Interessante, muito interessante postagem de um dos blogs do Le Monde, Internet Actu, sobre pesquisas cobrindo prazos extremamente longos, como os trabalhados pelo cientista americano Jared Diamond em seu
, publicado na França sob um título totalmente diferente.
Li esse livro e gostei muito, embora não concorde com todas as suas teses, ou sua visão e abordagem, para mim excessivamente ambientalista e ecológica, e menos cultural-institucional, como prefiro.
Em todo caso, vale ler não só o post, como seguir todos os links ali colocados para o aprofundamento da discussão e conhecimento dessas pesquisas levadas a efeito por Samuel Arbesman.
La quantité massive de données dont nous disposons sur tous les
sujets, des sciences sociales aux systèmes environnementaux, nous laisse
espérer la possibilité de mieux comprendre le monde dans lequel nous
vivons.
Mais les arbres ne cachent-ils pas la forêt ? Le mathématicien
Samuel Arbesman (
@arbesman) affirme dans
Wired
qu'il nous faut désormais compléter ces big data par les "long data" :
des informations sur les phénomènes lents, se développant sur le très
long terme. Pour cela, nous devons collecter et surtout interpréter des
données s'étendant sur plusieurs siècles, voire des millénaires.
Un exemple de ce genre de travail, cité par Arbesman, est l'oeuvre
Jared Diamond, auteur de
Guns, Germs and Steel (traduit en français sous le titre
De l’inégalité parmi les sociétés -
Wikipédia).
Pour Diamond, les seules raisons pour lesquelles certaines
civilisations se sont développées pour créer des institutions complexes
(ce qui ne signifie pas meilleures) sont à chercher dans les conditions
matérielles aux origines de l'Histoire. Ainsi le développement des pays
de la zone eurasiatique s'expliquerait, entre autres, par leur situation
sur un axe est-ouest (grosso modo l'itinéraire de la "route de la
soie") sur lequel les techniques d’élevage et d'agriculture peuvent
aisément transiter. En effet cet axe ne connait pas de différences
climatiques majeures (les transferts se déroulent à peu près sous la
même latitude), ce qui évite une acclimatation trop difficile des
plantes et des bêtes. Au contraire, l’Afrique et l’Amérique du sud sont
structurées sur un axe nord-sud, qui rend les communications et le
transfert de technologies plus difficile. Pour Diamond, prendre en
compte ces aspects matériels est la seule manière d'éviter une vision
raciste de l’histoire, comme lorsqu’on imagine que certaines cultures
ont bloqué l'innovation. Dans cette vision à très long terme, les
différences culturelles se voient gommées et on ne perçoit plus qu'une
humanité unique en relation avec son environnement.
Si ces "long data" peuvent présenter un grand intérêt pour les
historiens, sont-elles vraiment importantes pour qui cherche à envisager
le futur ?
De fait, se concentrer sur le présent est susceptible d'introduire
certains biais dans notre analyse, notamment la "déviation du standard",
(
shifting baseline).
Autrement dit, combattre notre tendance à considérer que notre état
présent est le mètre étalon avec lequel nous pouvons juger l’évolution
d'un phénomène. Pour exemple, Arbesman cite la baisse constante de la
population de cabillauds de Terre-Neuve. Les effets de la surpêche ont
été tellement lents qu'il a été impossible pour les pêcheurs d'en
réaliser les conséquences. A leurs yeux, la situation qu'ils vivaient
était toujours "normale", même quand elle ne l'était plus...
De plus, précise le mathématicien, les "long data" ne nous servent
pas qu'à évaluer les évolutions lentes. Ils servent aussi à
contextualiser les transformations rapides. Ils nous permettent de
comprendre la mécanique des changements brutaux, d'observer la fréquence
de ces derniers au cours de l'histoire, et prédire - peut-être - leur
développement.
