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terça-feira, 6 de agosto de 2024

A “tempestade perfeita” (1) - Elie Barnavi (Telos.eu)

 Telos, July 29, 2024

https://www.telos-eu.com/fr/politique-francaise-et-internationale/perfect-storm-1.html

Perfect storm (1)


Telos.eu, July 29, 2024

Les Anglo-Saxons appellent ainsi une configuration climatique complexe et rare, où des facteurs disparates mais concordants se combinent pour produire une tempête énorme, d’une puissance inédite. L’expression a investi la politique, l’économie et les marchés, où le déchaînement des éléments n’est évidemment pour rien. Ici, à la violence des vents et à la hauteur des vagues correspondent le choc des intérêts et la sauvagerie des passions maquillées en idéologies.  Ces « tempêtes parfaites » dans les affaires humaines sont innombrables, et elles tendent à se multiplier. En effet, plus la configuration internationale est complexe et moins elle obéit à un ordre discernable, plus elle donne prise à des éléments irrationnels et moins elle est maîtrisable. Cependant, contrairement à ce qui se passe en haute mer, la « tempête parfaite » humaine met du temps à monter en puissance. Certains de ses éléments viennent de loin, d’autres s’ajoutent au fil des années. Le temps s’accélère, la crise enfle, jusqu’à ce qu’un facteur déclencheur provoque son déchaînement paroxystique.

Israël vit une de ces « tempêtes parfaites », la première de son existence. Et son facteur déclencheur a été, bien sûr, le pogrom perpétré par le Hamas le 7 octobre 2023. À partir de là, elle a pris aussitôt une dimension régionale et internationale. Dès le lendemain, Israël a fait face à sept fronts : au sud au Hamas, au nord au Hezbollah, à l’est, en Cisjordanie, à une Intifada qui ne dit pas encore son nom, en Syrie et en Irak à une myriade de groupes terroristes, plus loin aux Houthis du Yémen, ainsi qu’à l’Iran, patron de tous les autres.

Ce dernier front mérite une mention spéciale. Pour la première fois, en effet, l’Iran ne s’est pas contenté de faire la guerre à Israël par milices interposées mais, le 13 avril 2024, réagissant à l’élimination du général des Gardiens de la révolution en charge de la Syrie et du Liban, il a lancé un assaut contre le territoire israélien à partir de son propre territoire. L’échec de l’attaque et la riposte très mesurée de Tsahal ne doivent pas masquer la signification de cette affaire : c’est un changement d’échelle, gros de dangers. Les belligérants ont beau vouloir éviter la guerre, les escalades militaires ont leur propre logique. Qui voulait la guerre en août 14 ?

Ainsi, par cercles concentriques, la guerre de Gaza irradie les Territoires palestiniens, les pays limitrophes du Proche-Orient, ceux du Moyen Orient, et, au-delà, la géopolitique planétaire. Comme la guerre d’Ukraine, c’est une affaire mondiale. En effet, face à la coalition dirigée depuis Téhéran, se dressent Israël et son allié unique, les États-Unis. Entre les deux s’étend ce que l’on peut décrire comme une sorte de marais aux contours flous, dont le positionnement par rapport au conflit de Gaza et de ses ramifications dépend d’une foule de considérations disparates, voire contradictoires. Plus on est proche de l’épicentre, et plus les secousses du conflit se font durement sentir. Naturellement, les voisins d’Israël sont les plus affectés : la Syrie, État morcelé et failli dont le territoire sert depuis longtemps de champ de bataille entre l’Iran et Israël ; le Liban, dont le sud est en guerre ouverte et qui tremble de la voir s’étendre à l’ensemble du territoire ; l’Égypte, qui craint le débordement dans le Sinaï de masses de Gazaouis ; et la Jordanie, dont le gros de la population est palestinien, et qui, de ce fait, est menacée de déstabilisation. Ces deux derniers, à l’instar des autres pays sunnites de la région – le deuxième cercle – sont hostiles au Hamas et alignés sur Washington. D’ailleurs, ceux qui ont déjà signé des accords de paix avec Israël ne songent pas à les dénoncer ; mieux, l’Arabie saoudite, qui était sur le point de s’y résoudre avant la guerre, n’a pas renoncé à la normalisation avec l’État juif après – seulement, elle la conditionne désormais à la solution du problème palestinien, ou du moins au début d’un processus censé y conduire. On l’aura remarqué, à l’exception de l’Iran, tous les ennemis d’Israël sont des milices religieuses. Mais les gouvernements sont sensibles à une « rue arabe » très remontée contre Israël.

