Um trabalho preparado para um colóquio em Brasília, no mês de março, ainda em revisão.
Coloquei em pdf em Academia.edu (https://www.academia.edu/s/d1a565519e/diplomates-bresiliens-dans-les-lettres-et-les-humanites-2019).
Diplomates brésiliens dans les
lettres et les humanités
Paulo Roberto de Almeida
[Objectif:
colloque « Diplomates et écrivains »; finalité: exposé synthétique]
Diplomates écrivains ou écrivains qui sont aussi diplomates ?
Quelle
est la différence entre un diplomate écrivain, et un écrivain qui devient
diplomate ? Il n’y a pas une réponse univoque à cette question, car
l’origine, ou la condition professionnelle ou littéraire, de l’un et de l’autre
est dépendante d’une certaine structure sociale, ou institutionnelle, qui
préside aux rapports entre les deux conditions. Être écrivain n’est pas, sinon
rarement, une profession, du moins pour la plupart, ou la quasi majorité de
ceux qui se dédient aux arts de l’écriture. N’est pas Georges Simenon, ou Paulo
Coelho, qui veut, mais seulement ceux qui ont accédé à une situation de
prestige dans l’exercice de l’écriture permanente, les happy few qui peuvent
vivre à l’aide de sa plume (ou machine à écrire et ordinateur) exclusivement.
Dans le
cas brésilien, aucun écrivain ne sera invité à s’exercer dans la carrière
diplomatique – sinon pour des missions spéciales – parce que cela est
impossible dans la législation actuelle du Ministère des Affaires Étrangères,
qui réserve l’entrée dans la carrière à ceux qui passent les concours de
sélection de l’Institut Rio Branco. Mais, il n’a pas toujours été ainsi :
avant l’institutionnalisation du concours, en 1945, on pouvait entrer
« par la fenêtre », soit désigné politiquement, par les rapports de
famille ou d’amitié. Sous la monarchie (1822-1899) et la « vielle »
République, et même jusqu’à la Seconde Guerre, le concours était occasionnel et
aléatoire.
On peut,
donc, faire cette distinction fonctionnelle : auparavant, il était facile
d’être un écrivain diplomate ; par après, le plus souvent est l’existence
des diplomates écrivains, mais seulement en tant qu’une sorte de hobby, en
marge de l’exercice professionnel dans la carrière. Les gens de lettres de la
monarchie ou de la République oligarchique cherchaient dans la carrière cette
possibilité de vivre à Paris ou à d’autres places de prestige, rien que pour
profiter d’une bonne ambiance de travail, en se frottant à des membres connus
de la République des Lettres ; on voulait s’éloigner de la misère
brésilienne, du désert culturel d’un pays tropical, peuplé d’ignorants. Actuellement,
il faut échapper de la bureaucratie oppressante et se refugier dans l’écriture,
à des heures libres, ou essayer de combiner le travail à l’ambassade avec des
cours et de recherches menées quasi à la sauvette, pour ceux qui veulent
maintenir une carrière académique.
Au début, la construction de la nation : Hipólito da Costa
Le premier brésilien qui
s’est adonné à l’écriture, tout en étant proche de la vie diplomatique, même
s’il n’a jamais exercé des fonctions officielles dans la diplomatie portugaise
ou brésilienne, a été Hipólito José da Costa, sujet Portugais, né dans la colonie
de Sacramento (Uruguay) au dernier tiers du XVIIIe siècle, élevé et éduqué dans
les premières lettres à Rio Grande, au sud du Brésil, entré en université à
Coimbra, Portugal, plus tard persécuté par l’Inquisition portugaise par son
adhésion à la maçonnerie, et refugié en Angleterre vers 1805, où il a créé et
maintenu pendant 14 ans le premier journal brésilien indépendant, le Correio Braziliense, une entreprise
d’écriture exceptionnelle, de prises de position en faveur du Brésil avant
l’indépendance en 1822. Même s’il a n’a jamais retourné au Brésil après son
départ très jeune au Portugal, et d’être mort en Angleterre un an après la
proclamation de l’indépendance, il peut être considéré le premier homme d’État
du Brésil, étant donné son rôle magistral dans la construction intellectuelle
de la nouvelle nation, de par son travail infatigable de chroniqueur des
événements courants en Europe et dans la péninsule ibérique, et par rapport aux
indépendances latino-américaines.
