Au Venezuela, l'opposition se renforce malgré la répression
La séparation entre l'Est résidentiel et l'Ouest populaire de Caracas est souvent présentée comme le reflet d'un pays coupé en deux. Cependant, ce samedi matin, une soixantaine d'opposants sortent du métro de la place Venezuela, où se rassemblaient les partisans de l'ancien président Hugo Chavez. « Qui sommes-nous ?, crient les premiers, ceux de l'Ouest. Que voulons-nous ? La liberté ! »
Devant ses partisans, le président Nicolas Maduro a encore taxé l'opposition de « terrorisme, vandalisme et fascisme ».
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Le groupe d'opposants venus de l'Ouest de Caracas enfile bruyamment le boulevard de Sabana Grande, vers l'avenue Francisco de Miranda. Lorsqu'ils passent devant un détachement de policiers, ils les interpellent : « Gardien, frère, nous luttons pour toi aussi. » Parmi d'autres slogans, revient souvent celui qui refuse l'instauration d'« une dictature à la cubaine ».
Les manifestations lancées après l'élection de Nicolas Maduro à la présidence du Venezuela ont fait au moins sept morts, dont un policier, et soixante et un blessés. "Lors de ces violences, sept Vénézuéliens sont morts, parmi eux un fonctionnaire de police de l'Etat de Tachira", a déclaré Luisa Ortega, procureur général, précisant que cent trente-cinq personnes avaient été interpellées au cours des manifestations.
« LA JUSTICE DANSE SELON LA MUSIQUE JOUÉE PAR L'EXÉCUTIF »
Beaucoup ont le sentiment que le Venezuela bascule vers la dictature, alors que le gouvernement multiplie les attaques contre des élus de l'opposition. « Justice a été rendue et justice continuera d'être rendue », prétend le président Maduro, qui annonce lui-même les prochaines décisions du pouvoir judiciaire.« Nous assistons à une situation inédite, à une tragicomédie : la justice danse selon la musique jouée par l'exécutif », affirme le juriste Nelson Socorro.
Toutefois, l'escalade répressive n'a pas intimidé les opposants, qui sont parvenus à rebondir, à en juger par la mobilisation de samedi, à Caracas et dans une douzaine d'Etats (sur vingt-trois). A San Cristobal, capitale de l'Etat de Tachira, dont le maire Daniel Ceballos a été emprisonné mercredi, les manifestations et affrontements ont duré douze heures, vendredi, et provoqué la mort par balle d'un homme.
A Caracas, les « Gochos », les naturels du Tachira, ont été ovationnés par les manifestants. C'est là-bas que le mouvement étudiant a commencé et a ensuite essaimé sur tout le pays. « Nous sommes furieux et nous allons continuer dans les rues, confie Jean Piero Osorio, dirigeant étudiant de l'Université des Andes, à San Cristobal. Nous ne voulons pas de dialogue avec ce président mensonger, mais sa démission. »
« LE GOUVERNEMENT EST FRAGILE, MAIS SA CHUTE N'EST PAS IMMINENTE »
Dans une lettre ouverte envoyée de son cachot et lue devant la foule rassemblée à Caracas, Leopoldo Lopez, lui aussi, place la barre très haut : il demande à M. Maduro de renoncer au pouvoir et de permettre ainsi aux chavistes et aux opposants d'entamer, ensemble, une transition vers « une véritable démocratie ».
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Tout le monde dans l'opposition ne partage pas cet espoir d'un dénouement rapide de la crise. « Le gouvernement est plus fragile qu'il n'en a l'air, mais sa chute n'est pas imminente », estime Guillermo Ramon Aveledo, le stratège de la Table de l'unité démocratique (MUD). A son avis, les six semaines de fièvre que vient de vivre le Venezuela ont aggravé la polarisation entre les deux moitiés du pays, même si beaucoup de chavistes ne sont pas d'accord avec la répression.
Les manifestations de samedi ont renforcé l'opposition, d'autant que la concentration organisée au même moment par le pouvoir a tourné au désavantage des chavistes. Depuis février, le gouvernement peine à mobiliser ses partisans. A en croire certains observateurs, parce que la pénurie de ressources touche la logistique nécessaire à l'organisation des grandes messes affectionnées par feu le président Chavez.
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Pour sortir de l'impasse, une négociation entre les chavistes et l'opposition serait nécessaire. La MUD pose deux conditions : qu'elle soit publique et en présence d'un médiateur de bonne foi, vénézuélien ou international. Les opposants ne manqueront pas d'exposer leurs arguments devant les ministres des affaires étrangères sud-américains, attendus à Caracas le 25 mars. Mais M. Aveledo ne cache pas son pessimisme face à l'intransigeance du pouvoir.
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