Mais si les "big data" décollent aujourd'hui, c'est parce que nous
disposons des outils nécessaires pour les recueillir, ce qui n'est pas
forcément le cas des données historiques. Comment travailler sur les
"long data" ? Arbesman cite deux exemples de textes présentant et
exploitant ces données, comme l'article de Michael Kremer pour le
Quarterly Journal of Economics "La croissance de la population et le changement technologique : d'il y a 1 million d'années à 1990"(.pdf) ou
le livre de Tertius Chandler, 4 siècle de croissance urbaine : un recensement historique. En France, on peut bien sûr citer le classique d'
Emmanuel Leroy-Ladurie,
"L'histoire du climat depuis l'an mil".
Parmi les outils disponibles, citons par exemple
Google Ngrams,
qui permet de tracer l'historique de l'usage d'un mot depuis l'an 1500,
grâce à une analyse des livres numérisés par Google Books. Évidemment,
cela ne commence qu'à l’invention de l'imprimerie, et le fonds n'est pas
exhaustif. Mais c'est un début qui a lancé un nouveau champ d'études,
la
culturomique, reposant sur une analyse quantitative des termes étudiés.
Le premier article du domaine a été publié en 2011 (.pdf) (voir "
Quand Google Books permet de comprendre notre génome culturel").
Vers la psychohistoire - et au-delà !
Finalement tout cela est-il bien neuf ? Les historiens ont déjà remarqué, notamment avec
Fernand Braudel, le rôle du temps long, et de la différence entre la temporalité du politique et celle des mentalités.
Mais la manipulation des "long data" vise autre chose qu'une simple
compréhension des phénomènes historiques. Il s'agit de découvrir dans
les évènements des constantes mathématiques qui nous permettent de
repérer des
patterns, des modèles, des structures indépendantes de ces évènements.
Ce qui, après la culturomique, nous amène à un autre néologisme, la
cliodynamique.
Voici ce qu'en dit son fondateur, l'écologiste et historien
Peter Turchin :
"Qu'est-ce qui a causé la chute de l'Empire romain ? Plus
de 200 explications ont été proposées, mais il n'existe pas de
consensus sur celles qui sont plausibles et celles qui doivent être
rejetées. La situation est aussi risible que si, en physique, la théorie
du phlogistique
et la thermodynamique existaient simultanément. Cet état de choses nous
empêche d'avancer... Nous avons besoin d'une science sociale historique,
car les processus qui agissent sur de longues durées peuvent affecter
la santé des sociétés. Il faut que l'histoire devienne une science
analytique, et même prédictive"
.
On retrouve dans ce discours le fantasme de
la psychohistoire, imaginée par l'auteur de Science Fiction Isaac Asimov dans sa série
Fondation
consistant à étudier les motivations psychologiques des évènements
historiques pour les prédire, et qui hante depuis quelque temps les
sciences de la complexité (voir par exemple les travaux de
Dirk Helbing et
Bar-Yam que nous avions évoqué) et dont la cliodynamique n'est qu'un nouvel avatar.
Le premier essai d'Arbesman consacré explicitement à l'histoire (.pdf)
porte sur la naissance et la disparition des empires. Son texte est
assez mathématique et difficile à suivre, mais heureusement pour nous,
il en a donné un résumé dans un article paru originellement dans le
Boston Globe (mais accessible
ici). Le titre pose une question tout à fait d'actualité : "Combien de temps l'Amérique va-t-elle durer ?"
Arbesman a analysé les durées de vies de 41 empires qui se sont
succédés au cours de l'histoire et a projeté les résultats sur une
courbe. Il constate que leur longévité moyenne est de 215 ans. Rappelons
que l'actuel empire américain en compte quelque 225 depuis l'adoption
de sa constitution en 1787. Doit-on le considérer en fin de vie ? Non,
car cette "moyenne" ne permet en aucun cas d'effectuer la moindre
déduction. En effet, la courbe dessinée par Arbesman correspond à ce
qu'on appelle une "distribution exponentielle" en statistique. La
caractéristique de cette distribution est qu'elle est "sans mémoire".
