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quinta-feira, 21 de fevereiro de 2019

Diplomates bresiliens dans les lettres et les humanites - Paulo Roberto de Almeida

Um trabalho preparado para um colóquio em Brasília, no mês de março, ainda em revisão.
Coloquei em pdf em Academia.edu (https://www.academia.edu/s/d1a565519e/diplomates-bresiliens-dans-les-lettres-et-les-humanites-2019).


Diplomates brésiliens dans les lettres et les humanités

Paulo Roberto de Almeida
 [Objectif: colloque « Diplomates et écrivains »; finalité: exposé synthétique]


Diplomates écrivains ou écrivains qui sont aussi diplomates ?
Quelle est la différence entre un diplomate écrivain, et un écrivain qui devient diplomate ? Il n’y a pas une réponse univoque à cette question, car l’origine, ou la condition professionnelle ou littéraire, de l’un et de l’autre est dépendante d’une certaine structure sociale, ou institutionnelle, qui préside aux rapports entre les deux conditions. Être écrivain n’est pas, sinon rarement, une profession, du moins pour la plupart, ou la quasi majorité de ceux qui se dédient aux arts de l’écriture. N’est pas Georges Simenon, ou Paulo Coelho, qui veut, mais seulement ceux qui ont accédé à une situation de prestige dans l’exercice de l’écriture permanente, les happy few qui peuvent vivre à l’aide de sa plume (ou machine à écrire et ordinateur) exclusivement.
Dans le cas brésilien, aucun écrivain ne sera invité à s’exercer dans la carrière diplomatique – sinon pour des missions spéciales – parce que cela est impossible dans la législation actuelle du Ministère des Affaires Étrangères, qui réserve l’entrée dans la carrière à ceux qui passent les concours de sélection de l’Institut Rio Branco. Mais, il n’a pas toujours été ainsi : avant l’institutionnalisation du concours, en 1945, on pouvait entrer « par la fenêtre », soit désigné politiquement, par les rapports de famille ou d’amitié. Sous la monarchie (1822-1899) et la « vielle » République, et même jusqu’à la Seconde Guerre, le concours était occasionnel et aléatoire.
On peut, donc, faire cette distinction fonctionnelle : auparavant, il était facile d’être un écrivain diplomate ; par après, le plus souvent est l’existence des diplomates écrivains, mais seulement en tant qu’une sorte de hobby, en marge de l’exercice professionnel dans la carrière. Les gens de lettres de la monarchie ou de la République oligarchique cherchaient dans la carrière cette possibilité de vivre à Paris ou à d’autres places de prestige, rien que pour profiter d’une bonne ambiance de travail, en se frottant à des membres connus de la République des Lettres ; on voulait s’éloigner de la misère brésilienne, du désert culturel d’un pays tropical, peuplé d’ignorants. Actuellement, il faut échapper de la bureaucratie oppressante et se refugier dans l’écriture, à des heures libres, ou essayer de combiner le travail à l’ambassade avec des cours et de recherches menées quasi à la sauvette, pour ceux qui veulent maintenir une carrière académique.