Les pages de son Courrier Brésilien, qu’il appelait
« Armazém Literário », soit, une « épicerie littéraire »,
sont remplies à chaque édition de rapports, des dépêches et des commentaires
sur toutes les régions de la planète, tant sur le cours des affaires
politiques, les guerres d’indépendance, que sur la production littéraire
justement, souvent des livres d’histoire ou d’économie, parmi lesquels Adam
Smith, Sismondi et d’autres. Il peut être aussi considéré le premier
américaniste brésilien, une espèce de Tocqueville avant la lettre, car ayant
accompli, aux dernières années du XVIIIe siècle (1798-99), un voyage de
recherches scientifiques et économiques aux Etats-Unis, au service du plus
puissant ministre de la cour portugaise à cette époque, le Comte de Linhares,
D. Rodrigo de Souza Coutinho, qui lui avait demandé d’enquêter sur les progrès
techniques, agricoles et manufacturiers de la toute nouvelle République
américaine. Son voyage d’inspection, presque d’espionnage économique aux
Etats-Unis, a fait l’objet d’un rapport officiel, rendu à son ministre, et d’un
cahier de mémoires qui n’a été découvert qu’en 1955 et publié par l’Académie
Brésilienne de Lettres, plusieurs fois édité depuis lors.
Cet esprit illuministe,
libéral et libertaire, maçon, peut être, en effet, considéré comme le premier
homme d’État brésilien, car c’est lui qui, au moyen de l’écriture de son Courrier Brésilien, a vraiment conçu
comment le Brésil devait se placer au centre d’un vaste Empire portugais
éparpille dans quatre continents, et n’ont pas se décider pour la séparation. À
la fin de sa vie, ayant déjà adhéré au Brésil indépendant, il a été nommé par
le « père fondateur » du nouveau gouvernement, et premier ministre
des affaires étrangères, José Bonifácio, Consul en Grande-Bretagne, bien qu’il n’ait
pu jamais exercé cette fonction, étant décédé en Septembre 1823.
Il est important
d’enregistrer qu’au moment des grandes commotions soulevées par la révolution
libérale de Porto, en 1820, qui a résulté dans l’abolition de l’absolutisme et
l’instauration d’une monarchie constitutionnelle au Portugal, Hipólito était
contraire à la séparation des deux États, préférant le maintien de l’unité
politique entre eux, mais avec la prééminence du Brésil, depuis bien avant
devenu la principale base économique du vaste empire portugais d’outre mer,
avec ses richesses de mines, du sucre, du coton, et d’un produit qui allait
devenir le symbole du pays dans les deux siècles suivants, le café. Mais, ayant
suivi les tractations de l’Assemblée Constituante à Lisbonne, pour discuter de
la nouvelle situation crée par le retour du roi du Brésil, il a conclut que les
représentants portugais voulaient tout simplement faire le Brésil retourner à
sa condition coloniale, et prend donc fait et cause pour l’indépendance, en
suivant dans cela son grand ami et fondateur du nouvel État, José Bonifácio de
Andrada e Silva, devenu l’homme clé du premier gouvernement de Pedro, fils de
D. João VI.
Dans cette condition de
Consul désigné, mais de probable premier représentant diplomatique du Brésil
auprès de la plus grande puissance politique, économique et militaire à cette
époque, la Grande Bretagne, la pensée et l’œuvre d’Hipólito da Costa auraient
pu donner le départ à la collection de grands noms de la diplomatie brésilienne
qui se sont aussi exercé dans l’écriture, O
Itamaraty na Cultura Brasileira. Conçue en 2001 par un véritable homme de
lettres, l’ambassadeur Alberto da Costa e Silva, cet ouvrage a été composé par
un autre homme de lettres, le ministre des affaires étrangères Celso Lafer. Une
nouvelle édition est en train d’être préparée, avec l’addition de six nouveaux
noms de diplomates écrivains décédés depuis la première édition.
L’historien diplomate, au service de l’État : Varnhagen
Cette très belle entreprise
de synthèse monographique des grands diplomates brésiliens qui se sont excellés
dans les lettres, les humanités, l’économie, commence en fait par notre premier
historien, d’ailleurs le patron de l’historiographie brésilienne, Francisco
Adolfo de Varnhagen, fils d’un ingénieur militaire allemand venu au Brésil pour
installer les premières forges du pays et reparti au Portugal au moment de
départ du roi. Le jeune Varnhagen fait toutes ses études à l’ancienne métropole,
devenant, comme son père, ingénieur militaire, mais depuis très jeune dédié aux
recherches historiques dans les archives coloniales portugaises. C’est lui qui
a établi, d’après plusieurs manuscrits consultés, la rédaction des premiers
documents sur la nouvelle terre découverte et occupée par les Portugais ;
c’est aussi lui qui a redécouvert la tombe du « découvreur » du
Brésil, Pedro Alvares Cabral, dans une petite église à l’intérieur.
