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quarta-feira, 30 de dezembro de 2020

La Recherche Urbaine au Brésil dans le cadre de la coopération avec la France (1994) - Paulo Roberto de Almeida

 La Recherche Urbaine au Brésil dans le cadre de la coopération avec la France

 

Paulo Roberto de Almeida

Docteur ès Sciences Sociales de l’Université de Bruxelles

LA RECHERCHE SUR LA VILLE AU BRÉSIL

Les Journées Internationales du Pir Villes

(CNRS, 28-29 novembre 1994)

 


Les progrès de la géographie humaine et de la sociologie urbaine au Brésil sont inséparables de la coopération scientifique et académique menée avec la France tout au long de l’histoire plusieurs fois séculaire des relations entre nos deux pays.

Déjà lors de l’expédition de Villegaignon à un Brésil encore très peu portugais du milieu du XVIe siècle, André Thevet s’était plu à imaginer une cartographie idéale de la France Antarctique: il poussa même son imagination jusqu’à décrire une ville entière, sortie toute faite de sa tête en pleine baie de Guanabara, qu’il appela Henry, en hommage au roi Henry II, alors régnant. Il est vrai que l’autre Français de la partie – anthropologue avant la lettre celui-là –, Jean de Léry, s’empresse de réduire en cendres ce premier sociologue urbain de l’imagination. Comme dirait quatre siècles plus tard Gilles Lapouge dans ses Équinoxiales, ce Thevet, en tant que géographe, c’était un zéro: “Il inaugure une discipline, la cosmographie imaginaire, qui ne fera pas fortune à l’Université. (...) Il ne se contente pas d’améliorer l’œuvre de Dieu. Il perfectionne l’ouvrage des hommes. Il organise des villes en papier. (...) C’est un futurologue à l’état rustique. Il prédit des ports. Il voit des villes. Il prophétise des nations...”. Bref, il anticipait sur le travail plus modeste de nos sociologues urbains d’aujourd’hui.

Les Français ont encore essayé de fonder une géographie urbaine à coups de canon, et c’est l’aventure de la France Équinoxiale et la fondation, une nouvelle fois avortée, de la ville de Saint Louis, dans le Maranhão, en 1612. Les Portugais étaient beaucoup plus portés vers la construction de forts armés et d’entrepôts de marchandises que de villes, et ils se sont arrangés pour défaire l’ouvre du Seigneur de La Ravardière.

En vérité, le premier Français à avoir ouvert le cycle des études scientifiques sur le Brésil, même si ses observations ne s’appliquaient pas à l’étude des villes – et pour cause – semble avoir été Charles de La Condamine, dans son récit de voyage sur la flore et la faune de l’Amazonie, “Relation abrégée d’un voyage fait dans l’intérieur de l’Amérique méridionale”, publié vers le milieu du XVIIIe siècle, plus exactement en 1745. C’est lui d’ailleurs qui a découvert le caoutchouc, ouvrant ainsi la voie pour que nos villes modernes soient un peu moins bruyantes.  

Par la suite, une multitude d’autres Français – voyageurs, naturalistes, hommes de lettres, artistes, entrepreneurs ou simples curieux – n’ont pas manqué de mettre sur le papier leurs appréciations sur le Brésil et sa curieuse géographie naturelle et humaine. Saint-Hilaire, par exemple, pourrait être à juste titre considéré comme le père des naturalistes et géographes brésilianistes de France. C‘est lui qui inaugure l’approche scientifique de la botanique brésilienne, mais sa perception illustre beaucoup d’autres domaines d’étude du Brésil, dont la description de villes encore embryonnaires dans les Minas Gerais et São Paulo. Comme nous en informe le regretté Mario Carelli, dans son formidable livre sur les échanges culturels entre la France et le Brésil, Cultures Croisées, Saint-Hilaire a su, déjà en 1818, “prophétiser l’avenir industriel de São Paulo, dont il résuma l’histoire des ‘bandeirantes’, conquérants de l’Ouest du Brésil, dans une formule qui subsiste toujours: ‘une race de géants’.”. 

