Eis a ficha, seguida pelo artigo:
021. “Le Brésil: un miracle aux pieds d’argile”, Bruxelas, outubro 1973,
6 p., original extraviado. Artigo crítico sobre o “modelo brasileiro de
desenvolvimento” e seus efeitos sociais. Publicado [PR] em L’Entreprise et l'Homme (Bruxelles, nº 9, novembre 1973, p.
466-472). Relação de Trabalhos Publicados nº 002. Disponível na plataforma Academia.edu (link: http://www.academia.edu/35854072/Le_Br%C3%A9sil_Un_miracle_aux_pieds_dargile).
Le
Brésil : Un miracle aux pieds d’argile
Pedro
Rodriguez
L’Entreprise
et l’Homme
(Bruxelles, n. 9, novembre 1973, p. 466-472)
Au moment où à Bruxelles, une exposition, objet de
controverses passionnées, nous avons demandé à un Latino-américain d’exposer
son opinion personnelle, appuyée sur des faits objectifs, sur ce qu’on appelle « le
miracle brésilien ».
Il nous paraît important de dépasser le simple
« pour ou contre Brazil-export ». L’occasion offerte nous invite à
une découverte plus rigoureuse de l’avers et du revers de la même médaille,
entraînant l’interrogation fondamentale : « quelle justice et quelle
injustice entraînent certaines conceptions et formes de
développement ? »
A l’est comme à l’ouest, chez nous aussi, cette question
se pose de façon vécue pour les dirigeants mais aussi pour des millions
d’hommes.
A partir de cet article, quel que soit l’exemple du
moment, nous souhaitons voir se développer une réflexion en profondeur, basée
sur des données aussi complètes et objectives que possible, permettant de
dévoiler la hiérarchie des valeurs impliquées dans les différents types de
développement.
On
parle beaucoup du « miracle économique » brésilien. Pour certains, il
apparaît comme une contrepartie positive au climat de répression et de violence
qui sévit au Brésil depuis que des militaires se sont emparés du pouvoir en
avril 1964. Pour les tenants du régime actuel, l’Etat doit se faire le garant
de la stabilité politique et de la tranquillité sociale, « par des moyens
autoritaires, il est vrai (), dans le but de permettre
à des technocrates non passionnes de mener une politique économique
efficace de développement. Cette « réussite économique » devrait
permettre ensuite l’élévation et l’amélioration du niveau de vie de la population.
Quant
à la démocratisation, elle suivrait nécessairement l’ « élargissement des
opportunités économiques ».
Essayons
d’analyser les aspects les plus importants de ce « miracle
économique » pour mieux apprécier le modèle de développement préconisé et
pour déterminer les conséquences économiques et sociales.
Quel
Miracle ?
Les
indicateurs économiques, retenus par les organismes officiels pour justifier
leur modèle de développement, sont assez ténus. Avec un produit national brut
de 47,2 milliards de dollars en 1972, et une croissance de 10,4% par rapport à
l’année précédente, le Brésil ne peut plus être classé, affirme-t-on, parmi les
pays sous-développés. L’essor économique et l’industrialisation du pays
seraient des exemples remarquables de la réalisation du « take off »
dans une économie ouverte et d’une transformation réelle des structures d’un
pays.
Tout
d’abord, il faut rappeler qu’il n’y a pas nécessairement analogie entre
croissance économique, développement et progrès social. Si nous considérons la
population totale du Brésil – 100 millions d’habitants – force nous est de
constater que le produit national par habitant est un des plus bas d’Amérique
Latine : US$ 472.
De
plus, si on peut accepter – avec certaines réserves – les chiffres avancés par
les économistes du gouvernement à propos des résultats obtenus ces dernières
années, nous ne pouvons faire nôtre la croyance, implicitement incluse dans
leurs affirmations, que la croissance économique débouche nécessairement sur un
développement également favorable à tous les secteurs d’activité et sur une
augmentation du bien-être de toutes les couches sociales. Suivant ce
raisonnement, il suffirait de réaliser de larges investissements productifs
pour que toute la population du pays soit entraînée dans un rythme ascendant de
développement économique.
