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quinta-feira, 4 de novembro de 2021

Ah, esse “liberalismo colbertista” francês - Alexis Karklins-Marchay

 Les Echos, Paris – 4.11.2021

Zemmour, cet antilibéral qui feint de l'ignorer

Dans cette lettre ouverte à Eric Zemmour, l'essayiste Alexis Karklins-Marchay revient sur le libéralisme économique auquel le polémiste dit adhérer. En réalité, les écrits d'Eric Zemmour et ses prises de position passées montrent sa méfiance et son hostilité à un courant libéral qu'il n'a cessé de dénoncer.

Alexis Karklins-Marchay

 

 

Monsieur Zemmour,

Votre progression impressionnante dans les sondages ne laisse personne indifférent. Malgré les polémiques soulevées par vos prises de position, c'est un fait : vos idées rencontrent un véritable écho auprès de nombreux électeurs. Cela vous oblige désormais à avancer sur d'autres thèmes que le « grand remplacement » ou l'identité.

Sur l'économie, vos récents discours sur le travail, la fiscalité et les finances publiques vous ont immédiatement classé dans la catégorie « libérale », vous-même indiquant lors d'une interview que ce qualificatif ne vous gêne pas. Par transparence vis-à-vis de ceux qui seraient tentés de voter pour vous, en particulier dans le monde de l'entreprise, il semble indispensable de comprendre votre propre logique. Car, de la même façon que l'hirondelle aristotélicienne ne fait pas le printemps, l'annonce d'une baisse d'impôt ne saurait faire le libéral.

Vos derniers livres et vos déclarations démontrent que vous êtes en réalité un contempteur infatigable du libéralisme. Vous détestez le libéralisme qui fut, dites-vous, adopté par François Mitterrand et les élites françaises en 1983. Vous attaquez avec virulence « les apôtres du marché » et les tenants de la « modernité libérale ». Vous regrettez que la droite ait repris « les thèses libérales européistes » et moquez les technocrates qui défendent les « stricts équilibres budgétaires ».

Pour vous, la France serait victime de « l'alliance entre marché et progressisme, entre libéraux et libertaires ». Vous critiquez sans relâche le « libre-échange mondialisé » dont la « logique imparable détruit les peuples, les emplois, au profit d'une infime minorité qui s'enrichit ». Malheureusement, parfois, au mépris des faits historiques…

Conscient de devoir rassurer les entrepreneurs, vous évoquez bien sûr « l'enfer fiscal » et, suivant le mot de Georges Pompidou, vous souhaitez « qu'on cesse d'emmerder les Français ». Vous reconnaissez également le niveau vertigineux de nos prélèvements obligatoires et de nos dépenses publiques.

Mais plutôt que d'en tirer les conséquences sur la nécessité de réformer l'Etat pour le rendre plus efficace, vous rejetez la faute sur l'immigration, stigmatisez les défenseurs du « moins d'Etat », dénoncez la « main invisible » d'Adam Smith et les thèses de Milton Friedman. Vous soutenez même que le libéralisme serait responsable de la bureaucratisation française depuis quarante ans !

Relire Boisguilbert

Comme l'immense majorité des politiques français, de droite comme de gauche, vous affirmez « je suis colbertiste ». Au regard de votre indéniable culture et de votre passion pour notre civilisation, vous ne pouvez néanmoins ignorer que le protectionnisme mis en place par le contrôleur des finances de Louis XIV fut bien plus préjudiciable que la liberté du commerce pratiquée par la Hollande. Plutôt que Colbert, n'est-ce pas Boisguilbert, l'ami de Vauban et le premier des libéraux français, qu'il conviendrait de relire, surtout ses analyses sur les causes de la misère au temps du Roi-Soleil ?

Pourquoi faire l'impasse sur les enseignements de Turgot, Say, Dunoyer ou Bastiat ? Comment célébrer les succès économiques de Charles de Gaulle sans rappeler que ces derniers ont été rendus possibles grâce à l'adoption des réformes libérales proposées en 1958 par l'économiste Jacques Rueff ?

Je ne résiste pas, pour terminer, à partager avec vous deux citations de Balzac, cet authentique génie français que nous aimons tant : « Tout gouvernement qui se mêle du commerce et ne le laisse pas libre entreprend une coûteuse sottise » ; « En fait de commerce, encouragement ne signifie pas protection […]. L'industrie ne peut être sauvée que par elle-même, la concurrence est sa vie. Protégée, elle s'endort ; elle meurt par le monopole comme sous le tarif. » Et si, plutôt qu'une énième déclinaison de « plus d'Etat », la France essayait la liberté ?

 

Alexis Karklins-Marchay, essayiste, est l'auteur d'« Histoire impertinente de la pensée économique », 2016, et de « Notre monde selon Balzac », 2021 (Ellipses).

domingo, 9 de maio de 2021

História do pensamento econômico - Alexis Karklins-Marchay

  


O economista e historiador Alexis Karklins-Marchay, autor de uma obra de história econômica chamada Histoire impertinente de la pensée économique : D’Aristote à Jean Tirole (2016), publicou uma série de 24 tuites ilustrados para chamar a atenção para os verdadeiros criadores do pensamento econômico no século XVI, os religiosos da Universidade de Salamanca, cujo texto – à exclusão das belas imagens – tenho o prazer de transcrever abaixo.


https://twitter.com/alexiskarklins (8/05/2021)



1/ La pensée économique moderne n’est pas née dans le monde anglo-saxon aux XVIIIe-XIX siècles avec Adam Smith et David Ricardo, mais au XVIe siècle avec des théologiens issus de la prestigieuse université espagnole de Salamanque. 

