Hollande et Rousseff multiplient les signes de bonne entente au Brésil
L'entreprise de séduction aura été de courte durée. Moins de trente heures après son arrivée à Brasilia, le président François Hollande est reparti vendredi 13 décembre, en fin de matinée, de São Paulo pour la Guyane française où il doit rester jusqu'à samedi soir. Une visite brève, mais soutenue, marquée par d'importants retards et quelques malaises (un soldat de la garde brésilienne et deux journalistes), et presque autant de blagues et d'allusions potaches à la Coupe du monde, distillées entre une poignée de signatures de contrats et d'accords d'investissements.
Sept ministres et une cinquantaine de chefs d'entreprises ont pris part à ce voyage présidentiel au Brésil. « Une des visites d'Etat les plus importantes pour mon gouvernement », a tenu à souligner, au terme de ce déplacement, Dilma Rousseff, présente aux côtés de son homologue français dans la capitale brésilienne et dans la mégapole économique du pays.En forme et visiblement détendu malgré une semaine internationale chargée et une quarantaine d'heures de vol accumulées en quatre jours, M. Hollande est venu rappeler qu'il entendait impulser une nouvelle dynamique au partenariat stratégique mis en place par les deux pays en 2006. « Je veux lui redonner toute sa force », a-t-il dit, soulignant que cette forme de coopération avait permis notamment de boucler d'importants contrats militaires pour la livraison de 50 hélicoptères et la fabrication de cinq sous-marins au sud de Rio de Janeiro. « Malgré la crise et une croissance en baisse, a-t-il ajouté, nos échanges commerciaux n'ont cessé de progresser pour doubler en dix ans. Aujourd'hui, nous avons de grandes ambitions pour doubler encore ces échanges dans les prochaines années. »
SIGNATURE DE CONTRATS
Plusieurs contrats, déjà connus avant la visite, ont été signés sous l'œil des caméras : l'engagement du groupe Total dans le consortium qui a remporté l'appel d'offre du gigantesque champ pétrolier offshore de Libra, la fourniture d'un satellite de défense et de télécommunications brésilien à usage civil et militaire par les groupes Arianespace et Thales Alenia Space (coentreprise franco-italienne), la participation de Bull à la création d'un supercalculateur sur le sol brésilien, ainsi qu'un contrat de 1,25 milliard d'euros d'Areva pour la construction d'un troisième réacteur à la centrale d'Angra 3, située entre Rio et São Paulo.
Deux accords ont également été paraphés vendredi entre la France et l'Etat de São Paulo, dont l'un avec la région Ile-de-France. Le premier prévoit un investissement de 300 millions d'euros de l'Agence française de développement (AFD) pour la construction d'une ligne de métro entre l'aéroport de São Paulo et le centre ville. « Je pense qu'il faut faire ce métro rapidement », a plaisanté M. Hollande, dont l'arrivée à São Paulo la veille, depuis Brasilia, avait été retardée par d'importants embouteillages après sa descente d'avion.
L'autre accord, venant de São Paulo, engagerait « un investissement important » pour la construction d'un centre d'affaires près de l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, au nord de Paris. « Un projet créateur de près de 2 000 emplois », a précisé M. Hollande devant des entrepreneurs français et brésiliens au siège de la puissante Fédération des industries de l'Etat de São Paulo (Fiesp). « Avec ces deux accords s'ouvre un nouveau chapitre des relations avec la France », s'est félicité le gouverneur de l'Etat, Geraldo Alckmin, qui a invité le président français à assister aux cérémonies d'ouverture de la Coupe du monde de football, qui se dérouleront à São Paulo.