Le troisième cercle est constitué des puissances de ce qu’il est convenu d’appeler le « Sud global », entité gazeuse et fluctuante qu’anime un vieux fonds d’antiaméricanisme tiers-mondiste, et où Israël fait figure de poste avancé de l’Occident. Le procès intenté par l’Afrique du Sud à Israël pour faits de génocide devant la Cour de Justice internationale de La Haye illustre cette posture. Enfin, on trouve dans ce marais les deux puissances révisionnistes, la Russie et la Chine, peu connues pour leur mansuétude à l’égard de leurs propres populations musulmanes, mais auxquelles Gaza offre, dans une curieuse alliance avec les islamistes à l’extérieur, une occasion en or de damer le pion à Washington.

Pour l’heure, le Hamas a perdu son pari stratégique, à savoir entraîner ses alliés, voire l’ensemble du monde musulman, dans le « déluge » final contre « l’entité sioniste » (« Déluge d’al-Aksa », telle est l’appellation, d’inspiration messianique, dont il a affublé l’assaut meurtrier du 7 octobre).

Comment cette « tempête parfaite » a-t-elle fini par se former au-dessus de nos têtes ?

En simplifiant beaucoup une histoire tumultueuse de trois quarts de siècle, on peut la découper en quatre temps, qui sont autant d’actes d’une tragédie dont on devine le dénouement proche mais on ignore de quoi il sera fait. Le premier est la guerre victorieuse des Six-Jours, en juin 1967. Au sortir de cette campagne éclair, Israël se trouve à la tête d’un mini-empire : le Sinaï égyptien, le Golan syrien, la Cisjordanie et la Vieille Ville de Jérusalem (illégalement) occupées par le royaume hachémite de Jordanie. Les deux premiers territoires, pour importants qu’ils soient stratégiquement, ne sont guère investis de signification historique ou religieuse. La Cisjordanie, en revanche, aussitôt rebaptisée de ses noms bibliques de Judée et Samarie, ainsi que Jérusalem, sont tout simplement le berceau physique et spirituel du peuple juif.

Il faut savoir que, faute de pouvoir faire autrement, les sionistes ont installé les fondations de leur futur État le long de la côte, en pays des Philistins pour ainsi dire. Mais la longue mémoire juive privilégiait Hébron, Beit El, Samarie, Bethléem, Jérusalem et son Temple… tous lieux dont les vicissitudes de l’histoire récente avaient privé l’État nouveau-né. Recouvrer ces lieux enchantés à la faveur d’un affrontement dont le dénouement avait tout du miracle, a constitué pour la plupart des Israéliens un choc psychologique et spirituel dont peu ont pris la mesure dans l’immédiat. Le philosophe Yeshayahou Leibowitz fut l’un de ceux qui ont saisi d’emblée le potentiel destructeur de l’occupation pour l’occupant, et Moshé Dayan, un soldat peu porté sur le sentimentalisme religieux, avait d’abord refusé de prendre la Vieille Ville de Jérusalem – « Qu’avons-nous besoin de ce Vatican ? » – avant de céder devant la ferveur ambiante.

Y avait-il moyen d’échapper à l’enchaînement des faits qui se sont déroulés depuis ? Il était possible de placer ces territoires sous occupation militaire, comme l’autorisait le droit international, en y interdisant la moindre implantation civile. C’était la position du Premier ministre Levi Eshkol, qui entendait les garder comme monnaie d’échange contre une éventuelle reconnaissance d’Israël par ses voisins. Mais il a été impuissant à étouffer l’expression de plus en plus puissante de l’irrédentisme religieux. En effet, la conquête a ouvert grand la porte de la politique israélienne à un acteur jusque-là négligeable dans l’histoire du mouvement national juif : le sionisme messianique. Des jeunes issus des yeshivot(académies religieuses) du Parti national-religieux, formation traditionnellement modérée et partenaire docile des travaillistes au pouvoir, ont modifié l’ADN de ce parti. Activistes, voire révolutionnaires, remarquablement organisés et mus par une ferveur idéologique que leurs aînés ignoraient, ils se sont emparés de la direction de leur parti et en ont fait le fer de lance de la colonisation des Territoires. En face, les travaillistes, usés par le pouvoir, impressionnés malgré eux par l’énergie de ces nouveaux pionniers en lesquels ils n’étaient pas loin de voir le reflet de leur propre jeunesse militante, sensibles aussi à la poésie biblique de ce « retour » à un passé idéalisé, les ont laissé faire.

Deuxième acte. En mai 1977, les travaillistes sont chassés du pouvoir qu’ils ont exercé sans partage pendant quatre décennies, sur le Yishouv (la communauté juive préétatique en Palestine mandataire), puis sur l’État. Parvenue aux affaires, la droite nationaliste, adepte depuis toujours de « l’intégralité du Pays d’Israël », libère la colonisation des Territoires des restrictions que les Travaillistes lui imposaient tout de même. C’est désormais le grand, voire l’unique projet national.

