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domingo, 10 de novembro de 2024

Dieu existe-t-il ? Ce qu’en dit la théorie de la théière de Bertand Russell - Joseph Le Corre

Dieu existe-t-il ? Ce qu’en dit la théorie de la théière de Russell

Selon la théorie du philosophe Bertrand Russell, faute de preuves, c’est à celui qui affirme qu’une divinité existe d’en apporter. Et non l’inverse.

Par Joseph Le Corre

https://www.lepoint.fr/journalistes-du-point/joseph-le-corre


 Le Point, 10/11/2024 à 13h00 

La théorie de la théière céleste de Russell n’est ni une déclaration de guerre contre les croyants ni une affirmation irrévocable de l’athéisme, mais une invitation à la prudence dans nos croyances.

Votre voisin, dont l'intelligence vous a toujours séduit, profite de la fin du dîner pour vous faire part de ce qu'il pense de la religion. Il soutient mordicus qu'une théière volante, imperceptible par les télescopes modernes, vole en orbite entre la Terre et Mars depuis des millions d'années. Il se définit, sans esquisser le moindre sourire, comme un « théiste ». Évidemment, vous ne pouvez pas vous empêcher de lui rétorquer qu'il dit des inepties… Mais il vous répond qu'il arrêtera de croire au « dieu Théière » le jour où vous lui apporterez la preuve qu'aucune théière ne vole au-dessus de nous.

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Aussi fantaisiste que cela puisse paraître, cet exemple est utilisé de façon très sérieuse par le philosophe britannique Bertrand Russell (1872-1970) pour défendre l'athéisme ou l'agnosticisme. Russell utilise cette situation loufoque pour souligner ce qu'il considère comme absurde : le fait que ce soit à vous d'apporter la preuve qu'aucune théière n'est en orbite dans l'espace. Pour le philosophe agnostique, c'est à celui qui prétend qu'une divinité existe d'apporter des preuves. En d'autres termes, selon la théorie de la théière, la charge philosophique de la preuve incombe à la personne qui formule une affirmation, au lieu de transférer la charge de la réfutation à d'autres.


De nombreuses personnes orthodoxes parlent comme si c'était le travail des sceptiques de réfuter les dogmes plutôt qu'à ceux qui les soutiennent de les prouver. C'est bien évidemment une erreur. Si je suggérais qu'entre la Terre et Mars se trouve une théière de porcelaine en orbite elliptique autour du Soleil, personne ne serait capable de prouver le contraire. […] Mais, si j'affirmais que, comme ma proposition ne peut être réfutée, il n'est pas tolérable pour la raison humaine d'en douter, on me considérerait aussitôt comme un illuminé », écrit-il dans un article intitulé « Y a-t-il un Dieu ? », commandé mais jamais publié par le magazine Illustrated en 1952. Pour Russell, la croyance en Dieu est basée sur le même argumentaire que votre voisin qui défend l'existence du « dieu Théière ».


La théière de Russel inspirée du rasoir d'Ockham

La théière de Russel est directement inspirée d'un outil de réflexion très connu en philosophie : le rasoir d'Ockham. Ce principe de parcimonie veut que « les entités ne doivent pas être multipliées au-delà de la nécessité ». En d'autres termes : « Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? » Selon les tenants du rasoir d'Ockham, face à des hypothèses concurrentes pour une même explication (en l'occurrence, l'origine de la création de l'Univers), il faut toujours privilégier l'hypothèse la plus simple et tenter d'abord de la prouver.


Ainsi, selon eux, le plus simple est qu'aucun dieu ne soit à l'œuvre dans la création de l'Univers. En appliquant le rasoir d'Ockham, Russell, comme beaucoup d'athées, affirme qu'il n'y a aucune preuve pour soutenir, par exemple, le Dieu chrétien. Donc, tant que de telles preuves ne sont pas présentées, il ne croit pas en ce Dieu et vit sous l'hypothèse qu'il n'existe pas.

