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quinta-feira, 7 de março de 2024

CE QUE VEULENT LES GRANDES PUISSANCES: LA CHINE - Élie Baranets (IRSEM)

 CE QUE VEULENT LES GRANDES PUISSANCES 

LA QUÊTE DE STATUT DE LA CHINE ET L’AVENIR DE L’ORDRE INTERNATIONAL

Dr Élie Baranets 

Chercheur Sécurité internationale à l’IRSEM

https://www.irsem.fr/media/5-publications/etudes/etude-irsem-114-baranets-grandes-puissances.pdf

PRÉSENTATION DE L’IRSEM 

Créé en 2009, l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM) est l’organisme de recherche stratégique du ministère des Armées. Composé d’une cinquantaine de personnes, civiles et militaires, dont la plupart sont titulaires d’un doctorat, il est le principal centre de recherche en études sur la guerre (War Studies) dans le monde francophone. En plus de conduire de la recherche interne (au profit du ministère) et externe (à destination de la communauté scientifique) sur les questions de défense et de sécurité, l’IRSEM apporte un soutien aux jeunes chercheurs (la « relève stratégique ») et contribue à l’enseignement militaire supérieur et au débat public. L’équipe de recherche est répartie en six domaines : 

• Le domaine Europe, Espace transatlantique et Russie analyse les évolutions stratégiques et géopolitiques en Amérique du Nord, en Europe, en Russie et dans l’espace eurasiatique qui comprend l’Europe orientale (Moldavie, Ukraine, Biélorussie), le Caucase du Sud (Arménie, Géorgie, Azerbaïdjan) et les cinq pays d’Asie centrale. Il s’intéresse plus particulièrement à la compétition de puissances dans cette zone, aux évolutions du rôle de l’OTAN, à la sécurité maritime et aux stratégies d’influence. 

• Le domaine Afrique – Asie – Moyen-Orient analyse les évolutions stratégiques et géopolitiques en Afrique, Asie et Moyen-Orient, autour des axes transversaux suivants : autoritarisme politique et libéralisation économique dans les pays émergents ; rôle et place des armées et des appareils de sécurité dans le fonctionnement des États et des sociétés ; enjeux stratégiques et de sécurité régionale ; idéologies, nationalismes et recomposition des équilibres interétatiques régionaux. 

• Le domaine Armement et économie de défense s’intéresse aux questions économiques liées à la défense et, plus largement, a vocation à traiter des questions stratégiques résultant des développements technologiques, des problématiques d’accès aux ressources naturelles et de celles liées aux enjeux environnementaux. Les travaux de recherche du domaine s’appuient sur une approche pluridisciplinaire, à la fois qualitative et quantitative, qui mobilise des champs scientifiques variés : économie de défense, histoire des technologies, géographie.

• Le domaine Défense et société est à l’interface des problématiques spécifiques au monde militaire et des évolutions sociétales auxquelles celui-ci est confronté. Les dimensions privilégiées sont les suivantes : lien entre la société civile et les armées, sociologie du personnel militaire, intégration des femmes dans les conflits armés, relations entre pouvoir politique et institution militaire, renouvellement des formes d’engagement, socialisation et intégration de la jeunesse, montée des radicalités. Outre ses activités de recherche, le domaine Défense et société entend aussi promouvoir les questions de défense au sein de la société civile, auprès de l’ensemble de ses acteurs, y compris dans le champ académique. 

• Le domaine Stratégies, normes et doctrines a pour objet l’étude des conflits armés contemporains, en particulier sous leurs aspects politiques, militaires, juridiques et philosophiques. Les axes de recherche développés dans les productions et événements réalisés portent sur le droit international, en particulier sous l’angle des enjeux technologiques (cyber, intelligence artificielle, robotique), les doctrines de dissuasion, la maîtrise des armements avec la lutte contre la prolifération et le désarmement nucléaires. Les transformations des relations internationales et leurs enjeux de puissance et de sécurité ainsi que la philosophie de la guerre et de la paix font également partie du champ d’étude. 

