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sexta-feira, 30 de dezembro de 2011

Internacionalizacao do yuan: gradual, mas segura (Le Monde)


Du Japon au Soudan, la Chine développe l'utilisation du yuan dans le commerce

LEMONDE | 29.12.11 | 14h47   •  Mis à jour le 29.12.11 | 17h44


SHANGHAÏ (CHINE) CORRESPONDANCE - La Chine accélère l'internationalisation du yuan. Pékin a reçu, mercredi 28 décembre, une demande du Soudan, dont elle est le premier partenaire commercial, afin d'utiliser leurs monnaies respectives dans leurs échanges. Si les Chinois l'acceptent, "nous pourrions abandonner le dollar", a déclaré le gouverneur de la banque centrale soudanaise, selon l'AFP.

Depuis 2009, la Chine a déjà signé des accords de "swap", c'est-à-dire de compensation directe sur des montants plafonnés, avec de multiples banques centrales, surtout en Asie mais aussi avec l'Argentine ou la Nouvelle-Zélande. En décembre, de tels accords ont été conclus avec le Pakistan et la Thaïlande, permettant à leurs commerçants d'obtenir des yuans pour leurs transactions avec le premier exportateur mondial.
Une nouvelle étape a été franchie le 25 décembre, lorsque la Chine a signé avec le Japon un pacte prévoyant l'utilisation directe du yuan et du yen entre les deuxième et troisième économies mondiales, afin de "réduire le risque de change et les coûts de transaction", selon Pékin. Aucun calendrier n'est établi et les détails restent àdéfinir, mais cette étape est la dernière d'une "série progressive de signes montrant que Pékin est déterminé à développer un jour le yuan en tant que monnaie de réserve alternative viable", note Donna Kwok, économiste de la HSBC.
Le Japon s'est engagé au même moment à investir jusqu'à 10 milliards de dollars (7,7 milliards d'euros) de ses réserves dans le yuan. Malgré le montant limité au regard des colossales réserves de change des deux économies, c'est un coup de pouce au statut du yuan comme monnaie de réserve, le Japon étant le premier Etat du G8 à effectuer un placement dans des bons en yuans. "La Chine va poursuivrele processus d'internationalisation du yuan en 2012 malgré les incertitudes à l'international", prédit Mme Kwok.
MONNAIE DE RÉSERVE ALTERNATIVE
Pour Pékin, il est important de contribuer à l'émergence d'une monnaie de réserve alternative pour briser l'exposition aux politiques monétaires américaines. Mais une telle devise de stature internationale doit par nature être librement convertible, ce qui n'est pas le cas du yuan. Soucieuse de conserver un contrôle déterminant pour ses exportations, la Chine n'a pas suivi la méthode orthodoxe consistant àlibéraliser d'abord les taux de change : la Banque populaire de Chine ne tolère qu'un flottement de 0,5 % par rapport au taux-pivot qu'elle établit chaque jour pour le yuan. Elle n'a pas non plus levé les barrières aux flux de capitaux. "La Chine pourrait être le seul exemple d'un pays poussant sciemment l'internationalisation de sa monnaie tout en maintenant les contrôles de capitaux", relevait en novembreStephen Green, chef économiste de Standard Chartered en Chine.
D'où la vive curiosité sur cette internationalisation hybride. Au coeur de ces évolutions : Hongkong, où Pékin a laissé pousser au cours des dix-sept derniers mois un marché en yuan hors de ses frontières monétaires. La contrepartie est que les yuans positionnés à l'extérieur de la forteresse n'échappent pas au vent de marchés changeants. Ainsi, à la fin septembre, les yuans offshore furent-ils vendus massivement, aux côtés des autres devises asiatiques. Si les deux taux ne se séparèrent jamais de plus de 3 %, s'envola la présomption selon laquelle le yuan de Hongkong suit naturellement celui de Chine continentale.
Or le contexte actuel tendu pousse plutôt Pékin à se méfier d'un afflux de capitaux étrangers en quête de sécurité ou de spéculation en cas d'ouverture. "La Chine entend profiter des bénéfices attenants à une devise internationale mais la dernière chose qu'elle souhaite est une fusion du réacteur causée par une libéralisation mal évaluée des marchés financiers, dit Ren Xianfang, analyste d'IHS Global Insight.L'internationalisation restera donc largement limitée au compte commercial avec uniquement des tests limités sur le compte financier."
La prochaine étape dans l'ouverture sera de savoir comment recycler les yuans de Hongkong en Chine. "Tout dépend de la vitesse à laquelle s'ouvrira le compte de capital, résume Kelvin Lau, économiste de Standard Chartered. Mais avec le temps, et la levée des barrières, il va y avoir une convergence graduelle. Nous parlons là de nombreuses années."
Harold Thibault

Le génocide arménien : l'extermination (3/3) - Vincent Duclert, Le Monde


Le génocide arménien : le négationnisme d'Etat turc (3/3)