C’est Varnhagen qui donne
le départ à une histoire alignée au pouvoir monarchique, totalement
légitimiste, offrant la version officielle, la raison d’État, aux révoltes
régionales, souvent fédéralistes et contre le régime unitaire, mais que suit
dans tout son parcours coloniale la lente conformation de l’unité territoriale
d’un pays qui, avant de se convertir en nation indépendante, a vu grandir son
territoire original, limité à la côte atlantique au début, mais qui est devenu
presque la moitié de toute l’Amérique du Sud. À l’origine, le Brésil ne devrait
même pas être Portugais, car la première division du monde, faite par le pape
Alejandro Borgia, la bulle Inter Coetera,
de 1493, fixait la ligne de partage entre les empires portugais et espagnols au
milieu de l’Atlantique. Le roi portugais, certain de l’existence de terres plus
loin à l’Ouest, a menacé son voisin espagnol d’un guerre, ce qui les a menés à
signer le Traité de Tordesillas (1494), qui peut être considéré le premier
traité bilatéral de division du monde, une espèce de Yalta à l’aube du monde
moderne, et qui a survécu pendant deux siècles et demi, jusqu’à la négociation
d’un nouvel traité, celui de Madrid, de 1750, en étendant les terres
portugaises jusqu’en Amazonie, à peu près dans les dimensions du Brésil
actuel ; c’est l’œuvre d’un diplomate portugais, mais né au Brésil,
Alexandre de Gusmão, au service du roi D. João V. Mais c’est à propos du Traité
de Tordesillas que le roi français François 1er a dit qu’il « voudrais bien voir la clause du testament d'Adam qui m'exclut du partage du monde ».
Francisco Varnhagen a
écrit toute cette histoire jusqu’à l’indépendance, et même après, toujours
défendant la couronne des Braganças contre les révoltes provinciales qui
cherchaient à avoir plus des droits dans un système fortement centralisé. Sa
collection monumentale en cinq volumes de l’Histoire
Générale du Brésil est resté pendant plusieurs générations la référence
primordiale de l’historiographie brésilienne, mais il ne faut pas oublier non
plus son Mémorial Organique, de 1849,
qui a établit le premier planning stratégique pour la construction de la
nation, toujours inachevée, deux cents ans après l’indépendance. L’historien
qui a le plus écrit sur lui et son œuvre, Arno Wehling, président de l’Institut
Historique et Géographique Brésilien (IHGB), remarque que Varnhagen est entré
en diplomatie « à partir de ses titres intellectuels, en tant que jeune
chercheur déjà bien accompli dans le domaine de l’historiographie, avec la
mission expresse de mener des investigations présentant un intérêt pour le
pays. Il ne s’agissait pas d’un diplomate avec des intérêts d’historien, mais
d’un historien qui devrait, dans son activité diplomatique [à partir de 1842],
s’occuper de la recherche historique ». (Arno Wehling, « Varnhagen,
história e diplomacia », revue 200,
n. 1, 2018, pp. 17-39, cf. p. 19.)
Les écrivains diplomates
brésiliens : la vie en douceur dans la diplomatie
Il y a ensuite, dans ce
grand livre O Itamaraty na Cultura
Brasileira, tout une succession de diplomates écrivains, qui sont en fait
des écrivains diplomates, des hommes de lettres qui sont entrés en diplomatie,
pendant un siècle a partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, précisément
pour écrire, pas nécessairement pour faire de la diplomatie. Ce sont des litterati, des dandy capables d’écrire
des verses en Français, mais pas de trouver des solutions aux problèmes les
plus pressants du pays : l’esclavage, un Loi de Terres qui empêche l’accès
aux immigrants, l’option républicaine supposément égalitaire plutôt que
l’aristocratisme de la monarchie, la défense des intérêts nationaux en face de
l’agressivité des impérialismes, la promotion de l’éducation de masse. Certains
s’en inquiètent, comme Joaquim Nabuco, lui même un aristocrate du sucre du
Nord-Est, monarchiste entré au service de la République par goût de l’histoire
et de la poésie, devenu le premier Ambassadeur du Brésil aux Etats-Unis, au
moment où la grande aigle du Nord projette son œil sur l’Amérique centrale et
les Caraïbes. L’essai sur Joaquim Nabuco est d’ailleurs écrit par un autre
diplomate, Evaldo Cabral de Mello, lui-même originaire du même état que Nabuco,
le Pernambouc sucrier, et probablement le plus grand historien brésilien à
l’actualité.