• Le domaine Renseignement, anticipation et stratégies d’influence mène des recherches portant sur la fonction stratégique « connaissance et anticipation » mise en avant par le Livre blanc de la défense depuis 2008. Ce programme a donc d’abord pour ambition de contribuer à une compréhension plus fine du renseignement entendu dans son acception la plus large (c’est-à-dire à la fois comme information, processus, activité et organisation) ; il aspire ensuite à concourir à la consolidation des démarches analytiques, notamment dans le champ de l’anticipation ; enfin, il travaille sur les différentes dimensions de la guerre dite « hybride », en particulier les manipulations de l’information. Le domaine contribue du reste au renforcement du caractère hybride de l’IRSEM en diffusant des notes se situant à l’intersection de la recherche académique et de l’analyse de renseignement en sources ouvertes.


BIOGRAPHIE 

Élie Baranets est docteur en science politique de l’Université de Bordeaux. Il est l’auteur de nombreux articles en Relations internationales et études stratégiques. Il a publié Comment perdre une guerre. Une théorie du contournement démocratique (CNRS Éditions, 2017) et Théories des relations internationales (Presses de Sciences Po, 2019, avec Dario Battistella et Jérémie Cornut). Chercheur Sécurité internationale à l’IRSEM depuis 2019, il est qualifié aux fonctions de maître de conférences en science politique. Ses recherches portent actuellement sur les causes des conflits armés, sur le lien entre le régime politique et la guerre et plus précisément sur l’impact stratégique des discours politiques. Il enseigne les Relations internationales et la politique étrangère des ÉtatsUnis dans plusieurs établissements, dont Sciences Po Paris.

SOMMAIRE 

RÉSUMÉ...1

INTRODUCTION....13 

I. UNE COURSE À LA PUISSANCE ? ......15 

L’approche incontournable de l’équilibre des puissances ..15 

Perceptions et pratiques ....15 

Une notion controversée........19 

La conception tragique de la compétition entre grandes puissances ....24 

Les contours généraux d’une théorie élégante ....24 

Les limites d’une approche engagée........29 

II. UNE COURSE AU PRESTIGE ?......35 

Le statut comme enjeu structurant de la rivalité entre grandes puissances ....35 

Une fin en soi.......35 

Un impact à déterminer ......41 

L’écart entre la puissance et le statut comme source d’antagonismes ....50 

III. QUELLES CONSÉQUENCES POUR L’AVENIR DE L’ORDRE INTERNATIONAL ?..55 

Les degrés classiques de changements envisageables...55 

Un système international adaptable ? ......59 

CONCLUSION ....67


RÉSUMÉ 

Course à la puissance, à la sécurité, à la technologie, ou encore aux retombées économiques, la rivalité sino-américaine est généralement décrite comme une compétition qui englobe tous les domaines. Ces différentes dimensions ne dévoilent néanmoins jamais autant leur intérêt que lorsqu’elles sont analysées à travers la course au statut à laquelle elles participent. Traditionnellement mise en avant pour expliquer les relations entre la Chine et les États-Unis, la notion d’équilibre des puissances souffre à la fois d’une ambiguïté récurrente et d’une capacité explicative limitée, notamment dans sa version la plus visible, incarnée aujourd’hui par le réalisme offensif de John Mearsheimer. Pour comprendre comment les logiques de croissance économique, de puissance, et de prestige sont connectées et se répercutent sur l’ordre international, l’étude propose plutôt de puiser dans les travaux de Robert Gilpin. Les conclusions de la littérature récente en Relations internationales permettent ensuite d’identifier les sources d’antagonismes liées au statut. Il ne semble pas que le renversement de l’ordre international en place soit la priorité de la Chine. Cela pourrait le devenir si elle ne se voit pas conférer le statut qu’elle pense mériter. L’étude examine les différents scénarios envisageables et leurs modalités.