Le Brésil au XIXe siècle, en fait, pourrait se résumer dans une seule phrase: “des produits anglais, mais des manières françaises”, selon la formule imagée d’une historienne des relations entre les deux pays, Carmen Lícia Palazzo de Almeida. Et ce sont bien les manières françaises qui priment dans cette monarchie éprise des Lumières tout autant que de l’esprit saint-simonien et rationaliste. C’est à la présence de nombreux hommes de science de France, au-delà aussi de quelques idées “subversives”, tout au long du XIXe siècle, que l’on doit le fait que le Brésil est devenu aussi bien un terrain d’exploration pionnière pour de nombreuses expériences d’utopie sociale française qu’un pays de réception du savoir scientifique français. 

L’Empereur D. Pedro II a beaucoup fait dans ce domaine, en mettant sur pied, par exemple, une École des Mines à Ouro Preto, basée sur le modèle de l’École des Mines de Saint Etienne. Son premier directeur fut d’ailleurs le géologue français Claude-Henri Gorceix, suivi bientôt de beaucoup d’autres professeurs. L’Observatoire de Rio de Janeiro est aussi le résultat de cette fructueuse coopération scientifique. Le Brésil impérial fut aussi une présence constante dans les diverses Expositions universelles que la France, désormais engagée dans l’utopie urbaine et industrielle, organisa pendant la deuxième moitié du XIXe siècle. Le Brésil d’ailleurs cherche à y montrer son visage “moderne”, même si la France, toujours en mal d’exotisme, était plutôt en quête de “sauvages” et de “nature à l’état brut”. 

Il y eut aussi au Brésil quelques expériences, ratées comme partout ailleurs, de phalanstères, cette entreprise fouriériste à l’avant-garde de la cité idéale version française. L’inspiration française de la rénovation urbaine à la Haussmann allait, un peu plus tard, porter ses fruits dans les efforts d’aménagement urbain entrepris par le Maire de Rio, Pereira Passos, au tout début de notre siècle. C’est aussi sur la base de leçons françaises d’assainissement urbain et de combat contre les vecteurs animaux de maladies terribles, telle la fièvre jaune, que l’on commença à rendre cette même ville un peu plus vivable à cette époque: le médecin Oswaldo Cruz s’inspira directement de l’œuvre de Pasteur pour proposer son programme de vaccination en masse de la population.

Dans le domaine des études urbaines et de géographie humaine, la présence française, son emprise idéologique pourrait-on dire, est bien sûr dominante depuis le XIXe siècle jusqu’au milieu du nôtre, au moins. Elle se révèle tout d’abord dans la culture universitaire, mais aussi dans la vie politique et culturelle dans un sens large. Il faut tout d’abord se référer à l’influence du sociologue Auguste Comte, inspirateur philosophique involontaire des militaires jacobins qui mirent fin à la monarchie, en 1889. Les Écoles Polytechniques brésiliennes, fortement stimulées par les militaires, ont par coïncidence une conception essentiellement positiviste, pour ne pas dire française tout court.

C’est un positiviste convaincu, Louis Couty, qui allait enseigner la biologie industrielle à l’École Polytechnique de Rio de Janeiro et retirer de son séjour brésilien un puissant libelle L’Eclavage au Brésil, qui montre comment ce système était économiquement dépassé. Beaucoup d’autres ont contribué, entre la fin du XIXe siècle et le milieu de celui-ci à établir une véritable hégémonie de la langue, de la littérature et des idées françaises au Brésil, faute d’apports migratoires qui, eux, restèrent majoritairement italiens et allemands, en plus de la traditionnelle immigration portugaise. Dans l’autre sens, la France et Paris allaient devenir, pour les Brésiliens riches, surtout les planteurs de café, de lieux privilégiés de rencontre, de détente et d’enrichissement culturel, sinon de débauche.