Au début, la construction de la nation : Hipólito da Costa
Le premier brésilien qui s’est adonné à l’écriture, tout en étant proche de la vie diplomatique, même s’il n’a jamais exercé des fonctions officielles dans la diplomatie portugaise ou brésilienne, a été Hipólito José da Costa, sujet Portugais, né dans la colonie de Sacramento (Uruguay) au dernier tiers du XVIIIe siècle, élevé et éduqué dans les premières lettres à Rio Grande, au sud du Brésil, entré en université à Coimbra, Portugal, plus tard persécuté par l’Inquisition portugaise par son adhésion à la maçonnerie, et refugié en Angleterre vers 1805, où il a créé et maintenu pendant 14 ans le premier journal brésilien indépendant, le Correio Braziliense, une entreprise d’écriture exceptionnelle, de prises de position en faveur du Brésil avant l’indépendance en 1822. Même s’il a n’a jamais retourné au Brésil après son départ très jeune au Portugal, et d’être mort en Angleterre un an après la proclamation de l’indépendance, il peut être considéré le premier homme d’État du Brésil, étant donné son rôle magistral dans la construction intellectuelle de la nouvelle nation, de par son travail infatigable de chroniqueur des événements courants en Europe et dans la péninsule ibérique, et par rapport aux indépendances latino-américaines.
Les pages de son Courrier Brésilien, qu’il appelait « Armazém Literário », soit, une « épicerie littéraire », sont remplies à chaque édition de rapports, des dépêches et des commentaires sur toutes les régions de la planète, tant sur le cours des affaires politiques, les guerres d’indépendance, que sur la production littéraire justement, souvent des livres d’histoire ou d’économie, parmi lesquels Adam Smith, Sismondi et d’autres. Il peut être aussi considéré le premier américaniste brésilien, une espèce de Tocqueville avant la lettre, car ayant accompli, aux dernières années du XVIIIe siècle (1798-99), un voyage de recherches scientifiques et économiques aux Etats-Unis, au service du plus puissant ministre de la cour portugaise à cette époque, le Comte de Linhares, D. Rodrigo de Souza Coutinho, qui lui avait demandé d’enquêter sur les progrès techniques, agricoles et manufacturiers de la toute nouvelle République américaine. Son voyage d’inspection, presque d’espionnage économique aux Etats-Unis, a fait l’objet d’un rapport officiel, rendu à son ministre, et d’un cahier de mémoires qui n’a été découvert qu’en 1955 et publié par l’Académie Brésilienne de Lettres, plusieurs fois édité depuis lors.
Cet esprit illuministe, libéral et libertaire, maçon, peut être, en effet, considéré comme le premier homme d’État brésilien, car c’est lui qui, au moyen de l’écriture de son Courrier Brésilien, a vraiment conçu comment le Brésil devait se placer au centre d’un vaste Empire portugais éparpille dans quatre continents, et n’ont pas se décider pour la séparation. À la fin de sa vie, ayant déjà adhéré au Brésil indépendant, il a été nommé par le « père fondateur » du nouveau gouvernement, et premier ministre des affaires étrangères, José Bonifácio, Consul en Grande-Bretagne, bien qu’il n’ait pu jamais exercé cette fonction, étant décédé en Septembre 1823.
Il est important d’enregistrer qu’au moment des grandes commotions soulevées par la révolution libérale de Porto, en 1820, qui a résulté dans l’abolition de l’absolutisme et l’instauration d’une monarchie constitutionnelle au Portugal, Hipólito était contraire à la séparation des deux États, préférant le maintien de l’unité politique entre eux, mais avec la prééminence du Brésil, depuis bien avant devenu la principale base économique du vaste empire portugais d’outre mer, avec ses richesses de mines, du sucre, du coton, et d’un produit qui allait devenir le symbole du pays dans les deux siècles suivants, le café. Mais, ayant suivi les tractations de l’Assemblée Constituante à Lisbonne, pour discuter de la nouvelle situation crée par le retour du roi du Brésil, il a conclut que les représentants portugais voulaient tout simplement faire le Brésil retourner à sa condition coloniale, et prend donc fait et cause pour l’indépendance, en suivant dans cela son grand ami et fondateur du nouvel État, José Bonifácio de Andrada e Silva, devenu l’homme clé du premier gouvernement de Pedro, fils de D. João VI.
Dans cette condition de Consul désigné, mais de probable premier représentant diplomatique du Brésil auprès de la plus grande puissance politique, économique et militaire à cette époque, la Grande Bretagne, la pensée et l’œuvre d’Hipólito da Costa auraient pu donner le départ à la collection de grands noms de la diplomatie brésilienne qui se sont aussi exercé dans l’écriture, O Itamaraty na Cultura Brasileira. Conçue en 2001 par un véritable homme de lettres, l’ambassadeur Alberto da Costa e Silva, cet ouvrage a été composé par un autre homme de lettres, le ministre des affaires étrangères Celso Lafer. Une nouvelle édition est en train d’être préparée, avec l’addition de six nouveaux noms de diplomates écrivains décédés depuis la première édition.