LEMONDE.FR | 29.12.11 | 17h14   •  Mis à jour le 29.12.11 | 17h30
Comment la recherche sur le génocide arménien avance-t-elle, malgré tout, en Turquie ?
Il y a une élite intellectuelle de très grande qualité, qui a compris qu'il y avait undevoir à la fois scientifique et civique de se saisir du refoulé, d'envisager les questions interdites : le génocide arménien, la nature de l'Etat kémaliste, présenté en Turquie comme le modèle indépassable alors qu'il s'apparente aussi à des formes de dictature, la guerre contre les Kurdes, la situation de l'"Etat profond", lepouvoir militaire, les réseaux religieux…
Ils veulent ouvrir ces dossiers, et sont prêts à prendre des risques considérables : Taner Akçam a été emprisonné, avant de devoir s'exiler ; Hrant Dink, qui lui aussi a mené un travail très important avec sa revue bilingue arméno-turque, a été assassiné en 2007 dans un contexte de chasse à l'homme. Hrant Dink a été visé parce que ses travaux tendaient à rappeler combien la société turque est en réalité mélangée, complexe, et que c'est la prise en compte de ce tissage – souvent tragique – qui permettrait de faire la paix avec le passé et de préparer l'avenir. Et puis il n'y a pas que les problèmes ethniques et religieux, il y a la place du genre, des femmes, des homosexuels…
Pour le gouvernement turc, le fait que des universitaires se décident à étudier ces pans du passé constitue une menace pour l'intégrité de la nation, pour la mémoire de Mustafa Kemal. Ils ne peuvent plus incriminer un complot de l'étranger, même s'ils essaient par tous les moyens de discréditer ces recherches et d'imposer le silence aux chercheurs, y compris en recourant à l'emprisonnement et aux procès arbitraires. Il est certain que le vote de la loi va rendre encore plus difficile leur travail en les faisant passer, encore davantage, pour des ennemis intérieurs.
Comment les intellectuels turcs peuvent-ils se tirer du piège dans lequel la loi votée par l'Assemblée française le 22 décembre les place : soutenir la loi, au risque de passer pour ennemis de la nation, ou la rejeter, au risque de devoirs'allier à ceux qui nient le génocide ?
Lorsqu'il y avait eu la première tentative française de pénalisation de la négation du génocide, en 2006, Hrant Dink et d'autres intellectuels démocrates avaient protesté contre une loi qui menacerait leurs recherches. En 2011, certains, notamment les membres de l'association des droits de l'homme turque, ont souligné que le plus important est de combattre le négationnisme.
Ils soulignent la vacuité des arguments officiels, notamment lorsque le pouvoiraffirme que cette loi française est contraire à la liberté d'expression : en Turquie, la liberté d'expression sur ces sujets-là n'existe pas.
Tout de même, il est possible aujourd'hui, en Turquie, d'affirmer qu'il y a eu un génocide…
Le nouveau pouvoir dit "islamiste modéré" a créé l'illusion, à partir de 2002, qu'il était porteur d'une vraie démocratisation. Il y a eu des évolutions, indéniables, sur le plan de la liberté d'expression, surtout sur les sujets mettant en cause le régime kémaliste. Mais lorsqu'ils s'intéressent aux liens entre le gouvernement et les religieux, les journalistes sont aussitôt emprisonnés.
Cette relative démocratisation a permis des avancées comme l'édition et la traduction d'ouvrages, ou l'organisation de colloques sur les événements génocidaires de la Première Guerre mondiale, ou sur les massacres d'Adana de 1909. Mais depuis la fin 2009, il y a eu un raidissement considérable. Les intellectuels et historiens qui travaillent sur le passé vivent sous la menace permanente d'arrestations et de procès. C'est dans ce contexte, et pour soutenirces chercheurs, que nous avons créé, à Paris, un groupe international de travail (GIT) "Liberté de recherche et d'enseignement en Turquie". Plusieurs branches sont déjà créées ou en cours de fondation, en France, aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, et en Turquie même, bien sûr. Il s'agit de déployer la recherche sur la recherche, et de mettre sous surveillance les pouvoirs qui terrorisent les chercheurs.
Comment les intellectuels turcs ressentent-ils que ce soit la France qui se penche, par la loi, sur leur passé ?
La vérité historique ne nécessite pas une loi pour se fonder. C'est même un risque d'affaiblissement. Mais il faut considérer l'importance de l'offensive négationniste. Ce que veulent les autorités turques, ce sont des commissions constituées uniquement d'historiens turs et arméniens. Or l'Arménie a tant besoin de la Turquie que cela ne peut être qu'un marché de dupes. Il faudrait des commissions plus larges : cette question dépasse du reste le cadre historiographique des deux pays.
Reste que même une loi pleine de bons sentiments amène un encadrement de la recherche, donc son affaiblissement, alors même que les travaux sur le génocide arménien demeurent insuffisants. La demande légitime des Arméniens de lire et deretrouver leur histoire est paradoxalement menacée. L'histoire du génocide arménien reste sous-dimensionnée. Il n'y a pas de chaire sur ces questions, d'étude d'histoire comparée sur les génocides, les publications sont peu nombreuses, les maisons d'édition fragiles. Des ouvrages majeurs sur les génocides – incluant le premier des génocides comme A Problem from Hell. America and the Age of Genocide de la politiste d'Harvard Samantha Power (2002) – ne sont toujours pas accessibles en langue française…
Même si cette loi peut se comprendre, elle aura des effets dangereux sur la recherche en Turquie et en France. D'autant que le jusqu'au-boutisme des associations, déjà puissant à l'époque des affaires Bernard Lewis et Gilles Veinstein, risque d'amener les chercheurs à se désengager de ce terrain. Il y a un vrai risque pour la recherche indépendante. La loi vise à défendre la vérité historique, mais elle en sape les bases théoriques et morales.
Mais si on ne peut pas faire de lois, comment lutter contre le négationnisme ?
La vraie solution, c'est de développer la recherche. Si un pouvoir politique veutlutter contre le négationnisme, il peut créer des chaires, ouvrir des laboratoires,soutenir des publications… Il peut aussi défendre le travail des chercheurs sur le terrain. Il est ainsi regrettable que la France n'ait pas voulu soulever la question des intellectuels persécutés en Turquie. Quand le ministre des affaires étrangères, Alain Juppé, est allé à Ankara, en novembre dernier, il ne s'est pas inquiété du sort des chercheurs emprisonnés… La mise au clair du passé, en Turquie, ne se fera que par l'évolution de la société. Cette évolution est en cours mais elle risque d'êtrebloquée par cette loi. Et les historiens indépendants en payeront à nouveau le prix fort.
Propos recueillis par Jérôme Gautheret