De plus en plus, la religion investit le champ politique, en Israël par la montée en puissance du parti des colons et de leurs soutiens, en Palestine par la confessionnalisation de son mouvement national. Le Hamas, acronyme de « Mouvement de la résistance islamique », voit le jour en 1988, à la faveur de la première Intifada. Or, le Hamas n’est pas un mouvement de libération comme un autre. C’est un mouvement religieux, qui entend non pas créer un État-nation palestinien aux côtés de l’État d’Israël, mais un État régi par la shari’a, le droit musulman, à la place de l’État d’Israël. Fondamentalistes des deux côtés de la barricade partagent la même conception du pays comme terre sainte et inaliénable. Le travail de transformation d’un conflit national en une guerre de religion est bien entamé. Il ne fera que s’accélérer.

Troisième acte. Au cours des années 90 et au début de la décennie suivante, les tentatives de mettre fin au conflit lors de brefs passages au pouvoir des travaillistes, échouent l’une après l’autre. Le « processus d’Oslo » bute sur deux phénomènes parallèles : la colonisation côté israélien et le terrorisme côté palestinien, tous deux promus par une vision religieuse du conflit. Après l’assassinat d’Yitzhak Rabin par un Juif fanatique, c’est une vague d’attentats islamistes qui, en 1996, assure l’élection d’une courte tête de Binyamin Netanyahou contre Shimon Peres pour son premier mandat de premier ministre. Netanyahou est un nationaliste séculier, mais il se servira des religieux pour se maintenir au pouvoir. Eux se serviront de lui pour enterrer le « processus de paix ».

Quatrième acte. Depuis 2016, Netanyahou est embourbé dans une série d’affaires judiciaires qui risque de le mener en prison. À partir de ce moment, il obéira à une double préoccupation : traîner son procès en longueur autant que faire se peut, ce qu’il parvient à faire avec un succès certain, puisque de manœuvres dilatoires en prétextes de tous genres, au bout de plus de quatre ans de procédure le défilé des témoins de l’accusation vient seulement de se terminer, celui de la défense n’a pas encore commencé. Et s’accrocher au pouvoir coûte que coûte. Privé de majorité à la Knesset, il lance le pays dans une série de cinq élections en quatre ans, dont la dernière, en novembre 2022, lui assure une majorité confortable de soixante-quatre députés sur les cent-vingt que compte la Knesset. Seulement, ce n’est pas n’importe quelle majorité. Le sixième gouvernement Netanyahou est le plus droitier de l’histoire du pays. En font partie les nationalistes ultra de son propre parti, le Likoud, devenu sous sa férule, au terme d’une évolution semblable à celle dont a fait l’expérience le Parti républicain américain, une secte dévouée à sa personne ; les messianiques annexionnistes du parti Sionisme religieux ; les suprémacistes racistes de Puissance juive (sic) ; les deux formations ultraorthodoxes, le Shas séfarade et le Judaïsme unifié de la Torah ashkénaze ; plus, en prime, une chose minuscule dont le programme se réduit à la mise au ban de la société des minorités sexuelles. À tous il distribue des portefeuilles fantaisistes (Héritage, Missions nationales, Identité juive nationale, Patrimoine…) dotés de budgets généreux. Aux deux chefs de parti les plus importants, dont sa survie politique dépend désormais – Bezalel Smotrich de Sionisme religieux et Itamar Ben Gvir de Puissance juive – il donne les ministères clés des Finances pour le premier et de la Sécurité nationale pour le second. Smotrich se fait attribuer en outre un poste ministériel au sein du ministère de la Défense chargé des implantations, position stratégique qui lui permet d’œuvrer à la fois à l’extension de la colonisation, à la légalisation des implantations sauvages, illégales même en droit israélien, et à l’annexion administrative de la Cisjordanie. Ben Gvir, un voyou violent et un criminel récidiviste que l’armée avait refusé en son temps de recruter, est désormais responsable de la police dont il était naguère un habitué des chambres d’interrogatoire.

Ce quatrième acte est décisif, puisque c’est lui qui précipite l’orage qui menace. Les objectifs des uns et des autres ne coïncident pas nécessairement. Netanyahou veut échapper à la justice ; l’extrême droite messianique veut annexer la Cisjordanie, soumettre ses habitants ou les expulser ; les ultraorthodoxes entendent préserver leur autonomie, assurer le financement de leur institutions éducatives et graver dans le marbre de la loi l’exemption de leurs jeunes du service militaire. Mais tous sont unis autour d’un constat : leurs objectifs ne sauraient être pleinement atteints tant que l’État de droit restera debout. Il faut donc l’abattre, en exploitant une configuration politique exceptionnellement favorable pour modifier en profondeur l’équilibre des pouvoirs au profit de l’exécutif, et, à cet effet, mettre un terme à la fonction de la Cour suprême comme garante de l’État de droit. Ce fut l’objet de la « réforme judiciaire » présentée le 4 janvier à la Knesset par le ministre de la Justice Yariv Levin, un ultra du Likoud.