L’historien diplomate, au service de l’État : Varnhagen
Cette très belle entreprise de synthèse monographique des grands diplomates brésiliens qui se sont excellés dans les lettres, les humanités, l’économie, commence en fait par notre premier historien, d’ailleurs le patron de l’historiographie brésilienne, Francisco Adolfo de Varnhagen, fils d’un ingénieur militaire allemand venu au Brésil pour installer les premières forges du pays et reparti au Portugal au moment de départ du roi. Le jeune Varnhagen fait toutes ses études à l’ancienne métropole, devenant, comme son père, ingénieur militaire, mais depuis très jeune dédié aux recherches historiques dans les archives coloniales portugaises. C’est lui qui a établi, d’après plusieurs manuscrits consultés, la rédaction des premiers documents sur la nouvelle terre découverte et occupée par les Portugais ; c’est aussi lui qui a redécouvert la tombe du « découvreur » du Brésil, Pedro Alvares Cabral, dans une petite église à l’intérieur.
C’est Varnhagen qui donne le départ à une histoire alignée au pouvoir monarchique, totalement légitimiste, offrant la version officielle, la raison d’État, aux révoltes régionales, souvent fédéralistes et contre le régime unitaire, mais que suit dans tout son parcours coloniale la lente conformation de l’unité territoriale d’un pays qui, avant de se convertir en nation indépendante, a vu grandir son territoire original, limité à la côte atlantique au début, mais qui est devenu presque la moitié de toute l’Amérique du Sud. À l’origine, le Brésil ne devrait même pas être Portugais, car la première division du monde, faite par le pape Alejandro Borgia, la bulle Inter Coetera, de 1493, fixait la ligne de partage entre les empires portugais et espagnols au milieu de l’Atlantique. Le roi portugais, certain de l’existence de terres plus loin à l’Ouest, a menacé son voisin espagnol d’un guerre, ce qui les a menés à signer le Traité de Tordesillas (1494), qui peut être considéré le premier traité bilatéral de division du monde, une espèce de Yalta à l’aube du monde moderne, et qui a survécu pendant deux siècles et demi, jusqu’à la négociation d’un nouvel traité, celui de Madrid, de 1750, en étendant les terres portugaises jusqu’en Amazonie, à peu près dans les dimensions du Brésil actuel ; c’est l’œuvre d’un diplomate portugais, mais né au Brésil, Alexandre de Gusmão, au service du roi D. João V. Mais c’est à propos du Traité de Tordesillas que le roi français François 1er a dit qu’il « voudrais bien voir la clause du testament d'Adam qui m'exclut du partage du monde ».
Francisco Varnhagen a écrit toute cette histoire jusqu’à l’indépendance, et même après, toujours défendant la couronne des Braganças contre les révoltes provinciales qui cherchaient à avoir plus des droits dans un système fortement centralisé. Sa collection monumentale en cinq volumes de l’Histoire Générale du Brésil est resté pendant plusieurs générations la référence primordiale de l’historiographie brésilienne, mais il ne faut pas oublier non plus son Mémorial Organique, de 1849, qui a établit le premier planning stratégique pour la construction de la nation, toujours inachevée, deux cents ans après l’indépendance. L’historien qui a le plus écrit sur lui et son œuvre, Arno Wehling, président de l’Institut Historique et Géographique Brésilien (IHGB), remarque que Varnhagen est entré en diplomatie « à partir de ses titres intellectuels, en tant que jeune chercheur déjà bien accompli dans le domaine de l’historiographie, avec la mission expresse de mener des investigations présentant un intérêt pour le pays. Il ne s’agissait pas d’un diplomate avec des intérêts d’historien, mais d’un historien qui devrait, dans son activité diplomatique [à partir de 1842], s’occuper de la recherche historique ». (Arno Wehling, « Varnhagen, história e diplomacia », revue 200, n. 1, 2018, pp. 17-39, cf. p. 19.)