INTRODUCTION 

La place centrale qu’occupe la rivalité États-Unis/Chine, dans les chancelleries, les cercles savants ou les préoccupations du grand public, ne tient pas uniquement à l’ampleur des capacités destructrices des deux plus grandes puissances du système international contemporain. Elle s’explique aussi par son caractère quasi universellement observable. Que ce soit dans les grandes décisions de politique étrangère, dans les interactions économiques d’un grand nombre d’agents, dans les innovations technologiques réalisées, dans la nature des investissements consentis tout autour du monde en termes de développement économique ou d’infrastructures, partout on peut en voir les empreintes. La rivalité sino-américaine influence également les politiques environnementales, sanitaires, sportives, sans compter qu’elle comporte une dimension non matérielle au sein de l’espace public. On en déduit volontiers que la compétition sino-américaine est une course intégrale : une course à la puissance, à la richesse, à la technologie ou encore aux symboles. Or, une telle conclusion réduit artificiellement l’écart d’importance qui existe entre ces différentes sphères. En outre, affirmer que cette rivalité est alimentée par des moteurs aussi nombreux que variés en brouille la compréhension. Elle empêche l’élaboration d’une grille de lecture parcimonieuse et cohérente, seule susceptible de discerner clairement les causes à l’œuvre et de les distinguer de leurs moyens, de leurs effets, ainsi que d’éventuelles fausses pistes. Plutôt que de proposer une analyse des spécificités internes des États-Unis et de la Chine, cette étude présente les traits relatifs à la rivalité entre grandes puissances en général qu’elle applique à la compétition à laquelle se livrent Washington et Pékin, dans le but de mieux en cerner les enjeux et les possibilités de développement. Ce faisant, l’étude se focalise davantage sur les aspirations de la puissance émergente, en l’occurrence la Chine. D’une part, elles sont davantage source de controverses que celles des États-Unis ; d’autre part, de leur identification est censée dépendre la posture américaine. L’étude repose en grande partie sur une opposition entre la compétition pour la puissance, d’une part, et la quête de prestige et de statut, d’autre part. Il n’existe pas de consensus quant à la définition de la puissance. Néanmoins, lorsqu’elle est appliquée à la rivalité sino-américaine, l’hypothèse de compétition de puissance renvoie généralement à une course de chaque acteur pour se doter des atouts qui lui permettront de dominer l’autre matériellement. Le statut, quant à lui, renvoie à la place qu’occupe un acteur (ici un État) au sein d’une hiérarchie symbolique (ici internationale). Le prestige en est quasiment le synonyme, à la différence près qu’il constitue la ressource qui permet à l’acteur en question de se placer sur cette échelle sociale. Cette étude tente de démontrer que la rivalité entre les États-Unis et la Chine gagne à être perçue comme une course au statut et au prestige plutôt que comme une course à la puissance. Prendre du recul sur la situation stratégique contribue à mieux identifier les motivations des acteurs internationaux majeurs, à commencer par celles des grandes puissances. Les opportunités qui s’offrent à ces États, les contraintes auxquelles ils doivent faire face, ainsi que les réactions possibles de la part des autres acteurs sont des questionnements qui nourrissent les discussions au sein de la discipline des Relations internationales1 . En puisant dans ce champ, cette étude se propose de restituer plusieurs conclusions qui peuvent aider à penser de manière claire et cohérente la rivalité entre la Chine et les États-Unis sans la réduire aux spécificités géographiques, culturelles et politiques des deux pays.


Note 1:  Il est d’usage d’utiliser l’expression « relations internationales » sans majuscule pour parler du domaine d’interactions entre acteurs variés à l’échelle mondiale, et « Relations internationales » avec une majuscule pour parler de la discipline universitaire qui étudie ce domaine. 


Lire pour entier: 

https://www.irsem.fr/media/5-publications/etudes/etude-irsem-114-baranets-grandes-puissances.pdf



Séminaire neutralité 2 : Postures stratégiques et débats nationaux autour de la neutralité - IRSEM

IRSEM

Séminaire neutralité 2 : Postures stratégiques et débats nationaux autour de la neutralité

Informations et inscription

 

Cet événement se tiendra le 20 mars de 18h à 19h30

(14 à 15H30 do Brasil)

Le conflit en Ukraine a réveillé une question ancienne, que l’on croyait reléguée au passé pré-onusien : la neutralité des États non parties à un conflit armé, anciennement incarnée par la cinquième convention de La Haye sur la neutralité (1907)

 

Résumé

Le conflit en Ukraine a réveillé une question ancienne, que l’on croyait reléguée au passé pré-onusien : la neutralité des États non parties à un conflit armé, anciennement incarnée par la cinquième convention de La Haye sur la neutralité (1907).