Le lundi 23 février 2023, la Knesset a voté en première lecture les deux premières lois du coup d’État constitutionnel concocté par le gouvernement Netanyahou. Présentés comme des amendements à la Loi fondamentale sur le pouvoir judiciaire, elles assurent, pour l’une, le contrôle absolu du gouvernement sur le Comité de nomination des juges, pour l’autre, l’interdiction à la Haute Cour de justice de censurer les lois votées par la Knesset. Ces deux textes, en attendant ceux qui doivent suivre, abolissent à eux seuls la séparation et l’équilibre des pouvoirs, sans lesquels il n’est pas de démocratie libérale. Ils annoncent un changement de régime.

C’est une crise sans précédent dans l’histoire de ce pays, qui n’en a pourtant pas été avare, un de ces moments de bascule qui séparent les annales d’un peuple entre un avant et un après, une révolution pour tout dire. Et, comme toute révolution, celle-ci prend les allures d’une guerre civile, pour l’heure latente, mais qui risque à tout moment de verser dans la violence. Deux camps se font face : d’un côté, le noyau dur de « bibistes » prêts à s’immoler par le feu sur l’autel du grand homme, ainsi que l’ensemble du camp religieux, divisé entre haredim(ultraorthodoxes) et nationaux-religieux, mais unis dans la haine de la « gauche » – terme insultant englobant des gens de droite, voire de la droite dure, mais coupables d’avoir failli au Lider Maximo – et de ses bastions supposés, les tribunaux, l’Université, la presse. De l’autre côté, toutes les forces vives de la nation, sans lesquelles elle ne saurait ni se défendre, ni produire, ni tenir son rang dans le monde. Mais voilà, les premiers sont au pouvoir, ont la rage au cœur et il leur semble qu’ils tiennent une chance unique de refaçonner le pays à leur image. La démocratie, pour eux, commence et se termine dans l’urne ; ils n’ont pas lu Rousseau, mais ils ont découvert tout seuls la loi d’airain de la volonté générale : ils sont majoritaires, donc ils ont raison. Ils auraient tort même s’ils étaient majoritaires, or ils ne le sont même pas. La coalition a obtenu aux élections de novembre moins de voix que ses adversaires, et seule l’imbécillité de ces derniers, incapables de s’unir et d’éviter ainsi la perte sèche d’au moins sept mandats, lui a assuré la pluralité des sièges au parlement. Par ailleurs, tous les sondages montrent qu’une forte majorité d’Israéliens rejettent leur coup judiciaire. Selon des enquêtes d’opinion récurrentes, les deux tiers des Israéliens pensent que la Haute Cour doit continuer à pouvoir censurer des textes législatifs incompatibles avec les Lois fondamentales, et s’opposent au changement de la méthode de sélection des juges. Plus significatif encore, de fortes minorités parmi les électeurs des partis qui forment la coalition se disent opposés aux « réformes ». Bref, contrairement à la propagande gouvernementale, le peuple d’Israël n’a pas voté pour « ça ».  

D’où l’émergence incroyablement rapide d’une opposition puissante et aussi déterminée d’aller jusqu’au bout que ses adversaires. Il ne s’agit pas de l’opposition parlementaire, faible et divisée. Mais de l’opposition nationale, dont l’unité et la ferveur idéologique, nées du désespoir, sont la grande nouveauté de l’hiver révolutionnaire issu de la tentative de coup d’État du gouvernement. Cette unité et cette ferveur idéologique étaient jusqu’ici l’apanage de la droite colonisatrice ; ce n’est plus le cas. Semaine après semaine, dix mois durant, des dizaines de milliers de manifestants descendent dans la rue au cri de de-mo-kra-tiya !, un phénomène sans précédent nulle part ailleurs dans son intensité et sa durée. La mer bleu-blanc qui les noie a une seule signification : le camp de la démocratie libérale s’est réapproprié le drapeau national, jusqu’ici monopolisé par la droite, voire la droite extrême.

Cette tentative de coup d’État judiciaire visant à régler la démocratie israélienne sur l’heure de Budapest ou d’Ankara et l’énorme réaction populaire qui s’en est suivie, ont déchiré le tissu social et mis à mal les corps constitués, armée et services de sécurité compris. En effet, pour une armée qui repose sur les réserves, l’adhésion des civils est essentielle. Cela est surtout vrai dans les corps d’élite, notamment l’aviation, les commandos et les renseignements. Ainsi, dans l’aviation, les réservistes ne font pas de périodes militaires normales, puisqu’ils sont tout le temps à pied d’œuvre. Les pilotes sont des civils, certes, mais ils s’entraînent au moins un jour par semaine, leurs capacités opérationnelles en dépendent. Toute la structure de l’instruction, dans leurs escadrons, dépend également des réservistes.  Et tout cela repose sur le volontariat. Or, des milliers de réservistes dans l’aviation et les autres unités d’élite ont publiquement déclaré que, si le coup d’État judiciaire se poursuivait, leur contrat avec l’État démocratique était rompu et ils allaient cesser de répondre à l’appel. Les généraux et les chefs des services de sécurité ont essayé de prévenir le premier ministre des effets que cette crise de confiance ne manquerait pas d’avoir sur l’état de préparation des forces armées ; celui-ci a refusé de les recevoir. Pis, quand, en mars 2023, le ministre de la Défense a annoncé qu’il allait prendre publiquement la parole pour dire la vérité au peuple, il a été brutalement limogé. Mettre à pied son propre ministre de la Défense parce qu’on ne voulait pas entendre ce qu’il avait à dire, et qu’on ne voulait pas que les gens l’entendent... Cette curieuse conception du pouvoir a été sanctionnée par une gigantesque manifestation spontanée, et Netanyahou a dû reculer.