L'exemple de la théière pris par Russell est délibérément ridicule. Aussi farfelue soit-elle, cette invention a pour but de prouver que l'existence de la théière divine est tout aussi indémontrable que celle du Dieu chrétien.


L'existence de Dieu et « l'absence de preuve »

Le philosophe américain Peter van Inwagen, qui plaide, lui, pour un « agnosticisme neutre », estime que la probabilité initiale de l'existence de Dieu ne devrait pas être considérée comme nulle uniquement parce qu'aucune preuve n'est disponible. Il souligne qu'une « absence de preuve n'est pas une preuve d'absence ». Bien que la probabilité d'une hypothèse soit extrêmement faible, cela ne signifie pas qu'elle soit inexistante.

Van Inwagen note que, bien que cet exemple de la théière analogique soit puissant, il comporte des défauts. La probabilité d'une théière en orbite est « essentiellement nulle » car elle supposerait des origines extrêmement improbables (comme une intervention extraterrestre). En revanche, l'existence de Dieu n'est pas sujette aux mêmes lois physiques que celles des entités matérielles comme la théière.

Certains remettent en cause l'idée même selon laquelle « il n'y aurait aucune preuve de l'existence de Dieu ». William D. Phillips, Prix Nobel de physique 1997, se demandait par exemple : « Pourquoi l'Univers est-il si incroyablement adapté à l'émergence de la vie ? Et, plus encore, pourquoi est-il si minutieusement adapté à notre existence à nous ? […] Cela constitue-t-il une preuve scientifique légitime de l'existence d'un créateur intelligent ? Cela se pourrait. Reste que cette preuve n'est pas universellement partagée. »

En vérité, la théière de Russell n'a pas la prétention de trancher les discussions entre les croyants et les non-croyants. L'analogie ne fait pas de Russell un porte-étendard de l'athéisme pur ; elle le place plutôt comme un champion d'une curiosité intellectuelle qui refuse de se satisfaire de réponses faciles. Bertrand Russell a créé l'analogie de la théière pour illustrer le fardeau de la preuve. La théière céleste n'est ni une déclaration de guerre aux croyants ni une affirmation irrévocable de l'athéisme. C'est une provocation bien pensée, une invitation à la prudence dans nos croyances.

 


Resumo da biografia de Bertrand Russell

Filósofo britânico


Bertrand Russell (1872-1970) foi o mais influente filósofo britânico do século XX. Foi ensaísta e crítico social, conhecido também por seu trabalho de lógica matemática e filosofia analítica.

Bertrand Arthur William Russell, o terceiro conde Russell, conhecido como Bertrand Russell, nasceu em Trelleck, País de Gales, Reino Unido, no dia 18 de maio de 1872.

De família aristocrática, filho do visconde de Amberley ficou órfão aos três e foi educado por preceptores e governantas na casa da avó, até ingressar no Trinity College, em Cambridge.

Russell mostrou seu grande interesse por matemática e ciências exatas, afirmando que elas constituíam a fonte de todo o progresso humano.


Formação

Em 1890, Bertrand ingressou na Universidade de Cambridge, onde estudou Filosofia e Lógica.

No final do século XIX, junto com Edward Moore, reagiu contra o idealismo dominante e restabeleceu a tradição empirista de filósofos como Hume.

Passou a publicar seus ensaios em revistas especializadas. Em 1910 publicou o primeiro volume da obra “Principia Mathemática”.

Ainda em 1910 ingressou como mestre de conferências na Universidade de Cambridge e deixou importantes contribuições ao problema de fundamentação lógica da matemática.

Em 1911 publicou “Problems of Philosophy” e “Our Kwonledge of the External World” em 1914, que confirmaram o seu inegável prestígio.

Bertrand Russell sempre demonstrou grande interesse pelos problemas sociais, se posicionou a favor da emancipação feminina.


Militante político

Em 1916 foi obrigado a se demitir da Universidade, em virtude da participação em movimentos pacifistas, durante a Primeira Guerra Mundial. Foi multado e preso.

Bertrand Russell passou cinco meses na prisão, época em que escreveu “Introdução à Filosofia Matemática”, publicada em 1919.