Autrement dit, les chances qu'a un empire de s'effondrer dans un avenir
proche sont les mêmes, qu'ils aient persisté 80 ans, comme celui
d'Attila, ou 1000, comme celui d'
Elam.
"C'est
assez différent de la durée de vie humaine, pour laquelle plus on est
vieux, plus on a de chances de mourir. La possibilité pour un empire de
disparaître est la même chaque année." Imaginez une population d'individus immortels, mais dont la majorité décèderait à 80 ans des suites d'accidents divers...
"Cela perturbe notre manière de concevoir les choses - comment la
force des institutions crée une puissante fondation susceptible de
garantir la stabilité ; ou comment, dans le passé, la longue histoire
d'une dynastie pouvait lui conférer une légitimité qui la mettait au
rang des dieux".
Et ce n'est pas tout. Les empires ne sont pas les seuls à connaître
cette distribution. C'est également le cas pour les espèces animales et
pour les entreprises.
Quelle est la cause de cette disparition brutale ? Elle semble liée
pour Arbesman au phénomène darwinien dit de la "Reine Rouge", en hommage
au personnage qui, dans
Alice de l'autre côté du miroir, court
pour pouvoir rester à la même place. Autrement dit, ces structures
s'effondrent, car elles ne savent pas s'adapter assez rapidement aux
changements du milieu.
"Peu importe à quel point un empire est adapté à un environnement
et aux civilisations voisines, celles-ci essaient aussi de faire plus ou
moins la même chose. Au final, la probabilité de survie ne change pas.
Pour citer les brochures des fonds de pension, la performance passée
n'indique rien des résultats futurs".
Il est évident que de tels travaux ne sauraient être déduits des "big
data" centrées sur le présent. Seul un travail comparatif portant sur
plusieurs millénaires peut permettre d'arriver à ce genre de
conclusions.
Un changement de perception du temps
Au-delà des possibilités prédictives de ces
long data, leur
usage nous permet de nous débarrasser de la maladie court-termiste
propre à nos civilisations. On est tenté de mettre en rapport la thèse
d'Arbesman avec l'école contemporaine de la
big history, menée notamment par l'Australien
David Christian, qui veut synchroniser l'ensemble de l'histoire humaine avec celle de notre planète et de l'univers. Ainsi, dans son livre
Maps of Time, Christian raconte notre histoire depuis le big bang. Un autre exemple - fameux - de
big history est la
chronologie cosmique de
Carl Sagan,
qui compresse sur une seule année l’histoire de l'univers. Si le big
bang s'est produit le premier janvier à minuit, alors les dinosaures ont
disparu le 29 décembre l'être humain moderne apparaît à 23 h 58. Quant à
Christophe Colomb, il n’a atteint les Amériques qu'une seconde avant le
début de l'année suivante...
Paradoxalement le goût pour la big history n'est pas forcément incompatible avec une certaine concision, puisque
David Christian a entrepris à Ted
de raconter l'histoire du monde en... 18 minutes. Cela n'est finalement
pas étonnant : lorsque nous envisageons d'aussi grandes périodes, les
détails perdent de leur importance tandis que les
patterns importants apparaissent, ce qui permet en fait au final une description "accélérée"...
Arbesman conclut son article par une référence à la
Long Now Foundation (
@longnow) créée par
Stewart Brand,
l'un des personnages les plus influents de la deuxième moitié du XXe
siècle, dont la biographie a été récemment traduite en français par
C&F éditions sous le titre
Aux sources de l'utopie numérique.
L’expression "long maintenant" (
Long now) a été forgée le
musicien Brian Eno, qui avait remarqué - notamment chez les New-Yorkais -
la tendance à réduire leur "ici" à l'environnement immédiat (voire les
quatre murs de leur appartement) et leur "maintenant" aux dernières
excitations secouant l'actualité.