Cependant, le drame apparemment sans fin de la « réforme judiciaire », qui visiblement absorbait toute l’énergie de la nation et affaiblissait ses capacités de défense, a convaincu le Hamas et ses alliés que le moment était propice pour un grand coup.

(La suite de ce texte sera publiée demain, mardi 30 juillet.)


A “tempestade perfeita” (2): o assalto do Hamas em Israel - Elie Barnavi (Telos.eu)

 Perfect storm (2)

July 30, 2024

Telos.eu

Le 7 octobre 2023, le Hamas lance ses hommes à l’assaut des communautés israéliennes du Néguev occidental, inflige à Israël le coup le plus terrible de son histoire, et au peuple juif le plus monstrueux pogrom depuis la Shoah. C’est un événement inédit, et d’abord par son ampleur : plus de 1500 victimes, dont 1200 civils, et 251 otages, on n’a jamais connu cela. On n’a jamais vu non plus une opération terroriste de cette envergure. Le Hamas a envoyé une troupe de plus de 2000 hommes : 1500 à 1600 combattants, auxquels se sont joints plusieurs centaines de civils qui ont participé aux massacres et aux pillages, soit une véritable petite armée. On a saisi des documents étonnants, distribués aux unités du Hamas et comportant des instructions précises, à savoir tuer le plus de juifs possibles et ramener des otages. Des plans détaillés, aussi, des communautés et des habitations attaquées – un effet pervers de l’accueil de milliers de travailleurs palestiniens en provenance de Gaza, dont certains ont servi d’espions.

On comprend que le monde ait été frappé de stupeur, car le monde non plus n’avait jamais vu une opération terroriste de cette envergure. On a comparé cet assaut avec le 11 septembre – mais, ramené à la taille de la population, c’est quinze 11-Septembre. On l’a comparé avec le Bataclan – mais c’est seize Bataclan. « Nous sommes tous Américains », proclamait l’éditorial de Jean-Marie Colombani dans Le Monde au lendemain du 11 septembre. Évidemment, nul n’a signé d’éditorial proclamant « Nous sommes tous Israéliens ». Mais enfin, ceux qui avaient des yeux pour voir et des oreilles pour entendre, ont compris qu’il se passait quelque chose d’exceptionnel, et ont réagi en conséquence. Les Israéliens ont donc bénéficié, d’emblée, au moins en Occident, de la compréhension et de la sympathie des gouvernements et des opinions publiques. Excepté les milieux islamistes et des poches d’extrême-gauche, la réaction a été dans l’ensemble à la mesure de ce qu’ils vivaient.

Autre élément important, et qui a, lui aussi, constitué un tournant : cela s’est passé sur le territoire souverain d’Israël, dans un pays conçu précisément pour que de tels événements ne puissent plus advenir. On a évoqué la « défaillance » de Kippour, mais la guerre du Kippour de 1973 était une guerre classique, un affrontement entre armées étatiques, et aucun civil n’a été massacré ; c’était une affaire de militaires. Cette fois, ce sont des civils qui ont payé le prix. Bref, quel que soit l’angle sous lequel on l’aborde, il s’agit d’une effroyable et radicale nouveauté.

Enfin, ce qui a aussi stupéfié les Israéliens, c’est l’impéritie de leur armée. Il était admis qu’Israël disposait de l’armée la plus puissante de la région, que ses services de renseignements comptaient parmi les meilleurs au monde, et qu’il s’était doté sur sa frontière avec la bande de Gaza d’une formidable barrière protectrice munie de senseurs ultrasensibles. Certes. Mais une armée n’est efficace que si se tient est sur ses gardes, les renseignements ne valent que s’ils sont correctement interprétés, et l’histoire militaire fourmille de barrages infranchissables qui ont pourtant été franchis. Or l’armée a failli, les services de sécurité ont failli et « l’armée du peuple », la vache sacrée de la nation, s’est montrée incapable d’honorer le contrat moral qui la liait à cette nation.