Cette question ressurgit depuis le conflit ukrainien en 2022, dans un contexte où les États tiers au conflit n’ont pas de positions unanimes, les uns voulant rester absolument hors du conflit, les autres jugeant leur neutralité compatible une aide à l’Ukraine, notamment en termes de livraison d’armes ou de sanctions contre la Russie.  

Le centre Thucydide et l’IRSEM proposent un tour d’horizon de cette institution aux multiples facettes, qui touche de nombreuses disciplines, allant de la science politique aux sciences juridiques et économiques. Des thèmes précis seront ainsi étudiés sous forme de séminaires réunissant deux experts, chacune faisant l’objet d’un événement particulier hébergé alternativement par le Centre Thucydide et par l’IRSEM.

Intervenant(e)s : 

-Sophie Enos-Attali, Institut Catholique de Paris

-Marco Sassòli, Université de Genève

Séminaire animé par Laurent Trigeaud, Maître de conférences HDR en droit public à l’université Paris Panthéon-Assas et Directeur adjoint du Centre Thucydide.

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·       Ecole militaire

·       1 place Joffre

·       75007 Paris (France)

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Informations

Contact :

communication@irsem.fr

 

sexta-feira, 24 de setembro de 2021

O Instituto de Pesquisa Estratégica das FFAA francesas divulga um relatório sobre o momento maquiavélico da China - Paul Charon, Jean-Baptiste Jeangène Vilmer (IRSEM)


(fichier PDF)
Septembre 2021
646 pages
  

Pendant longtemps, on a pu dire que la Chine, contrairement à la Russie, cherchait davantage à être aimée que crainte ; qu’elle voulait séduire, projeter une image positive d’elle-même dans le monde, susciter l’admiration. Pékin n’a pas renoncé à séduire, à son attractivité et à son ambition de façonner les normes internationales, et il reste essentiel pour le Parti communiste de ne pas « perdre la face ». Mais, en même temps, Pékin assume de plus en plus d’infiltrer et de contraindre : ses opérations d’influence se sont considérablement durcies ces dernières années et ses méthodes ressemblent de plus en plus à celles employées par Moscou. C’est un « moment machiavélien » au sens où le Parti-État semble désormais estimer que, comme l’écrivait Machiavel dans Le Prince, « il est plus sûr d’être craint que d’être aimé ». Ce qui correspond à une « russianisation » des opérations d’influence chinoises.

Ce rapport s’intéresse à cette évolution, avec l’ambition de couvrir tout le spectre de l’influence, de la plus bénigne (diplomatie publique) à la plus maligne, c’est-à-dire l’ingérence (activités clandestines). Pour ce faire, il procède en quatre parties, présentant successivement les principaux concepts ; les acteurs mettant en œuvre ces opérations, notamment la base 311 de l’Armée populaire de libération ; les actions conduites par Pékin à l’égard des diasporas, des médias, de la diplomatie, de l’économie, de la politique, de l’éducation, des think tanks et en termes de manipulations de l’information, entre autres leviers ; et enfin quelques études de cas (Taïwan, Singapour, Suède, Canada, et les opérations ayant visé les manifestants hongkongais en 2019 ou cherché à faire croire à l’origine américaine de la Covid-19 en 2020). La conclusion revient sur cette « russianisation », qui a trois composantes : Pékin s’inspire de Moscou dans plusieurs registres, il subsiste évidemment des différences entre les deux, et il existe aussi un certain degré de coopération. Pour finir, le rapport évalue l’efficacité de cette nouvelle posture chinoise qui peut s’enorgueillir de certains succès tactiques, mais constitue un échec stratégique.

 

Auteurs : Paul Charon (directeur du domaine « Renseignement, anticipation et menaces hybrides » de l’IRSEM) et Jean-Baptiste Jeangène Vilmer (directeur de l’IRSEM).