En
réalité, comme l’expérience l’a montré, l’expansion économique ainsi obtenue
n’affecte nullement les cadres socio-économiques existants ni les hiérarchies
sociales en place.
Dans
le type de développement actuellement choisi, les disparités entre pays ou
entre régions d’un même pays ne front que croître. De même, la distance
socio-économique entre les couches privilégiées et les couches inférieures de
la population d’un pays comme le Brésil ne fait que grandir. Les initiatives à
caractère purement économique entraînent un bien-être accru des couches
supérieures de la population, mais elles ne modifient en rien la situation des
moins favorisés, elles l’aggravent même. De la même façon qu’une région plus
développée exerce une attraction sur les capitaux au détriment des régions
moins développées, les groupes économiquement plus vigoureux d’un pays sont
davantage favorisés par la croissance économique.
A
cet égard, le Brésil est peut-être l’exemple classique de la réalisation d’un
modèle de développement économique profondément antidémocratique: la
répartition des revenus parmi la population brésilienne, déjà fortement
inégale, est devenue encore plus inégale au cours de la dernière décennie.
Certains porte-parole officiels estiment qu’il y a là un processus
« naturel ». En réalité, il s’agit d’un choix. La concentration des
revenus ainsi que sa répartition entre les secteurs d’activité et les régions
du pays découlent de circonstances politico-institutionnelles aussi bien qu’économiques,
voulues par le gouvernement ().
Tableau 1
Répartition
du Revenu National Brésilien – 1960/1970 (en milliers de cruzeiros)
1960
|
1970
|
|
Classes
Sociales
|
% Du R. total
|
R. par H
|
% du R. total
|
R. par H.
|
Augm. %
1996/1970 du R. par H.
|
A
|
11,7
|
8 350
|
17,8
|
17 700
|
112,0
|
B
|
15,6
|
2 780
|
18,5
|
4 590
|
65,0
|
C
|
27,2
|
1 295
|
26,9
|
1 780
|
37,5
|
D
|
27,8
|
662
|
23,1
|
768
|
16,0
|
E
|
17,7
|
253
|
13,7
|
272
|
7,5
|
TOTAL
|
100,0
|
714
|
100,0
|
994
|
39,0
|
Source :
J.C. Duarte, « Aspects de la distribution du revenu au Brésil », cité
dans l’hebdomadaire Opinião du 27 novembre au 4 décembre 1972.
Observations : la classe A représente le 1% de riches. B : les 4%
de demi-riches. C : les 15% de classe moyenne. D : les 30% de
demi-pauvres et E : les 50% de pauvres, les classes D et E totalisant 80
millions d’individus.
Comme le montrent les données des recensements de 1960 et
1970 reprises dans le tableau ci-dessus, la concentration du revenu est
considérable. Elle a même fortement augmenté entre 1960 et 1970. La moitié la
plus pauvre de la population brésilienne touchait en 1960 un peu plus d’un
sixième du revenu total et moins d’un septième en 1970. Malgré l’augmentation
de 7,5% de son revenu pendant la décennie écoulée, nous pouvons considérer que
ce groupe le plus pauvre, pour la plupart habitant la campagne, n’est pas
intégré à l’économie de marché. La classe D, qui correspond aux masses urbaines
de bas revenus, a vu également sa part dans le revenu global diminuer de
beaucoup, mais pas autant que la classe E. Les couches intermédiaires
maintiennent le pourcentage de leur participation globale au revenu national,
avec un accroissement assez lent du revenu moyen par habitant (+37,5% contre
39% pour l’ensemble de la population).
Par contre, le revenu par tête des classes riches s’est
considérablement accru, dans une plus grande proportion que la moyenne de la
population globale.
Ceci est particulièrement vrai pour la classe A dont le
revenu moyen par habitant est passé de 8 350 à 17 700 cruzeiros.