Que s’est-il donc passé ? On ne sait pas encore tout, mais on a déjà des éléments de réponse. D’abord, ce que les Grecs appelaient l’hubris, en l’occurrence, la confiance aveugle dans la supériorité militaire et technologique d’Israël. On a oublié que toute puissance est relative. C’est la grande leçon de Thomas Hobbes dans son Léviathan (1651) : dans l’état de nature, qui est largement celui de la région, nul n’est trop faible pour n’être point capable de tuer le plus fort. Ainsi, on a investi des milliards dans la clôture de séparation avec Gaza, et, convaincus qu’on était désormais protégé, on a négligé les signaux d’alarme. On a méprisé l’adversaire, qui s’est avéré capable de monter une opération complexe, de la préparer une année durant et de la garder secrète jusqu’au bout. Enfin, à l’exception de troupes éparses se prélassant (c’était jour de fête) dans des camps mal gardés, l’armée israélienne n’était simplement pas là. Résultat : pendant des heures, le Hamas a pu agir pratiquement en toute liberté, ayant préalablement détruit les caméras de surveillance de la clôture, et ne trouvant en face de lui que les unités de protection des communautés prises d’assaut, composées de civils sommairement armés, ainsi que des réservistes accourus, avec leur arme personnelle, à l’appel désespéré des assiégés.

Ensuite, la conviction largement répandue que les Palestiniens ont disparu des radars du monde en général et du monde arabo-musulman en particulier. Netanyahou, croyait-on, était en train de gagner son pari : apaiser les relations de l’État juif avec les Arabes, tout en mettant le problème palestinien sous le boisseau. Les Accords d’Abraham de septembre-décembre 2020 avec les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Soudan et le Maroc, étaient censés en constituer la preuve, tout comme le processus de normalisation en cours avec l’Arabie saoudite. Ceux qui rappelaient que le peuple palestinien était toujours là, que le feu couvait sous la cendre et qu’un jour il allait s’embraser, s’attiraient les regards apitoyés des gens sérieux. À la question de savoir où était l’armée le 7 octobre, la réponse est qu’elle était en Cisjordanie, occupée à défendre les colonies. Et que l’armée de défense d’Israël est devenue, au fil des ans, une force de police dans les Territoires occupés.

Enfin, la conception selon laquelle le Hamas, loin d’être une menace, était plutôt un atout pour Israël. C’était le cœur de la stratégie palestinienne de Binyamin Netanyahou. Un coup d’œil sur la fiche signalétique du Hamas suffit à montrer l’inanité de cette politique.

Le Mouvement de résistance islamique a été fondé par un prédicateur, cheikh Ahmed Yassin, dans la foulée de la première intifada de 1987. C’est une branche des Frères musulmans, ce mouvement fondamentaliste créé en Égypte en 1928 et qui a essaimé depuis à travers le mode sunnite. Axé à l’origine sur le prêche, l’éducation et la bienfaisance, il a rapidement muté et s’est donné des structures quasi militaires. Au début, Israël l’a regardé d’un œil plutôt bienveillant, en se disant, comme l’armée française en Algérie, qu’il valait mieux les religieux que les nationalistes : on les contrôle mieux, ils s’occupent de leurs œuvres de bienfaisance et de leurs mosquées… Avant de se rendre compte que ce n’était pas du tout le cas. En effet, le Hamas a rapidement évolué en un mouvement politique et militaire et s’est doté d’une charte. Un document d’un antisémitisme délirant, où les juifs sont accusés de tout ce qui est arrivé de mal dans l’histoire de l’humanité, Révolution française comprise ! Mais ce qu’il faut surtout retenir de cette charte, et qui reste valable malgré une tentative de maquillage à la fin des années 1990, c’est un principe fondamental : la terre de Palestine est un waqf, c’est-à-dire un bien religieux musulman inaliénable. Aussi bien, la présence des juifs sur cette terre est illégitime, et il faut donc la débarrasser de toute présence juive quelle qu’elle soit, et à plus forte raison de cette aberration qu’est un État juif. De manière significative, dans les proclamations du Hamas, les habitants des kibboutzim frontaliers sont appelés « colons ». Tout juif habitant sur cette terre, où qu’il soit, est un colon, c’est-à-dire une cible militaire légitime, puisque les militaires le sont par définition et que ceux qui ne sont pas militaires l’ont été ou le seront : nous sommes tous, hommes, femmes, enfants et nourrissons, logés à la même enseigne. Comme on l’a vu plus haut, l’idéologie du Hamas n’est pas une affaire nationale ; c’est un credo éradicateur. C’est la différence entre le Hamas et l’OLP, qui était et reste un mouvement national, et avec lequel on peut, à la longue, aboutir à un compromis. Mais il n’y a pas de compromis possible avec le Hamas : on ne transige pas sur un bien appartenant à Dieu et que ses fidèles ont reçu en héritage. L’extrême-droite religieuse en Israël ne dit pas autre chose.