Le génocide arménien : l'extermination (2/3) - Vincent Duclert, Le Monde


Le génocide arménien : la mémoire et l'oubli (2/3)

LEMONDE.FR | 29.12.11 | 17h14   •  Mis à jour le 30.12.11 | 08h18

Professeur à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), Vincent Duclert est notamment spécialiste de l'affaire Dreyfus. Son travail sur les mobilisations intellectuelles l'a amené à s'intéresser à la question du génocide arménien, et au-delà, à la vie intellectuelle en Turquie. Il a notamment publié un ouvrage sur les engagements intellectuels turcs dans les années 2000, L'Europe a-t-elle besoin des intellectuels turcs ? (Armand Colin, 2010) à travers l'étude de plusieurs pétitions emblématiques de l'évolution de la société turque, notamment celle du 15 décembre 2008 de demande de pardon aux Arméniens pour la "grande catastrophe" de 1915. La traduction de ce livre devait être publiée en Turquie par l'éditeur Ragip Zarakolu, mais celui-ci a été arrêté comme "terroriste" le 29 octobre et ses manuscrits saisis. Vincent Duclert a co-fondé avec Hamit Bozarslan, Cengiz Cagla, Yves Deloye, Diana Gonzalez et Ferhat Taylan le Groupe international de travail (GIT) "Liberté de recherche et d'enseignement en Turquie" (www.gitfrance.fr et www.gitinitiative.com)