Un Modèle de
Développement Extraverti
Le gouvernement brésilien met à son actif l’accroissement
et la diversification des exportations brésiliennes au cours des dernières
années. De fait, la valeur de ces exportations, après quatorze ans de
stagnation (de 1,2 à 1,5 milliard de dollars par an) est passée de 1,6 milliard
de dollars en 1967 à 1,8 en 1968, 2,3 en 1969, 2,7 en 1970, 2,9 en 1971, pour
arriver à presque 4 milliards en 1972. Les exportations
des produits manufacturés, notamment, ont fait un bond considérable : 130
millions de dollars au début des années 60, 580 millions en 1971 et 911
millions en 1972. Quant à la diversification des produits exportés, elle a
évolué comme suit : en 1962, les onze principaux produits d’exportation
comptaient pour 84,8% du total. En 1971, ils n’en représentaient plus que
61,2%.
Le commerce extérieur du Brésil mérite cependant une
analyse plus circonstanciée, qui permettra de dégager quelques indications
claires sur les tendances du développement brésilien.
Tout d’abord, durant la période considérée, les importations du Brésil ont augmenté
dans une proportion encore plus grande que les exportations, surtout depuis
1968. De 2,1 milliards de dollars en 1968, ces importations sont passées à 3,2
milliards en 1971 et 4,2 milliards en 1972, laissant un déficit de plus de 200
millions de dollars dans la balance commerciale et de sérieux problèmes pour rééquilibre
de la balance des paiements.
La politique « libérale » du régime à l’égard
des capitaux étrangers, avec l’endettement croissant qui l’accompagne, a entraîné
un déficit croissant de la balance des
paiements.
Durant les années 1958-1962 (considérées comme difficiles
pour la balance des paiements brésilienne), ce déficit s’élevait à 384 millions
de dollars en moyenne par an. Après l’avènement du régime militaire, il s’est
rapidement accru jusqu’a 543 millions de dollars en 1968, 634 millions en 1970
et 1 371 millions en 1971 ().
Si nous faisons des comparaisons avec les principaux pays
d’Amérique Latine (cf. Tableau 2), nous constatons qu’en 1971 le Brésil occupe
une position bien particulière avec ses 325 millions de dollars de déficit de
la balance commerciale. Le fait est d’autant
plus marquant que cette même année l’Argentine, le Chili, le Pérou et l’Uruguay
ont connu des relations économiques extérieures difficiles. Par ailleurs, si
l’on tient compte des paiements en devises (généralement en dollars), le
déficit de la balance des paiements du Brésil est de 20% supérieur à ceux de
tous les autres pays ensemble, alors
que les exportations brésiliennes (2,9 milliards de dollars en 1971) ne
représentaient en valeur que 38% des exportations de ces mêmes pays (7,7
milliards de dollar en 1971).
Tableau 2
Amérique du
Sud : Balance de Paiements en 1971 (en millions de dollars)
Pays
Sélectionnés
|
Solde de
la Balance Commerciale ()
|
Solde de
la Balance des Transactions Courantes ()
|
Argentine
|
66,0
|
-448,0
|
Brésil
|
-325,0
|
-1 371,0
|
Colombie
|
-44,0
|
-331,0
|
Chili
|
25,0
|
-230,5
|
Pérou
|
140,0
|
-91,0
|
Uruguay
|
6,0
|
-47,1
|
Venezuela
|
1 154,0
|
26,0
|
Source : ONU-CEPAL : Estudio Economico de América Latina para 1971, dans José Serra,
art. cit.
La politique de diversification
géographique des exportations brésiliennes n’a malheureusement pas eu le succès escompté. En 1962,
les dix principaux pays clients du Brésil lui achetaient 76,2% de ses
exportations. En 1971, ils lui en achetaient toujours 73,1%. Le secteur le plus
dynamique des exportations brésiliennes reste même excessivement lie à un seul
marché ; celui des Etats-Unis : en 1972, près de 60% des ventes des
produits manufacturés sont absorbés par le marché américain. Devant les
difficultés de la balance commerciale des Etats-Unis, qui débouchent sur un
protectionnisme accentué et sur des restrictions aux importations de produits
manufacturés, devant la maladie chronique du dollar, il est naturel que le
gouvernement brésilien essaie de modifier le sens et l’orientation de son
commerce extérieur. L’exposition industrielle « Brazil-Export » doit
prendre une place importante dans cette stratégie. C’est ainsi que la part du
Marché Commun dans les exportations brésiliennes est passée de 28,5% en 1961 à
32,9% en 1971, tandis que celle des Etats-Unis diminuait de 40,1% à 26,1%. En
même temps, les importations brésiliennes en provenance du Marché Commun
progressaient de 23,8% en 1961 à 29,9% en 1971, alors que celles provenant des
Etats-Unis fléchissaient de 35,2% à 28,7% ()./
Quoi
qu’il en soit des avatars de la balance des paiements, les exportations
brésiliennes ont plus que « doublé » durant les cinq dernières années
(1,6 milliard de dollars en 1967 et presque 4 milliards en 1972). Mais cette
affirmation est ambigüe.