"Je veux vivre dans un grand ici et un long maintenant"
avait alors pensé Eno. Une idée reprise par Brand, qui projette de nous
rendre conscients du lent passage du temps en faisant construire une
horloge qui tinterait tous les 10 000 ans. Le choix d'une telle
perspective temporelle permet de relativiser notre recours à la
technologie. L'horloge, conçue par
Danny Hillis (inventeur multi-casquettes, et notamment pionnier du web sémantique avec
Freebase),
sera ainsi uniquement composée de pièces mécaniques. Pourquoi ? Parce
que l'équipement électronique s'use plus vite et, à terme, s'avère plus
vulnérable aux avaries. Bref, les bons vieux mécanismes d’horlogerie
sont plus efficaces.
Certaines habitudes se sont développées chez les adeptes du "long
maintenant", comme précéder les dates d'un chiffre. Ainsi, nous serions
en 02013, et la Révolution française aurait eu lieu en 01789. Cette
simple astuce sémantique permet de s'apercevoir que des dates qui
semblent éloignées sont en réalité assez voisines (01789 paraît plus
proche de 02013 que 1789 de 2013). Pour Brand, la vision du "long
maintenant" nous libère de l'idéologie du court terme, et de croyances
comme la
Singularité, concept que Brand n'apprécie guère...
La Fondation Long Now propose différents séminaires et articles nous
proposant une remise en question de nos habitudes mentales, comme
cette intervention de Steven Pinker sur la violence,
qui explique que nos sociétés n'ont jamais été aussi peu violentes
qu'aujourd'hui, alors même que notre peur de la violence n'a jamais été
aussi forte. Sur
le blog de la
fondation, on découvre de multiples recherches sur le temps long, comme
par exemple (en réaction d'ailleurs à l’article de Samuel Arbesman),
une analyse sur plusieurs siècles des cycles d'activité solaire, ou une
histoire de la déforestation.
On y apprend que cette habitude de détruire l'environnement forestier,
loin d'être une nouveauté due à l’industrialisation, est présente depuis
les débuts de l'histoire et pour cause. L'homme des anciennes
civilisations détestait les forêts, endroits dangereux et mystérieux par
excellence. Certes, notre capacité à la destruction s'est
considérablement accrue aujourd'hui, mais il est intéressant de
comprendre que les racines de nos comportements remontent aux origines
de l'humanité...
Autre projet intéressant mentionné sur le blog de la fondation,
l’expérience du journaliste
Paul Salopek
qui a décidé de refaire à pied et en sac à dos les 60 000 km parcourus
jadis par nos ancêtres, séparant l’Éthiopie de la Patagonie, et qui se
fait l’apôtre d'un "journalisme lent".
"L'énorme volume d'informations générées par les journalistes
professionnels ou citoyens, des tweets aux blogs ou que sais-je encore,
ne peut qu’entraîner un échec. C'est un tsunami d'informations, qu'on ne
peut quasiment pas traiter. Nous n'avons pas besoin de plus
d'informations, nous avons besoin de plus de sens... Il faut beaucoup
ralentir pour comprendre comment les grandes histoires globales
contemporaines, comme le changement climatique, les conflits, la
pauvreté, ou les migrations de masse se retrouvent interconnectées", explique-t-il.
Comment entrer soi-même de plein pied dans la perception de ce temps
long, ce "vaste ici et ce long maintenant" ? Le blog de la Long Now nous
présente pour cela le travail d'un artiste allemand,
Lorenz Potthast,
qui a mis au point un système de "réalité ralentie". Il s'agit d'un
simple casque en aluminium contenant des lunettes 3D reliées à une
caméra qui enregistre l’environnement qui n'arrive à l'oeil du
spectateur qu'une fois considérablement ralenti...
The Decelerator Helmet - A slow motion for Real Life from
Lorenz Potthast on
Vimeo.
Pas sûr que cela nous suffise... Mais c'est déjà ça.
Rémi Sussan