant, il comporte des défauts. La probabilité d'une théière en orbite est « essentiellement nulle » car elle supposerait des origines extrêmement improbables (comme une intervention extraterrestre). En revanche, l'existence de Dieu n'est pas sujette aux mêmes lois physiques que celles des entités matérielles comme la théière.
Certains remettent en cause l'idée même selon laquelle « il n'y aurait aucune preuve de l'existence de Dieu ». William D. Phillips, Prix Nobel de physique 1997, se demandait par exemple : « Pourquoi l'Univers est-il si incroyablement adapté à l'émergence de la vie ? Et, plus encore, pourquoi est-il si minutieusement adapté à notre existence à nous ? […] Cela constitue-t-il une preuve scientifique légitime de l'existence d'un créateur intelligent ? Cela se pourrait. Reste que cette preuve n'est pas universellement partagée. »
En vérité, la théière de Russell n'a pas la prétention de trancher les discussions entre les croyants et les non-croyants. L'analogie ne fait pas de Russell un porte-étendard de l'athéisme pur ; elle le place plutôt comme un champion d'une curiosité intellectuelle qui refuse de se satisfaire de réponses faciles. Bertrand Russell a créé l'analogie de la théière pour illustrer le fardeau de la preuve. La théière céleste n'est ni une déclaration de guerre aux croyants ni une affirmation irrévocable de l'athéisme. C'est une provocation bien pensée, une invitation à la prudence dans nos croyances.
Resumo da biografia de Bertrand Russell
Filósofo britânico
Bertrand Russell (1872-1970) foi o mais influente filósofo britânico do século XX. Foi ensaísta e crítico social, conhecido também por seu trabalho de lógica matemática e filosofia analítica.
Bertrand Arthur William Russell, o terceiro conde Russell, conhecido como Bertrand Russell, nasceu em Trelleck, País de Gales, Reino Unido, no dia 18 de maio de 1872.
De família aristocrática, filho do visconde de Amberley ficou órfão aos três e foi educado por preceptores e governantas na casa da avó, até ingressar no Trinity College, em Cambridge.
Russell mostrou seu grande interesse por matemática e ciências exatas, afirmando que elas constituíam a fonte de todo o progresso humano.
Formação
Em 1890, Bertrand ingressou na Universidade de Cambridge, onde estudou Filosofia e Lógica.
No final do século XIX, junto com Edward Moore, reagiu contra o idealismo dominante e restabeleceu a tradição empirista de filósofos como Hume.
Passou a publicar seus ensaios em revistas especializadas. Em 1910 publicou o primeiro volume da obra “Principia Mathemática”.
Ainda em 1910 ingressou como mestre de conferências na Universidade de Cambridge e deixou importantes contribuições ao problema de fundamentação lógica da matemática.
Em 1911 publicou “Problems of Philosophy” e “Our Kwonledge of the External World” em 1914, que confirmaram o seu inegável prestígio.
Bertrand Russell sempre demonstrou grande interesse pelos problemas sociais, se posicionou a favor da emancipação feminina.
Militante político
Em 1916 foi obrigado a se demitir da Universidade, em virtude da participação em movimentos pacifistas, durante a Primeira Guerra Mundial. Foi multado e preso.
Bertrand Russell passou cinco meses na prisão, época em que escreveu “Introdução à Filosofia Matemática”, publicada em 1919.
Em 1920, Bertrand viajou para a Rússia e para China, onde realizou uma série de conferência durante um ano. Nessa época escreveu livros populares de Ética, Matemática e Filosofia.
Após visitar a Rússia, ele fez duras críticas ao regime comunista. Denunciou a natureza totalitária do regime soviético e predisse e condenou muitos aspectos do que seria mais tarde chamado de stalinismo.
Reuniu suas conferências na obra “The Analysis os The Mind” (1921). Em 1939 mudou-se para os Estados Unidos, onde lecionou na Universidade da Califórnia.
Em 1944, voltou para a Inglaterra, retornando ao Trinity College. Em 1944 foi condecorado com a Ordem do Mérito.
Filosofia de Russell
Bertrand Russel acreditava que a filosofia deveria preparar o terreno para uma ciência pragmática que permitiria ao homem dedicar-se ao aperfeiçoamento do mundo em que se vive.
Apesar de sua imensa produção filosófica, que abordava assuntos como física, lógica, religião, educação e moral, Russell nunca foi uma personalidade estritamente acadêmica.
A obra filosófica mais lida de Russell é a “História da Filosofia Ocidental” (1945), que se tornou um best-seller no Reino Unido e nos Estados Unidos. Em 1950 recebeu o Prêmio Nobel de Literatura.
Campanhas oposicionistas
Após a Segunda Guerra Mundial, Russell tornou-se um dos principais representantes do movimento de oposição às armas nucleares. Em 1954, fez um polêmico pronunciamento em que condenava os testes de bombas nucleares.
Em 1958 foi presidente da “Campanha pelo Desarmamento Nuclear”. Em 1960 formou o “Comitê dos 100”, com o objetivo de incitar a desobediência civil.
Além de suas campanhas no combate ao totalitarismo, destacou-se também contra a intervenção americana no Vietnam.
Bertrand Russell faleceu em Penrhyndeudraeth, País de Gales, no dia 2 de fevereiro de 1970.
Frases de Bertrand Russell
- O truque da filosofia é começar por algo tão simples que ninguém ache digno de nota e terminar por algo tão complexo que ninguém entenda.
- O problema do mundo de hoje é que as pessoas inteligentes estão cheias de dúvidas, e as pessoas idiotas estão cheias de certezas.
- Se a todos fosse dado o poder mágico de ler nos pensamentos dos outros, suponho que o primeiro resultado seria o desaparecimento de toda a amizade.
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