Tout
d’abord les chiffres indiqués plus haut le sont en valeurs courantes qui ne
tiennent pas compte des variations de valeur du dollar. Si cette dernière est
restée assez stable entre 1960 et 1964, ce ne fut plus le cas par la suite. Le
tableau 3 nous montre que si, en dollars courants, les exportations
brésiliennes se sont accrues de 76,5% entre 1967 et 1971 (de 1,6 à 2,9
milliards de dollars), en dollars constants, elles n’ont augmenté que de 54,1%
(de 1,6 à 2,5 milliards, valeur 1967).
Tableau 3
Evolution
des Exportations Brésiliennes (en millions de dollars)
Année
|
Exportations
Dollars Courants
|
Indice des
Prix de Gros, USA (1967=100)
|
Exportations
Dollars de 1967
|
1967
|
1 654
|
100,0
|
1 654
|
1968
|
1 881
|
102,5
|
1 835
|
1969
|
2 311
|
106,5
|
2 170
|
1970
|
2 739
|
110,4
|
2 481
|
1971
|
2 904
|
113,9
|
2 549
|
Sources : « Comércio Exterior, Brasil,
1971 » et « Whole sale Prices and Price Indexes, USA »,
Department of Labor, reproduit dans la revue Visão, août 1973.
En
second lieu, la hausse des prix internationaux de quelques-uns des produits
primaire exportés par le Brésil (cf. Tableau 4) a permis à ce pays d’obtenir
une plus grande quantité de devises avec un volume moindre de marchandises
exportées. Ce phénomène aléatoire, tout à fait indépendant de la politique
économique du gouvernement, a compensé les effets de la détérioration du
pouvoir d’achat des devises (principalement du dollar) et a contribué à
augmenter la valeur totale des exportations brésiliennes.
Tableau 4
Amérique
Latine : Indices des Prix de Quelques Produits Agricoles
(1957/1959=100)
Produits
|
1967
|
1968
|
1969
|
1970
|
1971
|
Sucre
|
125
|
121
|
121
|
165
|
165
|
Viande
|
143
|
154
|
203
|
225
|
261
|
Café
|
93
|
107
|
202
|
126
|
107
|
Cacao
|
82
|
85
|
125
|
98
|
81
|
Coton
|
108
|
127
|
151
|
125
|
112
|
Source :
« The State of Food and Agriculture », 1972, (FAO), cite dans la revue
Visão, août 1973.
Si on la primauté à l’exportation au détriment du marché
interne, comme le prônent les autorités économiques du Brésil, on suscite
inévitablement de graves distorsions
dans le système économique national et on accentue encore davantage les déséquilibres
sectoriels et régionaux.
En outre, cette manière de considérer l’économie
nationale comme un vaste usine fabriquant pour l’exportation ne va pas sans
provoquer des heurts entre les intérêts représentés au sein du gouvernement.
La politique actuelle des stimulants à l’exportation
favorise essentiellement les exportations de produits manufacturés. Les
entrepreneurs agricoles ne bénéficient pas des mêmes avantages (exemption ou
restitution d’impôts facilités de crédit et d’assurance à l’exportation, etc.).
Au contraire, ils voient leurs activités exportatrices limitées par des quotas
et soumises à la confiscation d’une partie des devises obtenues. Ce conflit d’intérêt
entre le secteur agricole et le secteur industriel a paru au grand jour dans la
lettre de démission présentée, en mai dernier, par le Ministre de l’Agriculture
().