C’est au début de ce siècle que la géographie moderne, celle façonnée par Vidal de La Blache, fait son entrée au Brésil. Son initiateur a peut-être été Pierre Denis, dont la première édition de son livre le plus connu, Le Brésil au XXe siècle, est parue en 1909. Il y traite fondamentalement de la géographie économique et sociale du Brésil. En dépit de l’acuité et de la justesse de la plupart de ses observations, réalisées vers 1905, sur la vie économique brésilienne, il s’est tout de même trompé sur sa géographie industrielle future. Parlant, par exemple, des débuts de l’industrialisation au Brésil, il affirme notamment: “Les usines sont éparses sur tout le territoire hors des deux capitales Rio et Saint Paul; aucune région ne peut être considérée comme un foyer industriel. Rien qui rappelle la concentration industrielle aux États-Unis. (...) Au Brésil, la dispersion industrielle est extrême”. Il n’a donc pas vu venir le formidable phénomène social de la concentration industrielle à São Paulo, mais il a offert, du haut plateau paulista et du nord du Paraná, une minutieuse description de géo-économie qui serait complétée, un demi-siècle plus tard, par Pierre Monbeig.

C’est aussi au début de ce siècle que poursuit sa formation en France, dans le domaine de la géographie, avec une thèse sur la climatologie, celui qui est resté par la suite beaucoup plus connu par ses ouvrages d’histoire, Delgado de Carvalho: en vérité, il fut avant tout un grand géographe brésilien, étant parmi les fondateurs de l’Institut Brésilien de Géographie et Statistique au milieu des années 30. 

En tout cas, l’enseignement universitaire de la Géographie Humaine a eu au Brésil, comme nous l’enseigne le grand géographe Orlando Valverde, deux notables fondateurs français: les professeurs Pierre Deffontaines et Pierre Monbeig. C’est grâce à l’impulsion de Deffontaines, qui participa à la création de l’Université de São Paulo en 1934, que fut créée aussi bien l’Association des Géographes Brésiliens que la revue “Géographie”, parue en 1935.

Caio Prado Jr., l’initiateur de l’historiographie marxiste au Brésil, a toujours eu une forte admiration pour ces géographes français qui visitaient et enseignaient à la Faculté de Philosophie de São Paulo, tout d’abord Pierre Deffontaines lui-même. Son livre classique, Évolution Politique du Brésil, de 1933, porte, dans sa deuxième édition, de 1946, un complément de titre: et autres études, ceux-ci voulant se référer à ses analyses de la ville de São Paulo d’un point de vue historique et géographique. Ce sont: “Le facteur géographique dans la formation et dans le développement de la ville de São Paulo”, “Contribution à la géographie urbaine de la ville de São Paulo” parmi d’autres travaux.

Deffontaines a eu comme successeur à l’Université de São Paulo un jeune géographe, Pierre Monbeig, qui non seulement est resté neuf ans au Brésil, mais qui est devenu un peu brésilien, retirant de son expérience brésilienne sa thèse de doctorat “Pionniers et Planteurs de São Paulo”. Il faut se référer aussi, bien sûr, à Claude Lévi-Strauss, qui fut le premier à enseigner la sociologie urbaine au Brésil, peut-être même en Amérique du Sud ou dans le monde. Lévi-Strauss, qui commence son célèbre Tristes Tropiques en disant qu’il hait les voyages et les explorateurs, parlera de São Paulo d’une manière désabusée, affirmant que cette ville est allée “de la fraîcheur à la décrépitude sans s’arrêter à l’ancienneté”. Lui et Fernand Braudel sont restés très peu de temps au Brésil, mais les indiens et la géographie démesurée du Brésil ont peut-être fourni, à l’un et à l’autre, des motifs d’inspirations pour leurs ouvrages ultérieurs d’ethnologie et d’histoire.