 


 Résumé 

 

     Pendant longtemps, on a pu dire que la Chine, contrairement à la Russie, cherchait davantage à être aimée que crainte ; qu’elle voulait séduire, projeter une image positive d’elle-même dans le monde, susciter l’admiration. Pékin n’a pas renoncé à séduire, à son attractivité ni à son ambition de façonner les normes internationales, et il reste très important pour le PCC de ne pas « perdre la face ». Mais, en même temps, Pékin assume de plus en plus d’infiltrer et de contraindre : ses opérations d’influence se sont considérablement durcies ces dernières années et ses méthodes ressemblent de plus en plus à celles employées par Moscou. C’est un « moment machiavélien » au sens où Pékin semble désormais estimer que, comme l’écrivait Machiavel dans Le Prince, « il est plus sûr d’être craint que d’être aimé ». Ce qui correspond donc à une « russianisation » des opérations d’influence chinoises. Ce rapport s’intéresse à cette évolution, avec l’ambition de couvrir tout le spectre de l’influence, de la plus bénigne (diplomatie publique) à la plus maligne, c’est-à-dire l’ingérence (activités clandestines). Pour ce faire, il procède en quatre parties, présentant successivement les concepts, les acteurs, les actions et quelques cas.

 

1. Les concepts importants pour comprendre les opérations d’influence chinoises sont notamment ceux de « Front uni »– une politique du PCC qui consiste à éliminer ses ennemis intérieurs comme extérieurs, contrôler les groupes qui peuvent défier son autorité, construire une coalition autour du Parti pour servir ses intérêts, et projeter son influence jusqu’à l’étranger – et des « Trois guerres », qui représentent l’essentiel de la « guerre politique » chinoise, une forme de conflictualité non cinétique visant à vaincre sans combattre, en façonnant un environnement favorable à la Chine. Entreprise en temps de guerre comme en temps de paix, elle est composée de la guerre de l’opinion publique, la guerre psychologique et la guerre du droit (qui s’apparente, sans correspondre complètement, à ce que l’on appelle en anglais le lawfare).

Un autre concept, d’importation soviétique, est également utile pour décrire le répertoire utilisé par Pékin : celui de « mesures actives », dont font notamment partie la désinformation, les contrefaçons, le sabotage, les opérations de discrédit, la déstabilisation de gouvernements étrangers, les provocations, les opérations sous fausse bannière et les manipulations destinées à fragiliser la cohésion sociale, le recrutement d’« idiots utiles » et la création de structures de façade (organisations de front).

 

2. Les acteurs principaux mettant en œuvre les opérations d’influence chinoises sont des émanations du Parti, de l’État, de l’Armée comme des entreprises. Au sein du Parti, il s’agit en particulier du département de Propagande, en charge de l’idéologie, qui contrôle tout le spectre des médias et toute la production culturelle du pays ; du département du Travail de Front uni (DTFU), qui comporte douze bureaux, reflétant ses principales cibles ; du département des Liaisons internationales (DLI), qui entretient des relations avec les partis politiques étrangers ; du Bureau 610, qui a des agents dans le monde entier agissant en dehors de tout cadre légal pour éradiquer le mouvement Falun Gong ; il faut inclure dans ce groupe la Ligue de la jeunesse communiste (LJC), tout à la fois courroie de transmission vers la jeunesse, pépinière pour de futurs cadres du Parti et force mobilisable en cas de besoin, même si elle n’est pas formellement une structure du Parti mais une organisation de masse.

Au sein de l’État, deux structures en particulier sont impliquées dans les opérations d’influence : le ministère de la Sécurité d’État (MSE), qui est la principale agence civile de renseignement, et le bureau des Affaires taïwanaises (BAT), qui a la charge de la propagande à destination de Taïwan.

Au sein de l’Armée populaire de libération (APL), c’est la Force de soutien stratégique (FSS), et notamment le département des Systèmes de réseaux, qui dispose des capacités et missions dans le domaine informationnel. Plus précisément, le principal acteur identifié dans ce domaine est la base 311, qui a son quartier général dans la ville de Fuzhou, et qui est dédiée à l’application de la stratégie des « Trois guerres ». Elle gère aussi des entreprises de médias qui servent de couvertures civiles et un faux hôtel qui est en réalité un centre de formation.