Le gouvernement ne nie pas cette inégalité de traitement
entre l’industrie et l’agriculture. Il justifie son attitude par le
comportement plus dynamique de l’industrie et la tendance à la hausse des prix
des produits manufacturés sur le marché international.
Pour les tenants du modèle de développement extraverti,
la solution serait d’intégrer encore plus le secteur agricole á la conjoncture
internationale, en favorisant l’exportation des produits agricoles, aussi bien
que celle de minerais ou de la viande congelée (). Ceci ne contredit
nullement les tendances historiques du développement de l’agriculture brésilienne :
les gros propriétaires fonciers ont toujours été des exportateurs traditionnels.
Aujourd’hui, la monopolisation croissante de la terre par les « compagnies
de colonisation » pour la plupart étrangères, poursuit les mêmes
objectifs.
Le Revers de la médaille : Compression des salaires
et dépendance accrue
Où mène cette politique de production pour
l’exportation ? Elle profite avant tout aux grandes entreprises étrangères,
qui dominent pratiquement les secteurs dynamiques de l’industrie. Le capital
national reste encore majoritaire dans le secteur primaire, ce qui n’empêche
nullement le capital étranger d’investir massivement dans les projets
d’exploitation agricole et d’élevage à l’intérieur du Brésil. Mais pour toutes
sortes de raisons, les sociétés multinationales disposent de conditions
exceptionnelles pour profiter de la politique de stimulants à l’exportation :
liens avec les maisons-mères à l’extérieur, existence d’un réseau de
distribution et de placement des produits sur les marchés internationaux,
intégration des plans de production, facilités accordées pour l’acquisition de
fonds de roulement et de ressources d’investissement et, enfin, accès plus
facile aux informations du marché externe.
Le gouvernement brésilien a décidé de créer des trading companies pour favoriser
l’exportation des groupes d’affaires
nationaux. En réalité, la constitution des trading
se fait en association majoritaire
avec de grands groupes étrangers, étant donné que les entreprises brésiliennes
ne disposent pas de « réseaux externes de commercialisation »,
condition indispensable pour la création des trading (une autre condition étant un capital minimum de 20
millions de cruzeiros – 3,3 millions de dollars – ce que enlève la possibilité
de recourir seuls aux trading).
Il ne faut pas oublier cependant que le gouvernement
brésilien, dans sa politique de dénationalisation de l’économie brésilienne () est cohérent avec les
tendances observées sur le marché mondial. Comme celles-ci l’indiquent, le
contrôle des affaires et du commerce passe de plus en plus entre les mains d’un
petit nombre d’entreprises, les multinationales. Selon les chiffres du GATT
(accord général sur les tarifs et le commerce), 30% des exportations mondiales
sont réalisées par les multinationales, et de 35% à 60% des exportations
mondiales de produits manufacturés vont des maisons-mères à leurs filiales à
l’extérieur ().
Les autorités brésiliennes ne se sentent pas gênées par
ce contrôle des multinationales sur l’économie du pays. Au contraire, cette
« ouverture externe » est une des composantes essentielles du modèle
brésilien de développement, elle fait partie des moyens affichés pour
promouvoir le « miracle économique ». La conséquence inévitable de
cette stratégie est l’accroissement de la dépendance externe, dans des
proportions jamais atteintes ailleurs. Le tableau suivant nous donne la part
occupée par les firmes étrangères dans le dix firmes les plus importantes de
quelques branches-clés de l’industrie brésilienne.
Tableau 5
Participation
du capital étranger dans l’industrie brésilienne
Branche de
L’Industrie
|
Nombre de
Firmes Étrangères
|
Part
Occupée
(dans les
dix firmes les plus importantes)
|
Pharmacie
|
10
|
100%
|
Voitures et Accessoires
|
7
|
93%
|
Textiles et vêtements
|
6
|
77%
|
Alimentation
|
6
|
78%
|
Electricité-Électronique
|
6
|
77%
|
Constructions Mécaniques
|
7
|
63%
|
Verre, Céramique
|
4
|
51%
|
Source :
Wirtschaftsbericht über die Latein-Amerikanischen Länder, Deutsche Ueberseeische
Bank, janvier 1973, p. 18, cite dans Le
Brésil des Brésiliens, chapitre 7, “Le Miracle économique ».