La balle a été reprise au bond par Dilma Rousseff, qui a insisté sur l'importance d'échanges « de qualité et plus équilibrés » avec la France. « Ceux-ci pourraient être encore plus élevés et offrir de nouveaux champs économiques », a-t-elle affirmé, insistant dans le même temps sur la troisième place qu'occupe l'Hexagone sur l'échelle des pays investissant au Brésil. Une manière de rappeler la place prépondérante qu'occupe la France avec ses 600 entreprises implantées localement, tout en soulignant le rôle désormais incontournable que représente le géant d'Amérique latine pour l'économie française. « Autrefois pays ‘émergent', inégalitaire et hésitant, a glissé François Hollande, ce pays est devenu un pays ‘émergé' - une catégorie unique - une des rares grandes puissances qui aient opéré une redistribution de ses richesses tout en possédant suffisamment de réserves de changes internationales (376 milliards) pour prémunir de toute crise. »
BONNE ENTENTE
Selon plusieurs sources diplomatiques françaises à Brasilia et São Paulo, cette visite est survenue à un moment opportun. Les avions de combats Mirage 2000 utilisés par l'armée brésilienne arrivent en bout de course à la fin de l'année. Un échéancier qui a permis aux équipes de François Hollande d'évoquer à nouveau et « sans brusquer » la qualité du dossier de l'avion Rafale à leurs interlocuteurs brésiliens. Dans ce contexte, on comprend que tout fut fait, de part et d'autre, pour éviter d'aborder publiquement des sujets sur lesquels les deux pays partagent des visions différentes. Cela aurait pu être le cas à propos de l'intervention française en Centrafrique. En privé, M. Hollande s'est félicité du « silence » observé par Mme Rousseff, qui avait désapprouvé l'intervention française au Mali.
La réunion en comité restreint entre Mme Rousseff et M. Hollande a également fait émerger des points de convergences au sujet d'une éventuelle feuille de route en vue d'un accord de libre échange avec le Mercosur et l'Union européenne. Les deux blocs doivent se faire parvenir jusqu'à la fin 2013 des propositions afin d'éliminer progressivement les barrières douanières. « Un jour peut-être, si la relation entre le Mercosur et l'Union européenne suit son chemin, nous ne parlerons plus qu'en euro », s'est enthousiasmé le président français qui, comme il le fait chaque fois qu'ils se trouve à l'étranger face à des entrepreneurs et des hommes d'affaires, s'est évertué à rassurer d'éventuels investisseurs sur sa politique économique :
« La France remet en ordre ses finances. Je regarde avec admiration le taux d'endettement public du Brésil, 30 %... On n'y sera pas demain en France, mais nous devons y travailler car c'est un élément de souveraineté. Nous devons continuer à réduire nos déficits, donc à réduire la dépense publiques à la réorienter, mieux l'affecter, mieux la déployer. Nous devons avoir un système fiscal qui soit le plus efficace, le plus simple, et qui évite d'inquiéter ou de frapper les mêmes par des impôts qui ne sont pas toujours les plus modernes. Et puis, enfin, il faut faire le choix de l'investissement. »Autre signe de bonne entente, M. Hollande a affirmé sa reconnaissance à la présidente brésilienne « pour l'accord que nous avons pu trouver pour la lutte contre l'orpaillage clandestin ». Jeudi matin, les députés brésiliens avaient adopté un projet de loi destiné à combattre ceux que l'on appelle ici les garimperos. Un texte voté par les députés français en 2008 et qui était bloqué jusqu'à présent par les élus de l'Amapa, l'Etat limitrophe de la Guyane. Une fois adopté par le Sénat brésilien, la loi permettra d'harmoniser les administrations et les juridictions des deux côtés de la frontière, un préalable à l'inauguration officielle du pont de l'Oyapock.
Plus tard dans la journée, le ministre délégué chargé de l'agroalimentaire, Guillaume Garot, a annoncé que le Brésil venait de lever l'embargo sur le roquefort. Depuis 2010, ce fromage avait été interdit de vente. « Il nous a fallu deux ans de bataille pour lever cet l'embargo. C'est chose faite. Le ministre brésilien de l'agriculture (Antonio Andrade) a donné son accord », s'est réjoui M. Garot. Cette autorisation laisse augurer « un nouvel élan » dans les relations agricoles et agroalimentaires entre la France et le Brésil, a souligné un communiqué du ministère de l'agriculture.
Avant de monter dans l'avion présidentiel en direction de Cayenne, François Hollande a d'ailleurs conclu devant les entrepreneurs rassemblés à São Paulo que l'agriculture était un domaine où les deux pays « possèdent une production très forte » et qu'il fallait « accepter la concurrence comme dans le secteur de la volaille ». Et d'ajouter, dans un balancement rhétorique qui lui est cher : « Une concurrence mais avec dialogue et coopération ».
-
Nicolas Bourcier (Rio de Janeiro, correspondant régional)
Journaliste au Monde Suivre Aller sur la page de ce journaliste Suivre ce journaliste sur twitter
Journaliste au Monde
Nenhum comentário:
Postar um comentário