Em 1920, Bertrand viajou para a Rússia e para China, onde realizou uma série de conferência durante um ano. Nessa época escreveu livros populares de Ética, Matemática e Filosofia.

Após visitar a Rússia, ele fez duras críticas ao regime comunista. Denunciou a natureza totalitária do regime soviético e predisse e condenou muitos aspectos do que seria mais tarde chamado de stalinismo.

 Reuniu suas conferências na obra “The Analysis os The Mind” (1921). Em 1939 mudou-se para os Estados Unidos, onde lecionou na Universidade da Califórnia.

Em 1944, voltou para a Inglaterra, retornando ao Trinity College. Em 1944 foi condecorado com a Ordem do Mérito.


Filosofia de Russell

Bertrand Russel acreditava que a filosofia deveria preparar o terreno para uma ciência pragmática que permitiria ao homem dedicar-se ao aperfeiçoamento do mundo em que se vive.

Apesar de sua imensa produção filosófica, que abordava assuntos como física, lógica, religião, educação e moral, Russell nunca foi uma personalidade estritamente acadêmica.

A obra filosófica mais lida de Russell é a “História da Filosofia Ocidental” (1945), que se tornou um best-seller no Reino Unido e nos Estados Unidos. Em 1950 recebeu o Prêmio Nobel de Literatura.

Campanhas oposicionistas

Após a Segunda Guerra Mundial, Russell tornou-se um dos principais representantes do movimento de oposição às armas nucleares. Em 1954, fez um polêmico pronunciamento em que condenava os testes de bombas nucleares.

Em 1958 foi presidente da “Campanha pelo Desarmamento Nuclear”. Em 1960 formou o “Comitê dos 100”, com o objetivo de incitar a desobediência civil.

Além de suas campanhas no combate ao totalitarismo, destacou-se também contra a intervenção americana no Vietnam.

Bertrand Russell faleceu em Penrhyndeudraeth, País de Gales, no dia 2 de fevereiro de 1970.


Frases de Bertrand Russell

  • O truque da filosofia é começar por algo tão simples que ninguém ache digno de nota e terminar por algo tão complexo que ninguém entenda.
  • O problema do mundo de hoje é que as pessoas inteligentes estão cheias de dúvidas, e as pessoas idiotas estão cheias de certezas.
  • Se a todos fosse dado o poder mágico de ler nos pensamentos dos outros, suponho que o primeiro resultado seria o desaparecimento de toda a amizade.


terça-feira, 10 de setembro de 2024

Manque de productivité en Europe: rapport Mario Draghi (Le Point)

Compétitivité en Europe : les 20 propositions chocs de Mario Draghi

Simplification, mutualisation, changement des traités, Mario Draghi n’y va pas avec le dos de la cuillère pour redresser la compétitivité alanguie de l’Europe. Un électrochoc.

Par Emmanuel Berretta

revue Le Point, le 09/09/2024 à 16h56

 

Un rapport cinglant, des propositions audacieuses. Mario Draghi ne propose à l'Union européenne rien de moins que l'électrochoc dont elle a bien besoin. L'ancien président du Conseil italien a présenté son rapport, à 11 heures ce lundi 9 septembre, aux côtés d'Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, qui en est la commanditaire. Un rapport très attendu qui contient, au total, environ 170 propositions dont nous avons sélectionné les 20 principales. Mario Draghi a clairement indiqué qu'il ne souhaitait pas remettre en cause le socle social des Européens et que la compétitivité n'est pas une affaire « de réduction des coûts du travail, de baisse des salaires ou de plus grande flexibilité ».

Pour lui, la clé est la maîtrise des hautes technologies d'avenir, donc les compétences, la formation. Le cerveau, en un mot. « En réalité, dans l'Union européenne, la productivité a été légèrement meilleure que celle des États-Unis si l'on exclut le secteur des hautes technologies », explique-t-il à l'appui de son raisonnement.