>> Lire le premier et troisième volet de l'entretien
Comment la mémoire du génocide se structure-t-elle en Turquie ?
Les principaux responsables s'enfuient en Allemagne à l'automne 1918 au moment de l'effondrement de l'Empire ottoman. S'installe un gouvernement issu de l'Entente libérale. Ses membres sont décidés à juger les responsables du génocide. Des déclarations très fortes sont posées, et des procès sont lancés. Mais cette phase de justice sera mise en échec après l'isolement progressif des libéraux face à la croisade nationaliste de Mustapha Kemal.
A l'origine, le fondateur de la Turquie nouvelle s'était montré très sévère pour les responsables de la défaite et du génocide, jugeant qu'une position claire sur le sujet pourrait permettre une paix honorable. Puis sa position évolue, parce qu'il a besoin de cadres pour son nouveau pouvoir, et parce que les prétentions territoriales des Alliés menacent la souveraineté nationale. La conquête de Smyrne par les Grecs est un point de non-retour. Dès lors, l'objectif de juger des responsables unionistes du génocide est abandonné. S'ajoutent à cela les représailles commises par les Arméniens contre les Turcs sur le front russe, point de départ de la thèse de certains négationnistes d'un génocide contre les Turcs perpétré par les Arméniens...
Comment le dispositif négationniste se met-il en place ?
Globalement, la cause des survivants arméniens disparaît de l'agenda kémaliste, au point que l'idée même de reconnaissance de l'ampleur des massacres devient un danger pour la future République. Certains députés en viennent à les justifier, comme Hasan Fehmi en 1919 : "Ce qui a été fait l'a été pour assurer l'avenir de notre patrie, qui est à nos yeux plus sacrée que notre vie même." Mustafa Kemal se rangea à la thèse du risque de corruption du pays par les Arméniens survivants, comme le démontra l'historien turc Taner Akçam (Un acte honteux. Le génocide arménien et la question de la responsabilité turque, Denoël, 2008).
A ce moment-là, donc, il n'y a pas de négation…
Non, effectivement. L'heure est à la justification. Plus tard, les kémalistes en viendront à reprendre une partie des arguments des génocidaires : les Arméniens sont un danger pour la nation, et le sujet du génocide serait un des arguments que font peser les vainqueurs de la Première Guerre mondiale sur les vaincus ottomans dans la négociation des traités. Le génocide est à la fois nié comme génocide et justifié comme un massacre nécessaire en situation de péril national. Pour les Turcs, les Alliés instrumentalisent le passé, dans le but de fragiliserl'existence même de la nation turque.
Trois ans après le traité de Sèvres qui prévoyait un Etat arménien (avec un mandat d'exécution confié aux Etats-Unis), le traité de Lausanne (1923) entérine l'existence de la Turquie actuelle, née de la guerre de libération nationale menée par Mustafa Kemal. La délégation arménienne ne pourra pas siéger et l'Arménie n'est même pas mentionnée. De plus, tous les crimes commis entre le début de la première guerre mondiale et le 20 novembre 1922 sont amnistiés. Quelques orateurs évoquent bien le déni de civilisation qu'a été le massacre des Arméniens, mais il apparaît comme essentiel aux Alliés comme aux Turcs de tourner la page. Les Occidentaux, au départ mobilisés pour juger les responsables, considèrent vite que leur objectif est plutôt de protéger les détroits que de défendre la mémoire et les droits d'une minorité quasiment disparue.
Pour les kémalistes, le succès est total, d'autant qu'ils peuvent installer le nouvel Etat-nation dans une Anatolie vidée de ses minorités. La "turcification" peut s'opérer, avec l'appui d'une bourgeoisie enrichie par la spoliation des biens arméniens. Les droits des minorités sont très encadrés. Celles-ci feront plus tard l'objet de violentes campagnes d'opinion et de persécution d'Etat : les juifs durant la seconde guerre mondiale ; les Grecs, avec notamment les pogroms de 1955 déclenchés par l'attentat (une provocation des services secrets turcs) contre la maison natale de Mustafa Kemal à Salonique ; mais aussi les alévis ou en 1937, les Kurdes du Dersim où s'étaient réfugiés des survivants arméniens : ils n'échapperont pas cette fois à l'extermination.
Qu'en est-il, maintenant, de la situation à l'extérieur de la Turquie ?
La France a accueilli une part importante des survivants du génocide à condition toutefois qu'ils s'intègrent et qu'ils fassent oublier leurs origines "orientales"… On peut dire que pendant l'entre-deux-guerres, la mémoire du génocide est faible. Beaucoup d'Arméniens, comme une partie de la gauche française, se passionnent aussi pour l'aventure de la petite Arménie soviétique.
Certains événements, pourtant, marquent les esprits. Ainsi du procès, à Berlin, deSoghomon Tehlirian, qui avait assassiné le 15 mars 1921 Talaat Pacha, ministre de l'intérieur des Jeunes-Turcs. Ce jeune survivant des massacres, qui n'a jamais nié son acte, sera acquitté. Les attendus du jugement, mettant en lumière toute l'horreur des massacres, serviront au juriste américain Raphael Lemkin, inventeur du néologisme et du concept de "génocide", dans son travail de définition appliqué au génocide juif.
Mais au milieu des violences de l'entre-deux-guerres, la tragédie de 1915 n'est pas perçue dans sa singularité génocidaire. C'est la définition du crime contre l'humanité, à Nuremberg, en 1945, qui va rétroactivement questionner le passé arménien.
Quand les communautés arméniennes se saisissent-elles de la mémoire du génocide et commencent-elles à en revendiquer la reconnaissance ?
Pas avant les années 1970. En 1973, le normalien Jean-Marie Carzou fait paraîtrel'un des tout premiers livres sur le sujet, chez Flammarion : Un génocide exemplaire aura un énorme impact et contribuera à réveiller cette mémoire.
Les années 1960 ne sont pas du tout propices à l'ouverture du dossier.  En France, le régime kémaliste, qui a beaucoup emprunté à l'organisation de l'Etat français, est très bien perçu : on insiste sur la modernité de l'Etat-nation, la laïcité qui est pourtant bien différente du modèle français… Le général de Gaulle fait un voyage triomphal à Ankara en octobre 1968. La Turquie est membre de l'OTAN. Les biographies hagiographiques d'Atatürk se succèdent tandis que la recherche sur la fin de l'Empire ottoman reste très faible. Par ailleurs, l'époque n'est pas encore à la prise en compte des mémoires collectives et individuelles.
Qu'est-ce qui provoquera ce basculement ?
C'est avant tout le révisionnisme turc, et les injures répétées contre l'histoire des Arméniens. Les idées qu'il y a eu des massacres, mais dans une situation de guerre qui les justifiait, ou du moins les expliquait, ou qu'il y a eu au contraire un génocide des Turcs par les Arméniens, sont déployées par l'historiographie officielle turque, par l'Etat, notamment les diplomates, et par toute une série d'associations aux ordres. Elles relèvent d'un monopole de l'histoire, qui fonctionne comme un instrument de contrôle social et idéologique. La sociologue Büsra Ersanli, qui a étudié cette fabrique de l'histoire officielle dans sa thèse, est aujourd'hui en prison…
Il faut voir que la place de l'histoire dans la construction de l'Etat-nation turc est essentielle. Kemal lui-même se veut historiographe national. En octobre 1927, il prononce devant la Grande Assemblée un discours de 36 heures 30 retraçant l'histoire des Turcs depuis la préhistoire… Cela relève du dogme et tout manquement à ce dogme est pénalisé par une série de dispositifs judiciaires encore en vigueur. Et lorsque ceux-ci ne suffisent pas, l'incrimination de"terrorisme" est mobilisée, instrument redoutable dans un pays qui fait effectivement face à la rébellion armée du PKK kurde.
Ne peut-on pas dire, en caricaturant, que cette conception de l'histoire comme vérité officielle a quelque chose de très français ?
Oui, mais l'immense différence est que si le président de la République se veut, d'une certaine manière, l'historiographe français, ses déclarations sont sous la surveillance intellectuelle et scientifique des historiens – lesquels ne risquent pas la prison pour des faits de recherche ou de controverse. Les politiques sont même durement critiqués lorsqu'ils sont tentés d'écrire une histoire officielle. Il suffit devoir ce qu'il reste de projet de Maison de l'histoire de France… Ou bien d'observerle débat, très vif, sur les lois mémorielles. Le discours officiel en France n'est pas un discours unique. En Turquie, c'est toujours le cas.
Propos recueillis par Jérôme Gautheret

