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segunda-feira, 22 de novembro de 2021

France: Diplomates, un corps en voie de disparition - Jean-Dominique Merchet (L'Opinion)

Diplomates, un corps en voie de disparition

Par Jean-Dominique Merchet

L’Opinion, 22/11/21 

https://www.lopinion.fr/international/diplomates-un-corps-en-voie-de-disparition


Voulue par Emmanuel Macron, la réforme de la haute fonction publique va aboutir à la suppression du corps diplomatique. Au risque d’une perte d’influence de la France dans le monde

« Les réceptions de l’ambassadeur »... Une célèbre publicité pour des confiseries chocolatées a, dans le grand public, fait beaucoup de mal à l’image du métier de diplomate, perçu comme une sympathique activité mondaine. C’est dire si la suppression annoncée du corps diplomatique français ne suscite guère d'émois au-delà du Quai d’Orsay. Il y va pourtant de l’influence de la France dans le monde, « alors que les grandes heures de notre diplomatie sont quasiment déjà derrière nous ». « Que sera une diplomatie sans diplomates ? » se demandaient récemment 150 d’entre eux, en activité, dans Le Monde.

Ce lundi 22 novembre, la réforme de la haute fonction publique sera discutée avec les syndicats lors d’un Comité technique ministériel (CTM) des Affaires étrangères. Le ministre Jean-Yves Le Drian y prendra la parole, dans une situation difficile pour lui. Il a dû en effet avaler son chapeau comme il le reconnaît dans un courrier adressé le 9 novembre à tout le personnel : « Ce n'était pas ma vision. » Mais Emmanuel Macron a tranché et le « malaise » est évident au sein du corps diplomatique, selon l’universitaire Christian Lequesne, auteur d’une Ethnographie du Quai d’Orsay (CNRS Editions).

« Traditionnellement, les diplomates vivent en symbiose avec leur ministre et ils ont donc fait confiance à Le Drian pour préserver leur corps », relève un diplomate. C’est raté, même si le ministre ne manquera pas de rappeler lors du CTM que sa « vigilance ne faiblira pas ». « Il a tout fait pour éviter cette réforme, qui jettera une ombre sur son bilan », pointe un ambassadeur. Jean-Yves Le Drian préfère se réjouir « d’avoir obtenu la fin de l’hémorragie des ressources humaines et des moyens » budgétaires d’un ministère qui a beaucoup souffert depuis plusieurs décennies.

Continuité. Comme les préfets, les diplomates sont les victimes collatérales de la décision du président de la République, le 8 avril dernier, de réformer la haute fonction publique. L’annonce la plus spectaculaire était la suppression de l’ENA, promise durant la crise des Gilets jaunes, au profit d’un nouvel INSP (Institut national du service public), qui verra le jour le 1er janvier 2022. L’ensemble de la réforme est piloté par Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques. L’un des axes principaux est de fusionner toutes les catégories (dites A+ en langage administratif) au sein d’un nouveau corps des Administrateurs de l’Etat, soit 12 000 hauts fonctionnaires toutes administrations confondues.

« Il ne faut pas confondre le corps et le métier », plaide-t-on dans l’entourage de la ministre Amélie de Montchalin

Qu’en est-il pour le Quai d’Orsay ? Sur ces 13 600 agents, seuls 1800 sont des « diplomates ». Ils se répartissent en trois grades : secrétaire des affaires étrangères (900), conseiller des affaires étrangères (800) et ministre plénipotentiaire (100), selon les chiffres fournis par le Quai. Seules les deux dernières catégories, les plus élevées en grade (A+), sont directement concernées par une « mise en extinction », soit moins d’un millier de personnes. Elles devraient donc être fondues au sein du corps des Administrateurs de l’Etat, comme le seront la préfectorale ou les différentes Inspections générales.

« Les diplomates sont attachés à leur spécificité. Ils sont des bureaucrates qui ne veulent pas être reconnus comme tels », note l’universitaire Christian Lesquesne. « Il ne faut pas confondre le corps et le métier », plaide-t-on dans l’entourage de la ministre Amélie de Montchalin. « On ne sera pas nommé sous-préfet dans le Larzac alors qu’on parle swahili ! », même s’il y aura deux périodes obligatoires de mobilité (vers une autre administration) durant la carrière. Au ministère de la Fonction publique, on sent un certain agacement face aux « fake news » diffusées par des « diplomates à la retraite, consultants ou chroniqueurs »... La réforme voulue par le président Macron entend se placer dans la continuité de la création de l’ENA par le général De Gaulle en 1945, qui mettait fin au recrutement des hauts fonctionnaires ministère par ministère.