Le constat dressé par « Super Mario » n'esquive pas la cruelle réalité : l'Europe est en train de décrocher face à ses grands concurrents, en particulier les États-Unis et la Chine. Les chiffres font froid dans le dos. L'écart de PIB entre l'UE et les États-Unis s'est creusé, passant de 15 % en 2002 à 30 % en 2023. Pour l'ancien patron de la BCE, le différentiel de productivité explique à lui seul 70 % de cet écart. « Le revenu réel disponible au cours des quinze, vingt dernières années aux États-Unis a augmenté deux fois plus qu'en Europe, précise-t-il lors de sa conférence de presse. […] Pensez au fait que la population diminue, et d'ici 2042 deux millions de travailleurs par an disparaîtront du marché du travail. » Bref, le constat d'une « lente agonie ».

À LIRE AUSSI Ce que l'on sait du rapport alarmant de Mario Draghi sur la compétitivité en Europe

L'Europe souffre aussi d'un manque criant d'innovation et de dynamisme industriels. Mario Draghi pointe du doigt « une structure industrielle statique qui produit un cercle vicieux de faible investissement et de faible innovation ». « Il n'y a pas d'entreprise européenne avec une capitalisation boursière supérieure à 100 milliards d'euros qui ait été créée from scratch (en partant de rien) au cours des cinquante dernières années, alors qu'aux États-Unis les six entreprises valorisées à plus de 1 000 milliards d'euros ont toutes été créées au cours de cette période », souligne-t-il dans son rapport. Les besoins en investissements sont immenses. Selon Draghi, l'investissement annuel supplémentaire minimum nécessaire serait de 750 à 800 milliards d'euros, ce qui correspond à 4,4-4,7 % du PIB de l'UE en 2023.

Doubler les crédits de recherche

Face à ce tableau peu réjouissant, Mario Draghi dégaine un arsenal de propositions qui ne manquera pas de faire grincer quelques dents dans les chancelleries européennes. Premier chantier : doper l'innovation. L'ancien banquier central prône une véritable révolution copernicienne. Il propose ni plus ni moins que de doubler le budget du prochain programme-cadre de recherche et d'innovation pour le porter à 200 milliards d'euros sur 7 ans. Il veut créer une véritable agence européenne pour l'innovation de rupture, sur le modèle de la Darpa américaine, reprenant ici une idée du président Macron formulée depuis le discours de la Sorbonne de 2017 qui est restée lettre morte depuis.

Unifier le droit des sociétés en Europe

Pour attirer et retenir les meilleurs cerveaux, le rapport suggère de réformer le Conseil européen de la recherche (ERC) et de créer un « ERC pour les institutions » afin de financer des centres de recherche d'excellence. Une manière de stopper l'hémorragie de nos talents vers les États-Unis.

Mais Draghi veut faciliter le passage de l'innovation à la commercialisation en créant un nouveau statut d'« entreprise européenne innovante ». Ces pépites bénéficieraient d'une « identité numérique unique valable dans toute l'UE et reconnue par tous les États membres », ainsi que d'une législation harmonisée en matière de droit des sociétés et d'insolvabilité. De quoi faire sauter les verrous qui entravent aujourd'hui le développement de nos start-up. On se demande d'ailleurs comment l'UE a pu, durant des décennies, éviter d'abroger cette disparité juridique tout en prétendant créer un « marché unique ».

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Du côté du financement, le rapport appelle à développer massivement le capital-risque en Europe et à faciliter l'accès des entreprises innovantes aux marchés de capitaux, une idée dans l'air du temps depuis le printemps et que l'Allemagne pousse dans ce sens. Il propose notamment d'élargir le mandat de la Banque européenne d'investissement pour lui permettre de co-investir dans des projets nécessitant des volumes de capitaux plus importants. Une manière de combler le fossé qui nous sépare des États-Unis en matière de financement des start-up.

Doper l'IA dans 10 secteurs stratégiques

Conscient que l'intelligence artificielle sera le nerf de la guerre économique de demain, Mario Draghi ne lésine pas. Il préconise d'augmenter significativement la capacité de calcul dédiée à l'IA dans les centres de supercalcul européens et de développer un « modèle d'IA fédéré » basé sur la coopération entre infrastructures publiques et privées.