 

2/ Ce fait, largement ignoré pendant des siècles et encore méconnu, a heureusement été révélé au XXe siècle, notamment grâce à Joseph Schumpeter dans sa monumentale Histoire de l’analyse économique (1954).

 

3/ Les théologiens de Salamanque se sont intéressés à de nombreux sujets en rapport avec la guerre et l’économie. S’il n’y pas d’homogénéité entre tous les auteurs, leur cheminement et leurs conclusions constituent un maillon essentiel de l’évolution de la pensée occidentale.

 

4/ Si au départ, ils se fondent sur les écrits bibliques et sur la philosophie de Thomas d’Aquin, leurs analyses dépassent tout ce qui avait pu été écrit avant eux. Le libéralisme aussi bien politique qu’économique se développe à Salamanque.

 

5/ Les théologiens reformulent en premier lieu la théorie du droit naturel en affirmant qu’il existe des lois naturelles valables pour chaque être humain. Ils concluent que tous les hommes sont égaux et ont les mêmes droits.

 

6/ Ils s’élèvent ainsi contre les préjugés et les conceptions de leur temps à l’encontre des Indiens massacrés par les conquérants espagnols et portugais. Ils s’interrogent en parallèle sur la légitimité elle-même de la conquête.

 

7/ Francisco de Vitoria (1480-1546), considéré comme l’inventeur du droit international, nie par exemple la validité des bulles papales relatives à la possession des terres découvertes sur le continent américain.

 

8/ Comme les Indiens occupaient les terres avant l’arrivée des Espagnols, ces derniers ne peuvent en devenir propriétaires de droit juste en les conquérant et en détruisant les populations autochtones.

 

9/ Les théologiens de Salamanque ont engagé des réflexions sur les fondements de la souveraineté. Etablissant une distinction centrale entre pouvoir naturel et pouvoir spirituel, ils rejettent l’autorité politique de l’Eglise ainsi que l’absolutisme.

 

10/ Selon Luis de Molina (1535-1600), le pouvoir d'une nation résiderait dans les mains de chacun des administrés. Seul le peuple est souverain et peut déléguer l’autorité politique à un ou à quelques hommes.

 

11/ Francisco Suarez (1548-1617) considère que la forme de gouvernement la plus naturelle est la démocratie, la monarchie ou l’oligarchie n’étant acceptables que si elles sont choisies et consenties par le peuple.

 

12/ En matière économique, Salamanque est le véritable berceau de la réflexion économique. Pour la première fois dans l’histoire, un groupe de penseurs façonne un véritable corpus d’analyses sur les thématiques centrales de l’économie.

 

13/ Francisco de Vitoria, interrogé par des marchands d’Anvers, conclut que le commerce est légitime, qu’il permet aux hommes de se rencontrer et qu’il contribue à la richesse de la communauté.

 

14/ Diego de Covarrubias (1512-1577) réaffirme la vision thomiste selon laquelle la propriété privée stimule l’activité économique. Luis de Molina rappelle lui que les biens sont mieux entretenus par un propriétaire privé que lorsqu’ils sont une propriété commune.

 

15/ Juan de Mariana (1536-1624) insiste sur le fait que l’interventionnisme du prince conduit à déstabiliser les conditions économiques : "Il est préférable de laisser ces conditions comme elles sont que de chercher à les modifier de force au détriment du plus grand nombre".

 

16/ Mariana explique que l’impôt étant une appropriation d’une partie de la richesse d’un sujet, il faut avoir le consentement du peuple avant de le prélever. Il condamne également toutes formes déguisées d’imposition (monopoles d’Etat, manipulation des cours des monnaies).

 

17/ Martin d’Azpilcueta (1491-1586) établit les bases de la théorie quantitative de la monnaie. Si l’Espagne veut combattre l’inflation, le budget royal doit être équilibré : "il n’y a aucun royaume au monde où il y a autant de prix, de commissions, de pensions, de postes".

 

18/ Diego Covarrubias et Luis de Molina fondent la théorie subjective de la valeur, théorie selon laquelle la valeur d’un bien ne dépend pas de la quantité de travail nécessaire à sa production mais de l'utilité de ce bien pour un acheteur.

 

19/ Luis Sarabia de la Calle affirme dans un traité rédigé en castillan "Instruccion de mercarderes" (Instruction pour les marchands) que "ceux qui mesurent le juste prix par le travail, les coûts et le risque d’un bien sont totalement dans l’erreur"

 

20/ Les théologiens de Salamanque s’affranchissent enfin de la vision scolastique réaffirmée lors du 2e concile de Latran (1139) selon laquelle toute forme d’intérêt sur un prêt serait illégitime. Les penseurs espagnols trouvent au contraire plusieurs raisons pour le justifier.

 

21/ Celui qui reçoit le prêt peut lui-même faire un profit. Il est donc juste qu’une partie de ce profit soit partagée avec celui qui a consenti les fonds. D'autre part, l’intérêt est légitime puisqu’il correspond à la prime de risque pour le prêteur.

 

22/ Enfin, selon Martin d’Azpilcueta, l’intérêt correspond à une renonciation à court terme. Il est moralement acceptable de prêter avec un intérêt à un emprunteur, cet intérêt compensant le manque à gagner pour le prêteur pour tout le temps où il se prive de l'argent,

 

23/ L’Ecole de Salamanque est véritablement "révolutionnaire" car non seulement, elle montre que le marché et la liberté sont plus efficaces d’un point de vue économique mais qu’ils sont également moralement justes.

 

24/ Il est temps de redécouvrir ces théologiens espagnols qui posèrent les fondements du libéralisme, philosophie politique et économique appelée à connaître un grand succès dans les siècles suivants.

 

FIN