D’autres, comme Oliveira
Lima, historien entré en diplomatie lors de l’avènement de la République, mais
qui est devenu monarchiste après bien des déceptions avec le nouveau régime. Il
avait aussi ce besoin pressant de continuer des activités littéraires et de
recherche dans des archives, pour poursuivre une carrière en douceur, aux
grands postes de l’Europe impérialiste. Que la carrière diplomatique flatte son
amour propre, qu’elle soit un actif de prestige social et un atout pour des
promotions et accès à des postes plus convenables, ce sont là des compensations
additionnelles qui ne sauraient entamer les buts originaux. Il y a là toute une
accumulation de prestige e de reconnaissance sociale qui se situe à la même
dimension des efforts déployés dans les activités littéraires et académiques
exercées en parallèle. Son essai biographique a été fait par un grand historien
brésilien, Carlos Guilherme Mota, qui n’a cependant pas aucun rapport la
diplomatie ou la politique étrangère du Brésil.
D’une manière générale, les
écrivains diplomates ne sont pas très friands des marchés – c’est-à-dire, les activités
de promotion commerciale seulement dignes des boutiquiers et des épiciers –
préférant l’ombre paisible des gouvernements, et les écrits sur la High Politics, plutôt que les contacts avec
les importateurs de café. Mais, les diplomates écrivains, qui sont ceux
appartenant déjà à la République, ayant entré en carrière pendant ou après la
Seconde Guerre, ne se sont pas, pour autant, dédiés aux sujets d’histoire
diplomatique ou à des questions politiques et sociales, comme Oliveira Lima et
Joaquim Nabuco. Ils ont, pour la plupart, pris le choix de la littérature en
tant que telle, avec très peu d’exceptions. Le plus grand d’entre eux, par
exemple, Guimarães Rosa, est le constructeur d’un langage unique dans la
littérature et même dans la terminologie régionale et la lexicographie du
Portugais brésilien, puisant son vocable dans le parler spécial des éleveurs et
trappeurs de l’intérieur de Minas Gerais, son état d’origine, appartenant
encore à ce vaste heartland rustique
des hauts plateaux du Brésil. Son essai a été préparé par un diplomate
écrivain, Felipe Fortuna, qui s’est dédié à la poésie et aux essais, probable
futur membre de l’Académie Brésilienne des Lettres. Beaucoup d’autres son
restés effectivement des hommes de lettres, et très rarement des bureaucrates
ayant laissé une forte empreinte dans la diplomatie officielle.
L’un de ces diplomates
écrivains était déjà un poète reconnu avant d’entrer dans la carrière, Vinicius
de Moraes, devenu l’un des plus importants compositeurs de la musique
populaire, mis à la retraite par le gouvernement militaire, et le seul parmi les
« sujets » littéraires qui sont contemplés dans ce beau livre à
mériter deux chapitres, l’un en tant que poète, l’autre en tant que poète et
compositeur populaire. Moraes a été, entre autres, l’auteur du script poétique
du fameux film de Marcel Camus, Orphée
Noir. Lui, comme tant d’autres, a contribué beaucoup plus à la culture
brésilienne en tant que poète e compositeur, qu’en tant qu’un scribouillard des
sujets arides et bureaucratiques de la diplomatie officielle. Chroniqueurs, romanciers,
poètes ou prosateurs s’exerçant dans la diplomatie peuvent, ou non, avoir
laissé dans les archives dormants du ministère des affaires étrangères des très
beaux offices, rédigés dans un Portugais excellent, mais qui ont été destinés,
pour la plupart, à la critique rongeuse des souris ou tout simplement à
poussière des étagères, plutôt qu’au souvenir des collègues ou aux rapports
annuels au président ou au Parlement. Ils se sont distingués dans la société,
au Brésil ou ailleurs, en tant qu’intellectuels de renom, pas en tant que
bureaucrates de la diplomatie ; ils ont fait beaucoup plus pour l’essor de
la culture brésilienne dans les recoins silencieux de leurs bibliothèques
personnelles que dans les cabinets austères du ministère ou dans les salons
feutrés des négociations diplomatiques.