Le génocide arménien : l'extermination (1/3) - Vincent Duclert, Le Monde



Le génocide arménien : l'extermination (1/3)

LEMONDE.FR | 29.12.11 | 17h14   •  Mis à jour le 29.12.11 | 17h27

Photo du génocide arménien, prise à Alep en 1915.

Photo do Génocide Arménien, prise en Alep, 1915, AFP

Professeur à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), Vincent Duclert est notamment spécialiste de l'affaire Dreyfus. Son travail sur les mobilisations intellectuelles l'a amené à s'intéresser à la question du génocide arménien, et au-delà, à la vie intellectuelle en Turquie. Il a notamment publié un ouvrage sur les engagements intellectuels turcs dans les années 2000, L'Europe a-t-elle besoin des intellectuels turcs ? (Armand Colin, 2010) à travers l'étude de plusieurs pétitions emblématiques de l'évolution de la société turque, notamment celle du 15 décembre 2008 de demande de pardon aux Arméniens pour la "grande catastrophe" de 1915. La traduction de ce livre devait être publiée en Turquie par l'éditeur Ragip Zarakolu, mais celui-ci a été arrêté comme "terroriste" le 29 octobre et ses manuscrits saisis. Vincent Duclert a co-fondé avec Hamit Bozarslan, Cengiz Cagla, Yves Deloye, Diana Gonzalez et Ferhat Taylan le Groupe international de travail (GIT) "Liberté de recherche et d'enseignement en Turquie" (www.gitfrance.fr et www.gitinitiative.com)