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Plus audacieux encore, il propose de lancer un « plan de priorités verticales de l'IA » pour accélérer l'intégration de l'IA dans dix secteurs stratégiques : l'automobile, la robotique, l'énergie, les télécommunications, l'agriculture, l'aérospatiale, la défense, les prévisions environnementales, l'industrie pharmaceutique et la santé. L'Europe ne peut pas se permettre de rater le train de la révolution de l'IA comme elle a raté celui d'Internet.

Concilier écologie et économie

Sur le front de la transition écologique, l'ancien banquier central joue les équilibristes, un peu à la manière d'Ursula von der Leyen lors de son discours programmatique devant le Parlement européen le 18 juillet. Il propose « un plan commun pour la décarbonation et la compétitivité » qui permettrait à l'Europe de rester à la pointe des technologies vertes tout en préservant son tissu industriel.

Dans le secteur de l'énergie, il préconise de renforcer l'approvisionnement commun en gaz naturel liquéfié (GNL) afin de mieux utiliser le pouvoir collectif des Européens dans la négociation. Mais, surtout, il jette aux orties le marché de l'électricité tel qu'il est conçu aujourd'hui. Il propose de découpler la rémunération des énergies renouvelables et du nucléaire de celle des combustibles fossiles. Cela vise à mieux refléter les coûts réels de production et à réduire l'impact des prix volatils du gaz sur les factures d'électricité. La Commission européenne, très attachée au marché de l'électricité, ne va pas forcément apprécier cette remise en cause brutale.

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Pour l'industrie automobile, secteur clé de l'économie européenne, Mario Draghi appelle à créer une feuille de route industrielle tenant compte de l'électrification et de la numérisation. Un coup de boost nécessaire face à la concurrence chinoise.

Des matières critiques achetées en commun

Conscient que l'Europe ne peut pas rester naïve dans un monde de plus en plus instable, l'Italien prône une véritable « politique économique étrangère » pour réduire nos dépendances stratégiques. Il propose notamment de créer une « plateforme européenne des matières premières critiques » chargée d'agréger la demande pour les achats conjoints et de gérer des stocks stratégiques au niveau européen. Il s'agit bien ici de sécuriser nos approvisionnements en terres rares et autres matériaux essentiels à notre industrie.

Sur le front de la défense, le rapport appelle à augmenter le financement européen pour la R & D (recherche et développement) et à élaborer des « projets de défense d’intérêt commun européen » pour muscler l’Europe de la défense.

Une approche prudente d'un nouvel endettement commun

Mario Draghi évoque prudemment l'idée d'un endettement commun européen, uniquement comme un « instrument limité et non un objectif en soi ». Il propose l'émission régulière d'actifs sûrs communs pour financer des projets d'investissement conjoints, s'inspirant du modèle NextGenerationEU. Cette approche viserait à financer les « biens publics européens » comme la recherche de pointe ou les infrastructures de défense.

Cependant, Draghi pose des conditions strictes : des règles fiscales renforcées, une émission limitée à des projets spécifiques, et des garanties solides. L'objectif est de concilier les besoins massifs d'investissement de l'UE avec les réticences de certains pays face à la mutualisation de la dette.

Une gouvernance à réinventer

Cependant, Mario Draghi est conscient que ces propositions ne pourront pas être efficacement mises en œuvre sans une refonte de la gouvernance européenne. Il veut rationaliser la bureaucratie européenne. Actuellement, il existe de nombreux mécanismes de coordination qui se chevauchent, créant de la confusion et de l'inefficacité. Un « cadre de coordination de la compétitivité » les remplacerait tous.