Les écrivains diplomates brésiliens : la vie en douceur dans la diplomatie
Il y a ensuite, dans ce grand livre O Itamaraty na Cultura Brasileira, tout une succession de diplomates écrivains, qui sont en fait des écrivains diplomates, des hommes de lettres qui sont entrés en diplomatie, pendant un siècle a partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, précisément pour écrire, pas nécessairement pour faire de la diplomatie. Ce sont des litterati, des dandy capables d’écrire des verses en Français, mais pas de trouver des solutions aux problèmes les plus pressants du pays : l’esclavage, un Loi de Terres qui empêche l’accès aux immigrants, l’option républicaine supposément égalitaire plutôt que l’aristocratisme de la monarchie, la défense des intérêts nationaux en face de l’agressivité des impérialismes, la promotion de l’éducation de masse. Certains s’en inquiètent, comme Joaquim Nabuco, lui même un aristocrate du sucre du Nord-Est, monarchiste entré au service de la République par goût de l’histoire et de la poésie, devenu le premier Ambassadeur du Brésil aux Etats-Unis, au moment où la grande aigle du Nord projette son œil sur l’Amérique centrale et les Caraïbes. L’essai sur Joaquim Nabuco est d’ailleurs écrit par un autre diplomate, Evaldo Cabral de Mello, lui-même originaire du même état que Nabuco, le Pernambouc sucrier, et probablement le plus grand historien brésilien à l’actualité.
D’autres, comme Oliveira Lima, historien entré en diplomatie lors de l’avènement de la République, mais qui est devenu monarchiste après bien des déceptions avec le nouveau régime. Il avait aussi ce besoin pressant de continuer des activités littéraires et de recherche dans des archives, pour poursuivre une carrière en douceur, aux grands postes de l’Europe impérialiste. Que la carrière diplomatique flatte son amour propre, qu’elle soit un actif de prestige social et un atout pour des promotions et accès à des postes plus convenables, ce sont là des compensations additionnelles qui ne sauraient entamer les buts originaux. Il y a là toute une accumulation de prestige e de reconnaissance sociale qui se situe à la même dimension des efforts déployés dans les activités littéraires et académiques exercées en parallèle. Son essai biographique a été fait par un grand historien brésilien, Carlos Guilherme Mota, qui n’a cependant pas aucun rapport la diplomatie ou la politique étrangère du Brésil.
D’une manière générale, les écrivains diplomates ne sont pas très friands des marchés – c’est-à-dire, les activités de promotion commerciale seulement dignes des boutiquiers et des épiciers – préférant l’ombre paisible des gouvernements, et les écrits sur la High Politics, plutôt que les contacts avec les importateurs de café. Mais, les diplomates écrivains, qui sont ceux appartenant déjà à la République, ayant entré en carrière pendant ou après la Seconde Guerre, ne se sont pas, pour autant, dédiés aux sujets d’histoire diplomatique ou à des questions politiques et sociales, comme Oliveira Lima et Joaquim Nabuco. Ils ont, pour la plupart, pris le choix de la littérature en tant que telle, avec très peu d’exceptions. Le plus grand d’entre eux, par exemple, Guimarães Rosa, est le constructeur d’un langage unique dans la littérature et même dans la terminologie régionale et la lexicographie du Portugais brésilien, puisant son vocable dans le parler spécial des éleveurs et trappeurs de l’intérieur de Minas Gerais, son état d’origine, appartenant encore à ce vaste heartland rustique des hauts plateaux du Brésil. Son essai a été préparé par un diplomate écrivain, Felipe Fortuna, qui s’est dédié à la poésie et aux essais, probable futur membre de l’Académie Brésilienne des Lettres. Beaucoup d’autres son restés effectivement des hommes de lettres, et très rarement des bureaucrates ayant laissé une forte empreinte dans la diplomatie officielle.
L’un de ces diplomates écrivains était déjà un poète reconnu avant d’entrer dans la carrière, Vinicius de Moraes, devenu l’un des plus importants compositeurs de la musique populaire, mis à la retraite par le gouvernement militaire, et le seul parmi les « sujets » littéraires qui sont contemplés dans ce beau livre à mériter deux chapitres, l’un en tant que poète, l’autre en tant que poète et compositeur populaire. Moraes a été, entre autres, l’auteur du script poétique du fameux film de Marcel Camus, Orphée Noir. Lui, comme tant d’autres, a contribué beaucoup plus à la culture brésilienne en tant que poète e compositeur, qu’en tant qu’un scribouillard des sujets arides et bureaucratiques de la diplomatie officielle. Chroniqueurs, romanciers, poètes ou prosateurs s’exerçant dans la diplomatie peuvent, ou non, avoir laissé dans les archives dormants du ministère des affaires étrangères des très beaux offices, rédigés dans un Portugais excellent, mais qui ont été destinés, pour la plupart, à la critique rongeuse des souris ou tout simplement à poussière des étagères, plutôt qu’au souvenir des collègues ou aux rapports annuels au président ou au Parlement. Ils se sont distingués dans la société, au Brésil ou ailleurs, en tant qu’intellectuels de renom, pas en tant que bureaucrates de la diplomatie ; ils ont fait beaucoup plus pour l’essor de la culture brésilienne dans les recoins silencieux de leurs bibliothèques personnelles que dans les cabinets austères du ministère ou dans les salons feutrés des négociations diplomatiques.