>> Lire le deuxième et le troisième volet de l'entretien
Le génocide de 1915 a été précédé par une autre vague de massacres, vingt ans plus tôt. En 2006, vous avez édité un discours prononcé par Jean Jaurèsà la Chambre des députés le 3 décembre 1896, alors que des massacres faisaient rage dans l'Empire ottoman (Il faut sauver les Arméniens, Mille et une nuits). Le dirigeant socialiste soulignait que les tueries s'accompagnaient de la volonté de dissimuler ce qui était en train de seproduire. En quoi était-ce inédit ?
La volonté de dissimulation des massacres au XIXe siècle, notamment ceux commis par les Turcs contre les Grecs dans la guerre d'indépendance (1822-1830), est récurrente. Mais le fait nouveau ici est le caractère organisé de cette dissimulation. Le pouvoir du sultan Abdulhamid II (1876-1909) en vient à payer la presse européenne pour qu'elle ne parle pas de ces massacres. C'est ce que dénonce aussi Jaurès à la tribune.
Comment caractériseriez-vous les massacres de 1894-1896 ?
Plus de 200 000 personnes ont été massacrées, mais à cela s'ajoute un processus de spoliation, et même d'humiliation de tout un peuple, qui accélère un phénomène déjà ancien. Or, la dégradation collective et individuelle favorise la réalisation des génocides : plus une population est bien intégrée, moins il est facile de la fairedisparaître. Les grands massacres de 1894-1896 rendent possible le génocide de 1915. Ils sont aussi pré-génocidaires dans la manière dont la mort est administrée.
Il y a eu un acharnement sur les corps, une volonté de destruction des familles et des communautés, une cruauté exceptionnelle dans la mise à mort des personnes. Dans les régions d'Anatolie où les Arméniens, parfois, étaient majoritaires (laGrande Arménie), les tueries sont perpétrées par des populations musulmanes et par des régiments "hamidiés", une cavalerie kurde placée sous l'autorité du sultan.
A Constantinople, c'est le petit peuple arménien, celui qui travaille par exemple dans le bazar, qui est massacré. Des stocks de gourdins, un instrument redoutable pour briser les crânes, avaient été auparavant écoulés dans toute la ville. Il faut sesouvenir qu'au Rwanda, avant le déclenchement du génocide de 1994, des importations massives de machettes avaient été réalisées… Lorsque les Arméniens protestent contre les tueries, leurs manifestations sont décimées par la même violence, avec ou sans l'aide des forces armées.
Comment et pourquoi ces massacres pré-génocidaires s'arrêtent-ils ?
D'abord, le sultan estime qu'il est arrivé à ses fins, notamment la réduction du pourcentage d'Arméniens en Anatolie. Et puis les pressions internationales, celle du gouvernement anglais et, finalement, celle du gouvernement français (la pression de Jaurès et des intellectuels a fini par payer) commencent à agir. Mais si les massacres s'arrêtent, la persécution continue. Des Arméniens prennent le chemin de l'exil. Et un nouveau massacre pré-génocidaire s'accomplit en 1909 à Adana et en Cilicie, impliquant cette fois la responsabilité du nouveau régime jeune-turc qui a mis fin à la tyrannie du "sultan rouge" Abdulhamid II.
Peut-on dire que c'est l'effondrement de l'Empire ottoman qui produit le génocide ?
La perte progressive des territoires européens, au XIXe siècle, et les prétentions russes dans le Caucase, font peu à peu basculer l'Empire, jusque-là fondé sur une coexistence relativement pacifique entre les communautés, dans l'ultra-nationalisme. Or la modernisation de l'Empire est venue profondément de cet ancrage européen. C'est là que s'est développé le mouvement Jeune-Turc. Le sentiment d'un Empire assiégé, menacé en Europe et dans le Caucase, nourrit une rhétorique sur l'ennemi intérieur. Au final, les Arméniens, qui passaient pour la minorité la plus fidèle, deviennent désignés comme des traîtres en puissance parce qu'ils constituent la minorité la plus nombreuse.
Les Grecs sont vus comme moins menaçants : ils ont leur pays. Les Arméniens, eux, n'ont pas de foyer national. On les accuse d'être les agents des puissances européennes qui se disputent le contrôle des ressources de l'Empire ottoman… Dans le même temps, avec les pertes de territoires, des milliers de musulmans chassés d'Europe s'implantent au cœur de l'Anatolie. Ils y transportent leur humiliation, leur haine du Chrétien, de l'Européen, et y transfèrent les pratiques de violence extrême produites par les guerres balkaniques. Ces populations seront très sensibles à la propagande ultra-nationaliste et anti-chrétienne de l'Empire ottoman finissant.
Peu à peu s'impose l'idée que l'Empire doit se ressourcer dans sa nature turque. Ce mouvement s'accompagne d'un racialisme qui fait des chrétiens, notamment les Arméniens, un danger mortel pour cette "turcité" proclamée.
Mais la réponse nationaliste n'est pas la seule : le déclin de l'Empire ottoman suscite aussi une réponse libérale de la part des Jeunes-Turcs, qui se diviseront ensuite entre libéraux et nationalistes (dits "unionistes"). C'est ce dernier courant qui triomphe à partir de 1909 puis à la veille de la Première Guerre mondiale.
Les massacres de 1894-1896 sont dénoncés très fortement à l'étranger. Mais qu'en est-il à l'intérieur de la Turquie ?