En 2005, le Premier ministre à l’époque, Ariel Sharon, décide de vider la bande de Gaza de toute présence israélienne, militaire et civile. Il le fait unilatéralement, sans coordonner le retrait avec une Autorité palestinienne qu’il méprise et dont il se méfie. Que vont faire les Palestiniens de cette bande de terre ? Ils peuvent, en principe, y développer des structures étatiques et économiques et en faire une espèce de vitrine de l’État palestinien à venir. Ce n’est pas ce qui se passe. Les deux frères ennemis, le Hamas et l’Autorité palestinienne, se disputent le bout de territoire. En 2006, il y a des élections municipales et législatives, que le Fatah, le parti dominant de l’AP, perd ; mais le Hamas veut les pleins pouvoirs. Il les aura au bout d’une brève mais violente guerre civile qui se termine par l’expulsion du Fatah. Aussitôt, Gaza se transforme en rampe de lancement de roquettes contre Israël. C’est à ce moment-là qu’Israël, imité par l’Égypte, impose un véritable blocus, et que s’enclenche une série ininterrompue d’attaques du Hamas et de ripostes israéliennes. Une sorte d’équilibre de la terreur s’installe ainsi, où les deux parties trouvent leur compte. Le Hamas émerge comme le seul « mouvement de résistance » efficace ; n’a-t-il pas réussi par la force là où l’Autorité palestinienne a échoué par la négociation ? Israël, lui, compte sur le Hamas, qu’il veut assez faible pour ne pas trop le mettre en danger et assez fort pour qu’il se maintienne au pouvoir, pour faire pièce à l’Autorité palestinienne. La logique est simple.  En maintenant séparées les deux entités palestiniennes, Gaza et Ramallah, et en ménageant le Hamas au détriment de l’Autorité, on écarte toute possibilité d’un État palestinien. Avec qui négocier ? Avec l’Autorité palestinienne qui ne représente qu’une moitié de son peuple ? Avec le Hamas, qui entend détruire Israël ? Netanyahou l’a dit très clairement à plusieurs reprises : ceux qui veulent empêcher la création d’un État palestinien doivent donner de l’argent au Hamas. Et en effet, les deux tiers du budget du Hamas, à savoir l’argent qatari et celui de l’Autorité palestinienne, transitent par des comptes bancaires qui opèrent avec l’assentiment d’Israël (seul échappe à la surveillance d’Israël le tiers qu’assure au mouvement islamiste les taxes qu’il impose à la population). On a maintenu cette politique autant qu’on a pu, en dosant autant qu’on a pu l’action militaire, et en ne prenant jamais la décision d’« en finir avec le Hamas ». En finir avec le Hamas, cela supposait de faire quelque chose de significatif avec l’Autorité palestinienne. Or, c’est précisément ce dont on ne voulait pas entendre parler. C’est cette politique qui a conduit à la tragédie du 7 octobre. Netanyahou le savait depuis longtemps : le Hamas est un voisin avec lequel Israël ne pouvait pas coexister à la longue. Mais, malgré ses proclamations martiales, il a choisi en toute connaissance de cause de ne rien faire.

Cela dit, l’attitude des Israéliens membres du camp de la paix n’était pas non plus exempte d’ambiguïté. Il y avait en gros deux écoles. L’une assurait qu’il fallait « parler avec le Hamas ». L’organisation, disait-on, avait montré qu’elle pouvait faire preuve d’un certain pragmatisme et elle était susceptible d’évoluer, tout comme l’avait fait l’OLP. L’autre considérait qu’il était illusoire de chercher à parler avec le Hamas. Étant ce qu’il est, il ne pouvait pas plus changer que nos propres fondamentalistes. Détruire Israël a toujours été et reste sa raison d’être. Les événements ont prouvé que, malheureusement, c’est cette école qui avait raison.

Au moment où j’écris ces lignes (mi-juillet), alors que la guerre de Gaza est entrée dans son dixième mois, la fin n’est toujours pas en vue. Une armée qui a toujours défait en une poignée de jours des coalitions puissantes est incapable de venir à bout d’une milice terroriste. Le constat est brutal : Israël est en train de perdre cette guerre. Il suffit pour s’en convaincre de mesurer les résultats à l’aune des objectifs. Il s’agissait de détruire le Hamas, de récupérer les otages et de permettre aux dizaines de milliers d’évacués des localités martyrisées de l’« enveloppe de Gaza » de rentrer chez eux. Aucun n’a été atteint. La « victoire totale » que ne cesse de promettre le premier ministre est illusoire – « de la poudre aux yeux de l’opinion », a osé dire à la télévision publique le porte-parole de l’armée. En effet, détruire le Hamas n’est possible que si l’on met en place une solution de remplacement réaliste, qui ne saurait être que l’Autorité palestinienne soutenue par une coalition arabe avec la coopération américaine et européenne. Or c’est précisément ce dont Binyamin Netanyahou et sa coalition de jusqu’au-boutistes messianiques ne veulent pas entendre parler.