Pour accélérer la prise de décision, il suggère d'étendre le vote à la majorité qualifiée à davantage de domaines au sein du Conseil de l'UE. Il mentionne notamment l'utilisation de la clause « passerelle » pour généraliser le vote à la majorité qualifiée dans tous les domaines politiques au Conseil. Cette proposition vise à accélérer le processus décisionnel de l'UE, en particulier les situations où un seul État membre peut bloquer une décision. Cependant, l'application de cette clause nécessiterait un accord préalable à l'unanimité au niveau du Conseil européen. Enfin, si l'action au niveau de l'UE est bloquée, il préconise de recourir plus systématiquement à la « coopération renforcée » entre États membres volontaires.

Un commissaire à la Simplification administrative

La compétitivité retrouvée passera par l'allégement du fardeau réglementaire qui pèse sur les entreprises européennes. Le rapport Draghi propose de nommer un nouveau vice-président de la Commission européenne chargé de la simplification. Sa mission : faire le ménage dans la jungle réglementaire bruxelloise. Il dénonce la surréglementation européenne dans les secteurs d'avenir. « Selon les estimations, dit-il, le Règlement général sur la protection des données (RGPD) a réduit les bénéfices des petites entreprises technologiques de plus de 15 %. J'ai recueilli les témoignages d'entrepreneurs qui ont quitté l'Europe pour les États-Unis, pour la raison qu'ils ne pouvaient pas se permettre d'embaucher du personnel uniquement pour se conformer à cette réglementation. »

Le rapport Draghi a le mérite de poser un diagnostic clair et de proposer des solutions ambitieuses. Reste à savoir si les dirigeants européens auront le courage politique de s'en saisir. La mise en œuvre de ces propositions nécessiterait une refonte en profondeur des traités européens, un exercice toujours périlleux. Elle impliquerait également des transferts supplémentaires de souveraineté vers Bruxelles dans des domaines aussi sensibles que la politique industrielle ou la fiscalité.

Maintenant ou jamais

Mais l'Europe a-t-elle vraiment le choix ? Le statu quo n'est plus une option. Comme le souligne Mario Draghi dans son rapport, « l'Europe entre dans une période sans précédent de son histoire, où un changement technologique rapide et des transitions sectorielles se combineront avec une population en âge de travailler en diminution ».

Pour le sauveur de l'euro, le grand saut dans la modernité, c'est maintenant ou jamais. L'Europe doit se réinventer si elle veut rester dans la course. L'histoire jugera les responsables européens à leur réaction aux propositions de l'ancien président du Conseil italien.


domingo, 18 de agosto de 2024

Mort d'Alain Delon : 15 chefs-d’œuvre dans une incroyable carrière - Jean-Luc Wachthausen (Le Point)

 Mort d'Alain Delon : 15 chefs-d’œuvre dans une incroyable carrière

En 1960, l’acteur, décédé ce dimanche à 88 ans, devenait, à 25 ans, une star grâce à « Plein Soleil ». Voici notre sélection, subjective forcément, de ses plus grands films.

Par Jean-Luc Wachthausen/Le Point

Publié le 18/08/2024 

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Ému aux larmes, lors du Festival de Cannes 2019, il avait reçu des mains de sa fille Anouchka, la Palme d'honneur pour l'ensemble de sa carrière. Belle récompense pour célébrer plus de soixante ans de cinéma et beaucoup de films majeurs, voire des chefs-d'œuvre, de Luchino Visconti à Joseph Losey, d'Henri Verneuil à René Clément et Jacques Deray.

Au-delà d'un physique exceptionnel, Alain Delon, décédé dimanche 18 août à 88 ans, aura marqué de sa personnalité parfois ombrageuse l'histoire du cinéma et fait rêver des millions de spectateurs et de spectatrices dans le monde. Celui que Jean-Pierre Melville voyait comme un « seigneur », « un des grands samouraïs de l'écran » entre aujourd'hui dans la légende.


Plein soleil, de René Clément (1960)

L'adaptation du roman de Patricia Highsmith, Monsieur Ripley, par le grand scénariste Paul Gégauff. Alain Delon s'impose avec brio en Tom Ripley, parfait usurpateur et beau monstre, prêt à tout pour supprimer le riche Maurice Ronet, prendre sa place et séduire sa maîtresse, jouée par Marie Laforêt. Magnifié par la musique de Nino Rotta, les couleurs vives du procédé Estamancolor et la direction d'acteurs de René Clément, ce film, devenu un classique du cinéma français, révèle Alain Delon dans un rôle ambigu, à la fois irrésistible et repoussant, point de départ de sa longue carrière.