Enfin, les entreprises publiques comme privées jouent un rôle important dans la collecte des données dont l’efficacité des opérations d’influence dépend puisqu’il faut savoir qui influencer, quand et comment. Peuvent en particulier servir à la collecte des données les infrastructures, notamment les bâtiments et les câbles sous-marins ; ainsi que les nouvelles technologies, dont les plateformes numériques WeChat, Weibo et TikTok, des entreprises comme Beidou et Huawei, et des bases de données offrant un aperçu de ce que des chercheurs appellent le « techno-autoritarisme », ou « autoritarisme numérique » chinois, et qui sont utilisées pour alimenter et préparer des opérations d’influence à l’étranger. Il faudrait ajouter le département d’état-major interarmes qui semble avoir hérité des missions de renseignement humain de l’ancien 2APL. Faute de sources celui-ci n’est toutefois pas abordé dans le présent rapport.

 

3. Les actions mises en œuvre par Pékin dans ses opérations d’influence à l’étranger relèvent de deux objectifs principaux et non exclusifs l’un de l’autre : d’une part, séduire et subjuguer les publics étrangers, en faisant une narration positive de la Chine, dont témoignent notamment quatre récits (le « modèle » chinois, la tradition, la bienveillance et la puissance) ; d’autre part et surtout, infiltrer et contraindre. L’infiltration vise à pénétrer lentement les sociétés adverses afin d’entraver toute velléité d’action contraire aux intérêts du Parti. La contrainte correspond à l’élargissement progressif de la diplomatie « punitive » ou « coercitive » pour devenir une politique de sanction systématique contre tout État, organisation, entreprise ou individu menaçant les intérêts du Parti. L’une comme l’autre passent généralement par une nébuleuse d’intermédiaires. Ces pratiques visent en particulier les catégories suivantes :

- les diasporas, avec le double objectif de les contrôler pour qu’elles ne représentent pas de menace pour le pouvoir (Pékin mène une campagne de répression transnationale qui, selon l’ONG Freedom House, est « la plus sophistiquée, globale et complète dans le monde ») et de les mobiliser pour servir ses intérêts.

- les médias, l’objectif explicite de Pékin étant d’établir « un nouvel ordre mondial des médias ». Pour ce faire, le pouvoir a investi 1,3 milliard d’euros par an depuis 2008 pour mieux contrôler son image dans le monde. Les grands médias chinois ont une présence mondiale, dans plusieurs langues, sur plusieurs continents, et sur tous les réseaux sociaux, y compris ceux bloqués en Chine (Twitter, Facebook, YouTube, Instagram), et ils investissent beaucoup d’argent pour amplifier artificiellement leur audience en ligne. Pékin cherche aussi à contrôler les médias sinophones à l’étranger, avec succès puisque le PCC a de fait une situation de quasi-monopole, et les médias mainstream. Enfin, le Parti-État s’intéresse aussi au contrôle du contenant, influençant chaque étape de la chaîne d’approvisionnement mondiale de l’information, avec la télévision, les plateformes numériques et les smartphones.

- la diplomatie, et notamment deux éléments. D’une part, l’influence sur les organisations et les normes internationales : Pékin déploie non seulement des efforts diplomatiques classiques mais aussi des opérations d’influence clandestines (pressions économiques et politiques, cooptation, coercition et corruption) afin de renforcer son influence. D’autre part, la diplomatie dite du « loup guerrier » désigne les postures du porte-parolat du ministère des Affaires étrangères et d’une dizaine de diplomates qui font preuve d’une agressivité croissante. Les attaques adoptent des formes classiques mais aussi relativement nouvelles, reposant notamment sur une utilisation des réseaux sociaux et un recours décomplexé à l’invective, l’admonestation voire l’intimidation. Globalement, ce tournant agressif de la diplomatie chinoise est contre-productif et a largement contribué à la dégradation brutale de l’image de la Chine dans le monde ces dernières années, mais l’évolution est sans doute durable parce que l’objectif de cette stratégie est moins de conquérir les cœurs et les esprits que de plaire à Pékin.

- l’économie, la dépendance économique à l’égard de la Chine étant bien souvent le premier levier utilisé. La coercition économique chinoise prend des formes extrêmement variées : déni d’accès au marché chinois, embargos, sanctions commerciales, restrictions aux investissements, contingentement du tourisme chinois dont dépendent certaines régions, organisations de boycotts populaires. Pékin fait de plus en plus de la censure un prérequis pour l’accès à son marché. Et beaucoup d’entreprises finissent par plier sous la pression.