Pas seulement la République des Lettres : des essais économiques et sociaux
Peux d’entre les diplomates qui se sont distingués dans la République des Lettres, retenus dans ce beau volume sur la culture brésilienne – au sens raffiné de ce mot –, l’ont été par leurs contributions aux sciences sociales, au sens large du mot. Une bonne partie a préféré se cantonner dans la littérature, et deux ou trois dans l’histoire du Brésil, éventuellement dans le contexte international. L’un d’entre eux a commencé une carrière politique et de publiciste en luttant contre l’esclavage : Joaquim Nabuco ; un autre s’est distingué dans la musique – Brazílio Itiberê da Cunha –, mais a laissé un précoce appel, au début du XXe siècle, en faveur l’éducation commerciale au Brésil, en vue d’intégrer le Brésil aux courants de la modernité économique de la belle époque ; un ancien poète frustré, Gilberto Amado, converti en consultant juridique du Service Extérieur est devenu pendant longtemps le représentant brésilien au Comité de Droit International, bien que son choix pour le volume a été dû à son travail de mémorialiste.
Cependant, le tout dernier inclus dans l’ouvrage, José Guilherme Merquior, mort prématurément à 49 ans en 2001, mériterait un hommage spécial, en complément au témoignage très émouvant de son ancien éditeur, José Mario Pereira, qui retrace dans le volume l’itinéraire d’un des plus grands intellectuels brésilien. Merquior, commencé son parcours intellectuel par la critique littéraire et, élu très jeune à l’ABL, a refait sa pensée politique, économique et sociale en contact avec de grands penseurs brésiliens, des diplomates éclairés (en contraste avec les bureaucrates, car il y en a), mais aussi en faisant des études spécialisées à Paris et à Londres (LSE, avec Ernest Gellner, parmi d’autres). À Londres il a travaillé en compagnie de l’ambassadeur Roberto Campos, lui même un des grands hommes d’Etat pendant toute la seconde moitié du XXe siècle au Brésil. Ayant assisté aux conférences de Bretton Woods (1944) et de la Havane (1947-48), qui ont inauguré l’ordre économique contemporain, Campos a été l’un des plus importants technocrates avant et durant le régime militaire, auquel il a servi en tant que ministre du Plan et réformateur de toute la politique économique, préparant le Brésil pour les années de « miracle » de croissance à fin des années 1960 et début des 70. Par après, reprenant son esprit libéral, il est devenu un critique acéré de l’interventionnisme et un ennemi enragé du poids de l’État dans l’économie et même dans la vie privée des citoyens.
Roberto Campos a été l’objet de deux récents livres au Brésil, l’un sur tout son itinéraire intellectuel, O Homem que Pensou o Brasil (2017), l’autre en tant que pourfendeur de la Constitution de 1988 : A Constituição Contra o Brasil (2018). Il va recevoir un chapitre à la troisième édition de l’ouvrage de 2001, O Itamaraty na Cultura Brasileira, en compagnie d’autres notables diplomates écrivains. Merquior, de par son importance dans la critique littéraire, mais aussi de par ses livres et essais sur les questions politiques et sociales au Brésil, sur une approche libérale progressiste, mérite lui aussi un hommage intelligent des nouveaux représentants de la théorie sociale, moins imprégnés du marxisme culturel des dernières décennies, et plus connectés aux courants libéraux qui commencent à se renforcer au pays.
D’ailleurs les nouvelles additions à cette troisième édition sur les diplomates intellectuels sont beaucoup plus axées sur les humanités et les sciences sociales appliquées, que sur les belles lettres comme auparavant. À côté de Roberto Campos, il y aura un spécialiste en Machiavel – Lauro Escorel, aussi un brillant critique littéraire –, un musicologue et historien – Vasco Mariz –, un historien et linguiste – Sergio Corrêa da Costa –, un promoteur des arts et de la culture, responsable pour le transfert des Affaires Etrangères à Brasília et la très belle décoration du Palais Itamaraty à la nouvelle capitale – Wladimir Murtinho –, finalement, un penseur conservateur, qui était aussi un fin sociologue des idiosyncrasies brésiliennes : Meira Penna. Restant peu d’années jusqu’aux commémorations des deux premiers siècles de l’indépendance du Brésil, en 2022, et tenant compte que la diplomatie a vraiment participé, intensément, à la construction de la nation – tel est l’argument principal de l’ouvrage déjà classique de l’ambassadeur Rubens Ricupero, A Diplomacia na Construção do Brasil, 1750-2016 (2017) –, il serait très bienvenu qu’à cette date on puisse compter avec un livre en hommage aussi bien aux écrivains diplomates qu’aux diplomates écrivains au long de ces deux derniers siècles.

Paulo Roberto de Almeida
Brasília, 19/02/2019
[Première version ; en révision]


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