Rocco et ses frères, de Luchino Visconti (1961)

De sa rencontre avec le grand réalisateur italien Luchino Visconti qui tombe sous le charme naît ce film tendu et violent qui décroche le prix spécial du jury au Festival de Venise. Dans cette sombre chronique d'une famille pauvre de l'Italie du Sud qui monte à Milan et se désintègre, Alain Delon s'impose dans la peau d'un Rocco fascinant et sauvage face à Annie Girardot, Claudia Cardinale et Roger Hanin.

 

Le Guépard, de Luchino Visconti (1963)

Au côté de son maître et mentor Visconti, Alain Delon plonge dans un univers fascinant, celui de l'aristocratie italienne, avec ses codes et ses non-dits. Pour cette fresque, qui va devenir un des chefs-d'œuvre du 7e art (Palme d'or à Cannes), le cinéaste confie à Delon le rôle de Tancrède, le neveu du prince Salina, joué par Burt Lancaster. Dans ses habits de jeune partisan de Garibaldi, il brille de toute sa beauté éclatante face à la sensuelle Claudia Cardinale qu'il retrouve pour la seconde fois.


Mélodie en sous-sol, d'Henri Verneuil (1963)

Après avoir tourné en 1962 L'Éclipse, de Michelangelo Antonioni, au côté de la blonde Monica Vitti, Alain Delon enchaîne un autre film majeur avec un acteur qu'il admire : Jean Gabin. Henri Verneuil est à la réalisation et Michel Audiard aux dialogues. Du sérieux. Le jeune acteur apprend beaucoup au contact de son glorieux aîné et tire son épingle du jeu dans cette histoire de gangsters, dont la scène finale est d'anthologie.


Les Aventuriers, de Robert Enrico (1967)

Autre grande rencontre d'Alain Delon : Lino Ventura. Tous deux se retrouvent au côté de la belle Joanna Shimkus et de Serge Reggiani devant la caméra de Robert Enrico, qui les embarque sur un bateau à destination du Congo à la recherche d'une cargaison de diamants engloutis au fond de la mer. Une histoire d'hommes et d'amitié où Delon apparaît sous un jour plus fragile.


Le Samouraï, de Jean-Pierre Melville (1967)

Petit chef-d'œuvre et grand tournant dans la carrière de Delon avec ce film crépusculaire de Jean-Pierre Melville, tiré du roman The Ronin, de Goan McLeod. Borsalino, gabardine au col relevé, regard froid et détaché, beauté magnétique, il est de tout son être ce samouraï qui marche lentement vers sa mort. En ouverture du film, figure l'épigraphe extraite du Bushido : « Il n'y a pas de plus profonde solitude que celle du samouraï. Si ce n'est celle d'un tigre dans la jungle… Peut-être… » Impossible d'oublier son personnage de Jeff Costello, rôle majeur qui forge déjà la légende Delon que Melville voyait comme un « seigneur ».


La Piscine, de Jacques Deray (1969)

Dix ans après leurs fiançailles, il retrouve, autour d'une piscine à Saint-Tropez, une actrice qu'il qualifiera plus tard « d'amour de sa vie » : Romy Schneider. Alain Delon retrouve aussi Maurice Ronet, qu'il tue encore une fois dans cette histoire de triangle amoureux qui tourne mal. C'est peu dire que Delon et Romy Schneider forment l'un des plus beaux couples du cinéma de l'époque dans ce film sous tension et parfaitement maîtrisé de Jacques Deray.


Le Clan des Siciliens, d'Henri Verneuil (1969)

De nouveau Jean Gabin, Henri Verneuil et Lino Ventura, plus la musique d'Ennio Morricone. Trois acteurs fétiches dans une autre histoire de voyous siciliens et de hold-up. Dans la peau du taulard évadé, Delon n'a pas le beau rôle et fait tout foirer après la découverte de sa liaison avec une des filles du clan. Gros succès public.