- la politique, avec l’objectif de pénétrer les sociétés cibles afin d’influencer les mécanismes d’élaboration des politiques publiques. Entretenir des relations directes avec des partis et des personnalités politiques influentes permet d’infiltrer les sociétés cibles, de recueillir des soutiens officiels et officieux, et de contourner d’éventuels blocages au sein du pouvoir en jouant sur des personnalités politiques de l’opposition ou à la « retraite ». Pékin pratique également l’ingérence électorale (au cours de la dernière décennie, la Chine se serait ingérée dans au moins 10 scrutins dans 7 pays).

- l’éducation, d’abord et en premier lieu via les universités, qui sont l’une des principales cibles des efforts d’influence du Parti. Ses principaux leviers sont la dépendance financière, engendrant de l’autocensure dans les établissements concernés ; la surveillance et l’intimidation, sur les campus étrangers, des étudiants chinois, mais aussi des enseignants et administrateurs de l’université, pour faire modifier le contenu des cours, le matériel pédagogique ou la programmation d’événements ; et le façonnement des études chinoises, en incitant à l’autocensure et en punissant les chercheurs critiques. Le Parti-État utilise également les universités pour acquérir des connaissances et des technologies, par des moyens légaux et non dissimulés comme des programmes de recherche conjoints, ou des moyens illégaux et dissimulés comme le vol et l’espionnage. Dans un contexte de fusion civilo-militaire, certains programmes conjoints ou des chercheurs cumulant des postes dans des dizaines d’universités occidentales aident involontairement Pékin à construire des armes de destruction massive ou développer des technologies de surveillance qui serviront à opprimer la population chinoise – plusieurs scandales ont éclaté en 2020 et 2021.

Enfin, il existe un autre acteur important de l’influence chinoise dans le domaine de l’éducation, qui est d’ailleurs lié aux universités : les instituts et classes Confucius qui sont implantés partout dans le monde et qui, sous couvert d’enseigner la langue et la culture chinoises, accroissent la dépendance voire la sujétion de certains établissements, portent atteinte à la liberté académique et pourraient aussi servir occasionnellement à faire de l’espionnage.

- les think tanks, la stratégie chinoise dans ce domaine étant duale, Pékin cherchant à implanter à l’étranger des antennes de think tanks chinois, et à exploiter des relais locaux qui peuvent être eux-mêmes des think tanks, avec trois cas de figure : les partenaires ponctuels servant de caisse de résonance sur les marchés des idées locaux, les alliés de circonstance qui travaillent avec le PCC de manière régulière et les complices qui partagent avec lui une vision commune du monde et dont les intérêts sont convergents.

- la culture, d’abord par la production et l’exportation de produits culturels, tels que les films et les séries télévisées, la musique ou encore les livres, qui sont de puissants vecteurs de séduction. L’influence s’exerce aussi sur les productions culturelles étrangères, notamment sur le cinéma, avec l’exemple d’Hollywood : pour ne pas contrarier Pékin et maintenir leur accès au gigantesque marché chinois, beaucoup de studios de cinéma américains pratiquent l’autocensure, coupant, modifiant des scènes, voire font du zèle, en donnant aux personnages chinois le « bon » rôle. Le déni d’accès au marché chinois est une pratique généralisée pour tous les artistes critiquant le Parti-État. Par d’autres types de pressions, Pékin espère également inciter les artistes à modifier leurs œuvres, ou ceux qui les montrent ailleurs dans le monde à cesser de le faire, voire à faire le travail des censeurs chinois.