Le sultan Abdulhamid nie ces massacres, mais les réseaux diplomatiques européens, et le maillage des écoles missionnaires, notamment anglaises et américaines, recueillent et diffusent l'information. L'élite jeune-turque se renforce contre la tyrannie hamidienne. Les leaders arméniens contribuent fortement à cette opposition libérale.
Y a-t-il parallèlement une revendication indépendantiste arménienne ?
Pour les Arméniens, la révolution des Jeunes-Turcs, en 1908-1909, va représenterun grand espoir. La liberté allait être apportée à l'Empire ottoman ; ils vont en conséquence se battre pour elle. C'est d'ailleurs une des autres raisons qui feront d'eux une cible prioritaire de la dictature unioniste à travers le génocide. Qu'il y ait eu dans certains groupes ou partis des revendications d'indépendance nationale, c'est vrai. Mais l'essentiel du mouvement arménien se projette dans une modernisation et une démocratisation en profondeur de l'Empire.
Pourquoi les événements de 1915 seront-ils si différents ?
D'abord on a affaire à un nouveau pouvoir, la dictature des membres du Comité Union et Progrès, qui ont pris le pouvoir en 1913 après l'effondrement des guerres balkaniques. Cette faction liée à l'Allemagne, globalement favorable à la guerre, est traversée par des conceptions racialistes et pan-turquistes.
La défaite contre l'armée tsariste à Sarikamish, dans le Caucase, en janvier 1915, précipite la décision de déporter les Arméniens aux fins d'extermination. Officiellement, il faut les éloigner du front pour éviter qu'ils ne jouent le rôle de cinquième colonne. Mais l'argument ne tient pas : les Arméniens restent fidèles à l'Empire, ils combattent loyalement dans l'armée ottomane. La première des tâches du gouvernement unioniste sera d'éliminer ces officiers et soldats arméniens loyaux, affaiblissent d'autant une armée ottomane en pleine retraite.
La date habituellement retenue pour dater le commencement du génocide est le 24 avril 1915, jour d'une grande rafle de notables et d'intellectuels à Constantinople. Mais les persécutions ont débuté plus de vingt ans plus tôt, comme on l'a vu. Il fautenvisager le génocide arménien comme un continuum de persécutions, de spoliations et de massacres.
En 1915, les procédures d'élimination sont différentes et l'intention génocidaire est clairement constituée : les Arméniens des centres urbains (sauf ceux de Constantinople, finalement préservés après la grande rafle du 24 avril parce qu'indirectement protégés par les ambassades et autres communautés étrangères), sont éloignés pour éviter que des grands massacres dans les villes n'entraînent des désordres, et ne se produisent sous les yeux des consuls et diplomates, autant de témoins oculaires.
Sans les déplacements de population, il aurait été difficile de construire une interprétation de l'histoire selon laquelle l'extermination n'a pas eu lieu. Sur les routes d'Anatolie, l'extermination est rationnalisée et "peu coûteuse" : elle se fait sans témoins ni dégâts socio-économiques. Coordonnés par l'Organisation spéciale (OS), sorte d'Etat dans l'Etat – police politique et administration de la terreur –, les massacres seront réalisés par certaines populations locales, surtout kurdes, par des bandits de droit commun au service de l'OS, et aussi par les détachements réguliers, avec plus ou moins de zèle. De nombreux orphelins seront récupérés par les gendarmes.
L'extermination se fait par l'assassinat massif, la faim et la soif, la noyade. Les témoignages insistent particulièrement sur les viols, mutilations et massacres de femmes, d'enfants et de nouveaux-nés commis par les génocidaires. Les survivants qui arrivent dans le désert de Syrie sont précipités vivants dans des grottes, quand d'autres trouvent finalement refuge en Cilicie, ou au Dersim, ou encore à Alep, là où l'écrivain juif autrichien Franz Werfel découvrira des orphelins misérables et décidera d'écrire Les Quarante jours de Musa Dagh (1933).
Que se passe-t-il alors, hors de l'Empire ?
Les Alliés, ennemis de l'Empire ottoman, ont tout intérêt à révéler les preuves de cette extermination. Mais elle est aussi dénoncée par des sources plus indépendantes, comme certains missionnaires allemands, et par le travail des Américains, notamment l'ambassadeur à Constantinople, Henry Morgenthau, qui fait un travail exceptionnel pour alerter son gouvernement et l'opinion publique. En France, certains parlementaires comme Marcel Cachin se mobilisent. Mais on est en situation de guerre totale en Europe, la barbarie est générale, et la tragédie arménienne reste au second plan.
Comment le génocide cesse-t-il ?
Contrairement aux grands massacres de 1894-1896, le génocide ne s'arrête pas. On estime qu'il y avait 1,5 million d'Arméniens dans l'Empire en 1896, puis 1,3 million en 1915, à la veille du génocide, qui a lui-même fait environ 900 000 morts. Le moment central est 1915-1916, mais jusqu'à la fin de la guerre, la machine est en action et des "génocides miniatures", selon l'expression de l'historien Vahakn Dadrian, se produisent – dans le Caucase notamment.
Propos recueillis par Jérôme Gautheret