Le Cercle rouge, de Jean-Pierre Melville (1970)

Nouvelle rencontre entre deux géants : Delon retrouve le réalisateur du Samouraï pour ce rôle d'un ancien détenu qui prépare un gros coup. Il est entouré par des pointures : Bourvil dans le rôle d'un commissaire de police tenace, Yves Montand en ex-flic alcoolique, François Périer en patron de cabaret, Gian Maria Volonte en truand en cavale. Tous sont liés par la fatalité et se retrouvent enfermés dans ce cercle rouge évoqué en ouverture du film par une citation de Krishna. Un film sombre et désenchanté pour un Alain Delon désormais abonné aux rôles de voyou.


Borsalino, de Jacques Deray (1970)

Marseille, dans les années 1920. L'histoire de Carbone et Spirito, deux truands marseillais à l'ancienne, écrite par Jean Cau, Claude Sautet et Jean-Claude Carrière et mise en scène avec brio par Jacques Deray. L'affaire n'a pas été simple : le « milieu » ne voit pas le projet d'un bon œil. Deray reçoit des menaces de mort. Delon se rend chez les Carbone en Corse, règle tout et produit le film. Hors champ, le réalisateur fait tout pour maîtriser les ego des deux stars, Delon et Belmondo, qui finiront tout de même au tribunal pour une histoire de nom sur l'affiche. Reste un film à succès avec quatre millions de spectateurs en salle.


La Veuve Couderc, de Pierre Granier-Deferre (1971)

L'adaptation réussie du roman de Georges Simenon qui se déroule en 1936 dans la campagne dijonnaise. L'histoire d'un bagnard en cavale qui se réfugie dans la ferme de la veuve Couderc, dont il devient l'amant. Un beau drame naturaliste amplifié par le jeu du couple exceptionnel formé par Alain Delon et Simone Signoret.


Deux hommes dans la ville, de José Giovanni (1973)

Dernier face-à-face de Delon et Jean Gabin, du disciple et de son maître, dans ce film noir de José Giovanni qui aborde les questions de la rédemption et de la réinsertion d'un ancien criminel pris en sympathie par un éducateur. Un grand rôle dramatique joué avec sobriété par l'acteur, bouleversant dans la scène finale de la guillotine.


Monsieur Klein, de Joseph Losey (1976)

Un des grands films auquel Alain Delon tenait le plus et dans lequel il avait investi personnellement en tant que producteur. Boudé au Festival de Cannes 1976 et absent du palmarès, il lui laisse un goût amer. Du coup, il a profité de sa Palme d'honneur décernée en 2019 pour présenter de nouveau en séance officielle ce chef-d'œuvre de Joseph Losey. Dans la peau de ce Monsieur Klein, un salaud ordinaire qui va prendre l'identité d'un homonyme juif et partir pour Auschwitz, il est sobre, bouleversant, mystérieux, exceptionnel.


Notre histoire, de Bertrand Blier (1984)

Delon dans les pattes du réalisateur des Valseuses qui aime dynamiter les genres : ici, le mélo, poussé du côté du roman-photo dans une histoire où il est question de solitude et d'amour-passion, le tout servi par des dialogues au couteau. Ça passe ou ça casse. Gros échec à sa sortie en salle, ce qui n'empêche pas Alain Delon de montrer l'étendue de son registre dans les bras de Nathalie Baye.


Pour la peau d'un flic, d'Alain Delon (1981)

Pour ce quinzième et dernier film d'une liste forcément subjective, honneur au Delon réalisateur qui, pour son premier essai, signe un polar solide et violent. À la fois derrière et devant la caméra, il joue un privé pris dans un piège diabolique. Scénario costaud, tiré du roman de Jean-Pierre Manchette, scènes spectaculaires, casting musclé (Daniel Auclair, Anne Parillaud, Daniel Cecccaldi, Jean-Pierre Darras), c'est un succès auprès de la critique et du public.