- les manipulations de l’information, en créant de fausses identités pour diffuser la propagande du Parti dans les médias, en ayant recours à de faux comptes sur les réseaux sociaux, des trolls et de l’astrosurfing (pour simuler un mouvement populaire spontané), en utilisant un grand nombre de « commentateurs internet » (labellisés à tort « armée des 50 centimes »), payés pour « guider » l’opinion publique. En général contrôlés par l’APL ou la LJC, les trolls défendent, attaquent, entretiennent des polémiques, insultent, harcèlent. Une autre manière de simuler l’authenticité est de faire publier des contenus par des tiers, contre de l’argent (fermes de contenu, achat d’un message ponctuel, d’une influence sur un compte, d’un compte ou d’une page, ou recrutement d’un « influenceur »). Depuis 2019, Twitter, Facebook et YouTube n’hésitent plus à identifier des campagnes coordonnées comme étant originaires de Chine. Des dizaines de milliers de faux comptes ont ainsi été suspendus, certains « dormants » depuis longtemps, d’autres achetés ou volés, amplifiant la propagande chinoise et attaquant les États-Unis, en chinois et en anglais. Certains comptes ont des images de profil générées par intelligence artificielle – une pratique désormais régulièrement observée dans les opérations chinoises sur les réseaux sociaux. Un aspect important de ces campagnes est qu’elles ne se contentent pas de défendre la Chine : la promotion du modèle chinois passe par la dégradation des autres modèles, en particulier de celui des démocraties libérales, comme le font les opérations d’influence russes depuis des années. L’APL est au cœur de ces manœuvres : elle utilise les réseaux sociaux pour, d’une part, de l’influence « ouverte », en diffusant de la propagande, souvent à des fins de dissuasion et de guerre psychologique et, d’autre part, des opérations clandestines et hostiles contre des cibles étrangères.

Parmi les autres leviers utilisés par Pékin dans ses opérations d’influence, figurent notamment des mouvements citoyens, en particulier indépendantistes (Nouvelle-Calédonie, Okinawa) et pacifistes (groupe No Cold War), les touristes chinois, les influenceurs, notamment les Youtubeurs occidentaux et les universitaires étrangers, mais aussi les otages puisque Pékin pratique une « diplomatie des otages ».

 

4. Les études de cas prennent la forme de cercles concentriques. Taïwan et Hong Kong constituent le premier front de la « guerre politique » de Pékin : ce sont des avant-postes, des terrains d’entraînement, des « laboratoires de R&D » des opérations chinoises, qui peuvent ensuite être affinées et appliquées à d’autres cibles dans le monde – comme la Géorgie et l’Ukraine ont pu l’être pour les opérations russes. La première étape de l’élargissement du cercle des opérations chinoises a porté sur l’Australie et la Nouvelle-Zélande. La seconde étape a porté sur le reste du monde, en particulier, mais pas seulement, l’Europe et l’Amérique du Nord. Cette partie présente quatre situations : Taïwan, Singapour, Suède, Canada – et deux opérations : celle ayant visé les manifestants hongkongais en 2019 et celle ayant cherché à faire croire à l’origine américaine de la Covid-19 en 2020.

Enfin, la conclusion revient sur ce « moment machiavélien » en deux temps. D’abord, pour confirmer qu’il s’agit bien d’une « russianisation » des opérations d’influence chinoises depuis 2017 environ : le parallèle avait déjà été fait en 2018 au moment des élections municipales taïwanaises, puis en 2019 lors de la crise hongkongaise, et c’est en 2020, pendant la pandémie de Covid-19, que le monde entier a pris conscience du problème. Cette russianisation a trois composantes, qui sont développées : Pékin s’inspire de Moscou dans plusieurs registres (et la littérature militaire chinoise reconnaît que, pour l’APL, la Russie est un modèle à imiter en la matière) ; il subsiste évidemment des différences entre les deux ; et il existe aussi un certain degré de coopération.

Ensuite, la conclusion cherche aussi à faire une évaluation de l’efficacité de cette nouvelle posture chinoise et conclut que, si elle implique certains succès tactiques, elle constitue un échec stratégique, la Chine étant son meilleur ennemi en matière d’influence. La dégradation brutale de l’image de Pékin depuis l’arrivée de Xi Jinping, en particulier ces derniers années, pose à la Chine un problème d’impopularité qui prend des proportions telles qu’il pourrait à terme indirectement affaiblir le Parti, y compris vis-à-vis de sa propre population.

L'IRSEM 

L’Institut de Recherche Stratégique de l’École Militaire est le premier centre d’études sur la guerre dans le monde francophone.