Les Affaires étrangères conservaient néanmoins une certaine spécificité, avec le « concours du Cadre d’Orient », qui sera préservé dans la réforme en cours. Préparé aux Langues O’, il s’adresse à des spécialistes de langues et civilisations étrangères, comme le chinois, l’arabe ou le russe. La réussite à ce concours (externe ou interne) garantit une carrière au Quai d’Orsay. Les places sont rares : en 2020, 18 pour le niveau de « secrétaire » et sept pour celui de « conseiller ». Seuls ces derniers (A+) ont la perspective de devenir ambassadeurs. L’autre voie d’accès au corps diplomatique était l’ENA, mais à condition d’avoir un bon classement de sortie, avec seulement cinq postes offerts cette année. « Lorsque j’en suis sorti à la fin des années 70, c'était 12 ou 13 places par an », témoigne un retraité.

Récompense. « Serons-nous le seul pays à se priver d’un corps diplomatique ? » se demande Pierre Sellal, ancien secrétaire général du Quai d’Orsay. « A Bruxelles, nous sommes parvenus à créer un corps distinct de celui des fonctionnaires de la Commission pour le Service européen pour l’action extérieure (SAEA) et nous faisons maintenant le contraire à Paris », regrette l’ancien ambassadeur, qui voit dans cette réforme « la négation ostentatoire d’un métier ». Cette réforme est un « acte d’automutilation » s’insurge Olivier da Silva, diplomate engagé à la CFDT. « Nous craignons la disparition de la filière du corps diplomatique. C’est risqué car notre métier, comme tant d’autres, ne se pratique pas par intermittence. » Même ton chez Sylvie Bermann, ancienne ambassadrice à Pékin, Londres et Moscou : « Nous exerçons un vrai métier qui s’apprend au fil des postes. » Un métier de représentation, mais surtout de négociations et d’animation d'équipes interministérielles dans les ambassades, où les grandes administrations sont représentées.

Tous les professionnels insistent sur l’importance de la reconnaissance par les pairs étrangers : « Lorsque j'étais à Londres, le Foreign Office avait fait un travail interne pour déterminer quel était le meilleur corps diplomatique étranger. Il nous avait désignés et l’on aurait sans doute dit la même chose d’eux. Le contre-exemple, c’est le Département d’Etat américain. Il n’attire pas les meilleurs, faute de proposer les postes les plus importants aux diplomates de métier », constate Sylvie Bermann. Aux Etats-Unis, des postes prestigieux, comme celui d’ambassadeur en France, sont systématiquement attribués comme récompense à des personnalités qui ont financé la campagne du président élu.

« Les politiques veulent toujours pouvoir nommer des gens sans s’embarrasser des règles administratives »

La tentation existe en France, comme ailleurs. Un ambassadeur étranger à Paris nous le dit : « Les politiques veulent toujours pouvoir nommer des gens sans s’embarrasser des règles administratives. »

En 2018, Emmanuel Macron avait ainsi voulu nommer l'écrivain Philippe Besson consul général à Los Angeles, pour le remercier de son soutien et de son livre Un personnage de roman (Julliard). Un recours du syndicat CFDT du Quai d’Orsay devant le Conseil d’Etat a fait échec ce projet. En France, le président de la République peut cependant nommer qui il souhaite à un poste d’ambassadeur – sauf les fonctionnaires pas assez hauts dans la hiérarchie. Certains journalistes l’ont été.

La « Carrière », comme on dit au Quai, s’inscrit dans la durée : « Si vous voulez convaincre un jeune de partir comme numéro 2 au Vanuatu, il faut qu’il ait la perspective de terminer ambassadeur à Pékin », explique Pierre Sellal, alors qu’une jeune ambassadrice ajoute : « Avec les gens venant d’ailleurs, on aura plus de candidats pour Rome ou Bruxelles que pour Kaboul...