Est-ce à dire que, si Israël a perdu la guerre, le Hamas est en train de la gagner ? Rappelons cette loi d’airain des conflits asymétriques : il suffit au fort de ne pas avoir annihiler l’adversaire pour perdre, au faible de ne pas disparaître pour gagner. En vertu de cette règle, oui, le Hamas est en train de gagner la guerre. Dans le nord et le centre du territoire, là où Tsahal est censé l’avoir éliminé, des escouades terroristes émergent toujours des tunnels pour harceler ses forces, les sirènes retentissent encore dans les localités israéliennes frontalières, et il maintient un semblant de gouvernance partout où l’armée s’est retirée.

Dépourvue de logique militaire, la poursuite de la guerre a sa logique politique. La composante messianique de la coalition au pouvoir veut la guerre à outrance. Elle est la seule à savoir ce qu’elle veut, et le fait savoir : réoccuper la bande de Gaza et y renouveler la colonisation. Voilà pourquoi elle ne veut pas d’un accord sur les otages, lequel mettrait fin aux opérations militaires et sonnerait le glas de ses ambitions. En Cisjordanie, elle multiplie les violences contre les Palestiniens afin de les pousser hors de leurs terres et provoquer à terme une troisième et dernière Intifada dont l’écrasement viderait le territoire de leur présence et en permettrait enfin l’annexion. Ce ne sont pas là des hypothèses d’observateurs mal disposés à son égard ; c’est un programme politique ouvertement affiché. À cet effet, un vaste plan en trois points est en train de se matérialiser sous nos yeux sous la férule de Bezalel Smotrich, ministre en charge de la Cisjordanie : légalisation des colonies sauvages ; requalification de vastes morceaux de territoire en « terres domaniales » sujettes à colonisation ; construction accélérée d’implantations nouvelles, souvent, mais pas toujours, masquées en quartiers neufs de colonies existantes.

Netanyahou, qui, on l’a vu, dépend de ces partis pour sa survie politique, laisse faire. Les Américains s’énervent, mais pour l’heure ils ne vont pas au-delà d’admonestations et de gestes symboliques, pour l’essentiel des sanctions imposées aux colons coupables de violences particulièrement graves à l’encontre de la population palestinienne. Il en faudrait évidemment bien davantage pour faire pencher la balance de la peur en leur faveur. Tant que Netanyahou estimera qu’il a plus à perdre en confrontant le parti des colons que l’administration Biden, il continuera de naviguer à vue en gardant le cap de sa coalition, et en essayant de survivre jusqu’en novembre prochain, lorsque l’élection présidentielle aux États-Unis, espère-t-il, ramènera Donald Trump à la Maison Blanche.

Alors comment sort-on de l’œil du cyclone ? En arrêtant la guerre de Gaza. Car tous les fronts que nous énumérions tantôt y trouvent leur origine immédiate et leur éventuelle solution. Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a déclaré à plusieurs reprises qu’il déposerait les armes dès l’annonce d’un cessez-le-feu là-bas. La cessation des hostilités de part et d’autre de la Ligne bleue devrait ouvrir la voie à un règlement du contentieux frontalier avec le Liban et à la mise en œuvre de la résolution 1701 du Conseil de sécurité adoptée dans la foulée de la deuxième guerre israélo-libanaise de 2006. Le prétexte des Houthis pour harceler la navigation en mer Rouge est aussi la guerre de Gaza, de même que celui des milices terroristes de Syrie et d’Irak. Et, outre calmer tous ces foyers de tension, la fin de la plus longue guerre de l’histoire d’Israël donnerait aussi un coup d’arrêt à l’érosion de ses positions internationales.

Arrêter la guerre à Gaza serait donc une affaire de bon sens, militaire, humanitaire et diplomatique. La campagne de Rafah, le dernier bastion du Hamas dans le territoire, est sur le point de s’achever. Les généraux veulent savoir, et ils le proclament désormais publiquement, ce qu’ils sont censés faire le lendemain. Netanyahou se garde bien de le leur dire. Un cessez-le-feu à Gaza est aussi le seul moyen de sauver la cinquantaine d’otages encore en vie sur les cent-vingt qui croupissent toujours dans les tunnels du Hamas, et de permettre le retour des dizaines de milliers de réfugiés dans leurs communautés ravagées du Néguev et de Galilée.

Un cessez-le-feu à Gaza permettrait enfin une normalisation rapide des relations d’Israël avec l’Arabie saoudite, qui ne demande pas mieux, et, à terme, ouvrirait la perspective véritablement révolutionnaire dessinée par Joe Biden d’une vaste alliance régionale anti-iranienne sous l’égide de Washington. Cette alliance suppose naturellement l’amorce d’un processus diplomatique renouvelé entre Israël et l’Autorité palestinienne « revitalisée » que le président américain appelait naguère de ces vœux.

Peut-être, après tout, la vision de ce « nouveau Proche-Orient » que nous faisait miroiter en son temps Shimon Peres n’est-elle pas si absurdement optimiste que cela. Mais elle restera à l’état de mirage tant que Binyamin Netanyahou et ses amis s’accrocheront au pouvoir à Jérusalem.