Pas
seulement la République des Lettres : des essais économiques et sociaux
Peux d’entre les diplomates
qui se sont distingués dans la République des Lettres, retenus dans ce beau
volume sur la culture brésilienne – au sens raffiné de ce mot –, l’ont été par
leurs contributions aux sciences sociales, au sens large du mot. Une bonne partie
a préféré se cantonner dans la littérature, et deux ou trois dans l’histoire du
Brésil, éventuellement dans le contexte international. L’un d’entre eux a commencé
une carrière politique et de publiciste en luttant contre l’esclavage :
Joaquim Nabuco ; un autre s’est distingué dans la musique – Brazílio
Itiberê da Cunha –, mais a laissé un précoce appel, au début du XXe siècle, en
faveur l’éducation commerciale au Brésil, en vue d’intégrer le Brésil aux
courants de la modernité économique de la belle époque ; un ancien poète
frustré, Gilberto Amado, converti en consultant juridique du Service Extérieur est
devenu pendant longtemps le représentant brésilien au Comité de Droit
International, bien que son choix pour le volume a été dû à son travail de
mémorialiste.
Cependant, le tout dernier
inclus dans l’ouvrage, José Guilherme Merquior, mort prématurément à 49 ans en
2001, mériterait un hommage spécial, en complément au témoignage très émouvant de
son ancien éditeur, José Mario Pereira, qui retrace dans le volume l’itinéraire
d’un des plus grands intellectuels brésilien. Merquior, commencé son parcours
intellectuel par la critique littéraire et, élu très jeune à l’ABL, a refait sa
pensée politique, économique et sociale en contact avec de grands penseurs
brésiliens, des diplomates éclairés (en contraste avec les bureaucrates, car il
y en a), mais aussi en faisant des études spécialisées à Paris et à Londres (LSE,
avec Ernest Gellner, parmi d’autres). À Londres il a travaillé en compagnie de
l’ambassadeur Roberto Campos, lui même un des grands hommes d’Etat pendant
toute la seconde moitié du XXe siècle au Brésil. Ayant assisté aux conférences
de Bretton Woods (1944) et de la Havane (1947-48), qui ont inauguré l’ordre
économique contemporain, Campos a été l’un des plus importants technocrates
avant et durant le régime militaire, auquel il a servi en tant que ministre du
Plan et réformateur de toute la politique économique, préparant le Brésil pour
les années de « miracle » de croissance à fin des années 1960 et
début des 70. Par après, reprenant son esprit libéral, il est devenu un
critique acéré de l’interventionnisme et un ennemi enragé du poids de l’État
dans l’économie et même dans la vie privée des citoyens.
Roberto Campos a été
l’objet de deux récents livres au Brésil, l’un sur tout son itinéraire
intellectuel, O Homem que Pensou o Brasil
(2017), l’autre en tant que pourfendeur de la Constitution de 1988 : A Constituição Contra o Brasil (2018).
Il va recevoir un chapitre à la troisième édition de l’ouvrage de 2001, O Itamaraty na Cultura Brasileira, en
compagnie d’autres notables diplomates écrivains. Merquior, de par son
importance dans la critique littéraire, mais aussi de par ses livres et essais
sur les questions politiques et sociales au Brésil, sur une approche libérale
progressiste, mérite lui aussi un hommage intelligent des nouveaux
représentants de la théorie sociale, moins imprégnés du marxisme culturel des
dernières décennies, et plus connectés aux courants libéraux qui commencent à
se renforcer au pays.
D’ailleurs les nouvelles
additions à cette troisième édition sur les diplomates intellectuels sont
beaucoup plus axées sur les humanités et les sciences sociales appliquées, que
sur les belles lettres comme auparavant. À côté de Roberto Campos, il y aura un
spécialiste en Machiavel – Lauro Escorel, aussi un brillant critique littéraire
–, un musicologue et historien – Vasco Mariz –, un historien et linguiste –
Sergio Corrêa da Costa –, un promoteur des arts et de la culture, responsable
pour le transfert des Affaires Etrangères à Brasília et la très belle
décoration du Palais Itamaraty à la nouvelle capitale – Wladimir Murtinho –,
finalement, un penseur conservateur, qui était aussi un fin sociologue des
idiosyncrasies brésiliennes : Meira Penna. Restant peu d’années jusqu’aux
commémorations des deux premiers siècles de l’indépendance du Brésil, en 2022,
et tenant compte que la diplomatie a vraiment participé, intensément, à la
construction de la nation – tel est l’argument principal de l’ouvrage déjà
classique de l’ambassadeur Rubens Ricupero, A
Diplomacia na Construção do Brasil, 1750-2016 (2017) –, il serait très
bienvenu qu’à cette date on puisse compter avec un livre en hommage aussi bien
aux écrivains diplomates qu’aux diplomates écrivains au long de ces deux
derniers siècles.
Paulo Roberto de Almeida
Brasília, 19/02/2019
[Première version ; en révision]
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