Roger Bastide, par contre, est resté très longtemps au Brésil, de 1938 à 1951, et il est pratiquement devenu un sociologue brésilien: c’est lui qui parle de la “terre des contrastes”, dont la plus notoire, la ville de Salvador de Bahia allait enchanter tellement Pierre Verger que celui-ci choisit de devenir brésilien – ou plutôt afro-brésilien – et de s’installer définitivement à Bahia. Les visiteurs étrangers, surtout français, ont été souvent lyriques à propos du Brésil, tel Stefan Zweig qui parla de la Terre de l’Avenir, ou d’André Malraux, qui appela Brasília la “capitale de l’espoir”.

La mission française à l’Université de São Paulo a eu une importance capitale dans la formation de plus d’une génération d’intellectuels brésiliens et l’on peut même dire que le nouveau Président, Fernando Henrique Cardoso, est indirectement, par son alma mater, la Faculté de Philosophie, un héritier intellectuel de la coopération académique française au Brésil. D’autres contributions se sont aussi matérialisées, dans la littérature bien sûr, mais également dans l’architecture et surtout dans les sciences exactes et humaines, dont l’histoire, la géographie et la sociologie, qui restent trois des domaines privilégiés de la coopération bilatérale.

Mais ce n’est pas seulement le Brésil qui a profité de l’enseignement universitaire prodigué par des professeurs français. La France aussi a retiré de la matière première à l’état brut que lui prodiguait le Brésil pour ajouter au stock mondial de connaissances, sous forme de musiques, de théories nouvelles sur le développement humain, sur les relations sociales, politiques et économiques, sur les forces physiques et l’état de la nature, avec son extraordinaire richesse biologique, matérielle et humaine. Laissons de côté le comte de Gobineau, cet “ennemi cordial du Brésil”, comme l’a appelé Alceu Amoroso Lima, qui profita de son séjour en tant que chargé d’affaires de France à Rio de Janeiro pour rédiger non seulement une plaquette sur la question du peuplement, intitulée L’Émigration au Brésil, mais aussi son Essai sur l’inégalité des races humaines, puisant au Brésil la “confirmation” pratique pour ses thèses racistes.

Mais parlons, justement, de Darius Milhaud, de Lévi-Strauss, de Braudel, de Charles Morazé, de Roger Bastide et de tant d’autres qui ont eu l’intuition géniale de leurs contributions théoriques en travaillant dans cet immense laboratoire naturel et social que constitue le Brésil. Le Brésil est, dans les mots de Mario Carelli, “l’un des lieux privilégiés de la projection de rêves utopiques de l’imaginaire européen”. Mais il est aussi un terrain fertile de recherche et de constructions conceptuelles.

Ainsi, le Brésil est indissociablement lié à l’élaboration de l’anthropologie structurale de Lévi-Strauss, aux réflexions sur les relations raciales de Roger Bastide, à l’itinéraire du commerce atlantique de Frédéric Mauro et au concept d’économie-monde de Fernand Braudel, des modèles et des typologies qui allaient par la suite influencer les étudiants brésiliens de ces disciplines. De la même manière, l’observateur a pu avoir tous les bénéfices de son approximation: le Brésil a fourni la matière première en géographie humaine pour la thèse de Pierre Monbeig, en sociologie du travail à Alain Touraine, en démographie et problèmes urbains au Père Joseph Lebret, tout comme la matière première tout court à plus d’un scientifique français. 

Cette rencontre confirme encore l’intensité des liens de coopération entre les communautés académiques de nos deux pays. Elle est héritière de presque cinq siècles d’échanges culturels entre la France et le Brésil. Nous pouvons tous nous réjouir qu’il en soit ainsi.

 

[Paris, 462, 19.11.94]

Texte établi pour servir de paroles à l’ouverture

 

462. “La Recherche Urbaine au Brésil dans le cadre de la coopération avec la France”, Paris, 19 novembro 1994, 6 pp. Texto elaborado para servir de alocução introdutória por representante da Embaixada no colóquio “La Recherche sur la Ville au Brésil”, no quadro das “Journées Internationales du Pir Villes” (CNRS, 28-29 novembre 1994). Não utilizado.