Liu Xiabo, premio Nobel da Paz: prisioneiro da China - livro


The Freedom Writer

The Wall Street Journal (Bookshelf), 30/12/2011
Writings on Tibet, Tiananmen Square and Chinese society by Liu Xiaobo, the imprisoned dissident who won the 2010 Nobel Peace Prize.
When the dissident Liu Xiaobo won the 2010 Nobel Peace Prize from his prison cell, the Chinese government reacted hysterically—denouncing the Nobel Committee, retaliating against Norway diplomatically and trying to intimidate foreign governments out of sending representatives to the ceremony. Mr. Liu had been arrested nearly two years earlier, just before the release of Charter 08, a declaration of democratic principles for China inspired by Charter 77, the Czechoslovak initiative led by the playwright (and later Czech president) Václav Havel that, 31 years earlier, led to the Velvet Revolution and inspired people throughout the Soviet bloc.
China's leaders should feel just as aggrieved by "No Enemies, No Hatred," a collection that shows why the Communist Party fears this 56-year-old intellectual-turned-activist and his ideas. In essays on China's rise, Tibet, the impact of materialism and nationalism on morality and sex, the 2008 Olympics, and much more, Mr. Liu advances the antithesis to the Party line, writing "free from fear," as co-editor Perry Link puts it in his valuable introduction.
The essays appeared mainly in publications based in the U.S. and Hong Kong and found their way back to China via the Internet, which Mr. Liu celebrates, perhaps only half-jokingly, as evidence of a divine being. Interspersed throughout are poems, often searing, that attest to Mr. Liu's intellectual as well as emotional partnership with his wife, Liu Xia, an artist currently under house arrest. Rounding out the book are documents including the text of Charter 08, Mr. Liu's poignant statements at his 2009 trial and the verdict sentencing Mr. Liu to 11 years in prison.
The title "No Enemies, No Hatred" is taken from the June 2, 1989, announcement by Mr. Liu and a few comrades of a hunger strike at Tiananmen Square. Several essays and poems, and his final statement to the court, reflect the profound influence on Mr. Liu of the Tiananmen protests and massacre—events the Party still distorts and denies. In 1989, Mr. Liu, then a visiting professor of literature in New York, came home to join the protesters, consciously rejecting what he saw as the passivity of most Chinese intellectuals. On the night of June 3-4, as troops advanced, killing indiscriminately, Mr. Liu saved lives by persuading students to leave Tiananmen and negotiating their safe passage. He survived but retained a burden of guilt about his comparatively mild prison experience ("deathly bored . . . but that's about it"), his forced "confession" and the disproportionate attention "luminaries" received for their role in the protests.
Mr. Liu's writing is most personal when writing about Tiananmen, but all of the essays display a distinctly humane spirit. He takes evident pride in the changes that ordinary Chinese have brought about despite the Communist Party's tight grip on power. "Moral authority, in the popular view, lies increasingly with the people," he writes in an essay that was later cited at his trial as evidence of subversion. Repression is the only element of totalitarianism still in place in China, and even it, Mr. Liu says, has unintended consequences, no longer turning people into "political leper[s]" but "actually helping a person to achieve spiritual wholeness."
Reforms for which the Communist Party takes credit and is lauded abroad originated in pressure from "the bottom up," he writes in "Xidan Democracy Wall and China's Enlightenment." Xidan is an area in central Beijing where, in 1978, brave souls hung posters on a "Democracy Wall" criticizing the Party and arguing for liberalization. This movement, he argues—not Party-sponsored debate—triggered official reforms, fostered a new solidarity among dissidents that influenced the wei quan ("rights defense") movement of the past decade, and transformed the language of dissent from "Maoist cant."
Mr. Liu has a keen eye for the cynicism and hypocrisy that warps Chinese society, fed by propaganda extolling wealth, power and national pride. Youth turn their "patriotism" on and off like a switch, he writes. "When these students are cursing America, they are filled with righteous indignation; when sitting on a plane headed for Boston, their hearts are even more wild with joy." Intellectuals who bend with the political winds come in for no less scorn. Chinese Leaders' embrace of Confucius—a "mediocre" thinker—signaled "the moment Chinese intellectuals arrived in hell on earth, because now they were nothing more than handmaidens to power," he writes in "Yesterday's Stray Dog Becomes Today's Guard Dog."
But Mr. Liu is not a purist. He urges tolerance and respect, including for those working inside the system. Nevertheless, he distinguishes between tolerance and compromising on principle, warning that "when the 'rise' of a large dictatorial state that commands rapidly increasing economic strength meets with no effective deterrence from outside, but only an attitude of appeasement . . . the results will not only be another catastrophe for the Chinese people but likely also a disaster for the spread of liberal democracy in the world."
When Mr. Liu won the Nobel, Havel wrote to him of being "touched" but not surprised that Charter 08 drew inspiration from Charter 77 (a compliment Havel returned by working to free Mr. Liu and defend Charter 08 until his death earlier this month): "There simply exists a sort of moral minimum that is common to the entire world and thanks to which people from countries as different and far apart as the Czech Republic and China can strive for the same values and sympathize with each other, thereby creating the basis for true—not simply feigned—friendship." Mr. Liu already shares a great deal with Havel, chiefly a faith in individuals and the impact they can have on a totalitarian system. One day, we can hope, Mr. Liu will also join him in having brought about the end of a communist regime.


Ms. Bork is director of democracy and human rights at the Foreign Policy Initiative.