D’ailleurs, la pénétration du capital étranger ne se fait
pas seulement dans le secteurs dynamiques de l’industrie ; celui-ci se
concentre aussi de plus en plus dans les activités d’exportation
potentiellement expansives, tels la viande congelée, les minerais, le bois,
etc. Obtenant toutes facilités du régime brésilien, le capital étranger
participe ainsi activement à l’insertion de l’économie nationale dans le marché
capitaliste mondial, faisant du Brésil un pays exportateur d’un nouveau genre.
De toute façon, force est de constater que ces investissements
étrangers sont caractérisés par une haute technicité : ils utilisent
habituellement très peu de main-d’œuvre, alors que la croissance démographique
du pays exigerait par priorité des investissements « labor
intensive ».
Mais il est une raison de la venue des capitaux étrangers
qui n’a pas encore été signalée, alors qu’elle est d’importance, en fait, le
capital étranger se voit offrir en usufruit une « main- d’œuvre bon
marché », résultat de la surexploitation à laquelle sont soumises les
couches laborieuses de la population brésilienne. Si nous allons à la base du
« miracle » économique brésilien, nous pouvons constater que le
secret des succès affichés réside en fin de compte dans un facteur de première
importance, souvent « négligé » ou « oublié » par les
analyses officielles : les salaires réduits et la compression des revenus
de la masse des travailleurs brésiliens.
La diminution progressive des rémunérations des
travailleurs, à partir de 1964, est le résultat de la politique salariale du
gouvernement qui a consisté essentiellement dans un blocage des relèvements
salariaux et dans une sous-estimation systématique des indices d’augmentation du coût de la vie. Une comparaison de
l’évolution de ces deux indices, à la ville de São Paulo, nous permettra de
saisir les effets de la politique gouvernementale.
Tableau 6
Variation
des Indices du Coût de la Vie et du Salarie Minimum à São Paulo
(février
1964=100)
Année
|
Coût
de la vie
|
Salaire
Minimum
|
1965
|
189
|
157
|
1966
|
272
|
200
|
1967
|
365
|
240
|
1968
|
451
|
309
|
1969
|
571
|
371
|
1970
|
691
|
445
|
1971
|
843
|
537
|
Sources :
Fondation Getulio Vargas et Annuaires
Statistiques du Brésil, 1970-1971.
Selon les données mêmes de la Fondation Getulio Vargas,
les salaires réels des travailleurs brésiliens ont diminué, entre 1961 et 1970,
de 38,3%. Ce transfert d’une partie des revenus des classes salariées vers les
classes riches, au moyen de la réglementation du salaire minimum, est
cyniquement justifiée par le Ministère des Finances du régime actuel :
« Il faut d’abord augmenter le gâteau avant de le partager ».
Devant une telle situation il n’est pas étonnant de voir
des Evêques et supérieurs religieux du Nord-Est affirmer que
l’ « appauvrissement relatif et absolu du peuple marche sur les
traces du miracle » (). Pour se faire une idée
de cet appauvrissement constant de la classe ouvrière, il suffit de considérer
le tableau 7. Ces chiffres prouvent de manière éclatante la forte diminution du
pouvoir d’achat des travailleurs en seulement quatre ans.
Tableau 7
Minutes de
travail requises pour acheter des alimentes de base au Salaire Minimum de São
Paulo
Aliment
|
1965
|
1969
|
1 kg pain
|
78
|
147
|
1 kg riz
|
75
|
107
|
1 kg haricots noirs
|
95
|
199
|
1 l de lait
|
34
|
46
|
1 kg viande
|
264
|
354
|
Source :
Département Inter-Syndical d’Etudes Statistiques et Socio-Economiques.
N’est-ce pas à partir de tels faits, même si les avis
officiels n’en font pas état, que l’on peut commencer à mieux apprécier la véritable nature du miracle
brésilien ?
Une fois de plus, mesure-t-on suffisamment le coût social
exigé par sa réalisation, si spectaculaire soit-elle ?