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sexta-feira, 20 de março de 2020
As panelas do Brasil nas páginas do Le Monde - Bruno Meyerfeld
La vague de protestation contre l’attitude irresponsable du président a finalement provoqué un infléchissement de sa position et la déclaration de l’état de « catastrophe publique ».
Par Bruno Meyerfeld
Le Monde, 19/03/2020, 18h53
Ils accueillent désormais chacune de ses interventions : mercredi soir, à nouveau, un grand panelaço (concert de casseroles) – le troisième en seulement deux jours – a résonné dans plusieurs villes du Brésil : Rio, Sao Paulo, Brasilia, ou encore Porto Alegre, pour protester contre la gestion calamiteuse de la crise du coronavirus par Jair Bolsonaro.
« Fasciste ! », « Bolsonaro dehors ! », « Va te faire enc… ! » Confinés dans leurs appartements, à coups de louche ou de spatule, sur des poêles ou sur des marmites, une partie du pays a donc décidé de tambouriner sa colère et de faire entendre sa voix, menaçante. Car les panelaços charrient ici un message lourd de sens : ce sont eux qui rythmèrent, voilà quatre ans, la destitution de la présidente de gauche Dilma Rousseff.
Avec quatre morts, 428 cas confirmés et plus de 11 000 cas suspects, le Brésil est bel et bien atteint par le Covid-19. L’épidémie frappe désormais pratiquement toutes les régions, et jusqu’au sommet de l’Etat : mercredi, ce sont tout bonnement le président du Sénat, le ministre de l’énergie et le chef du cabinet de sécurité institutionnel (GSI) et bras droit de Bolsonaro, Augusto Heleno, qui ont été testés positifs au coronavirus. Selon une étude préliminaire faite par des chercheurs d’Oxford, dévoilée par le journal en ligne Intercept, l’épidémie pourrait faire jusqu’à 478 000 morts dans le pays.
« Ça va passer »
Mais jusqu’à tout récemment, le président du Brésil se distinguait par son déni, son insouciance, et même son ironie. Pour Jair Bolsonaro le coronavirus n’était qu’un « fantasme », une « hystérie », voire une « grossesse » – « Ça va passer (…), un jour un enfant va naître », a-t-il tenté d’expliquer. Testé négatif par deux fois au coronavirus, le chef de l’Etat n’a pas hésité, dimanche, à prendre des bains de foule au milieu de ses partisans, et a clamé, mardi, qu’il organiserait sans faute, le 21 mars, une grande fête avec ses amis et sa famille pour célébrer joyeusement ses 65 ans.
Est-ce l’effet des humiliants concerts de casseroles ? ou la pression combinée des élites militaires, du corps médical, des parlementaires et des agents économiques ? Mercredi, M. Bolsonaro a semblé enfin prendre conscience de l’ampleur de la crise. En une seule journée, pas moins de deux conférences de presse ont été organisées par le président, entouré d’une flopée de ministres, dont le ministre de la santé, Luiz Henrique Mendetta, qui se démenait depuis des jours pour raisonner le chef de l’Etat : tous assis à une longue table face au public, alignés et masqués, dans une mise en scène des plus anxiogènes.
« C’est grave et c’est préoccupant », a admis M. Bolsonaro, visiblement mal à l’aise avec son discours comme avec son masque, qu’il retira à une dizaine de reprises, le laissant finalement pendre à une oreille. Face aux journalistes, le président a détaillé l’ensemble des mesures prises en urgence par son gouvernement pour faire face à la pandémie : décret déclarant l’état de « catastrophe publique », plan de soutien à l’économie de 28 milliards d’euros, fermeture de la frontière avec le Venezuela, création d’un cabinet de crise, réquisition des forces de l’ordre pour faire respecter les quarantaines… « Je n’ai jamais abandonné le peuple brésilien », soutiendra-t-il sur les réseaux sociaux, plus tard dans la soirée.
Demande de destitution
Le retournement était spectaculaire, mais prévisible. Depuis le début de la semaine, Jair Bolsonaro était en effet acculé, cible des foudres de la quasi-totalité de la classe politique brésilienne pour son attitude jugée irresponsable. Le président de la Chambre des députés, Rodrigo Maia, a d’ailleurs reçu en ce début de semaine une première demande de destitution du chef de l’Etat, rédigée par un député d’opposition. Celle-ci a cependant peu de chance d’aboutir, M. Maia ne semblant pas vouloir rajouter une crise institutionnelle à une crise sanitaire.
Plus grave : Jair Bolsonaro a aussi été contesté avec plus ou moins d’intensité par certains de ses alliés historiques. Notamment la députée locale de Sao Paulo, Janaina Paschoal, ultraconservatrice, un temps pressentie comme vice-présidente, qui a exigé le départ du chef de l’Etat. Mais aussi l’homme d’affaires à succès Luciano Hang, soutien de la première heure et chef des magasins Havan ; et même Damares Alves, ministre de la famille et pasteure évangélique, qui a soutenu publiquement l’action du ministre de la santé, Luiz Henrique Mandetta, vantant son attitude« calme et concentrée »… tout l’inverse de celle du président.
Critiqué, le président n’est cependant pas encore lâché par sa base. Preuve de l’extrême division du pays : aux casseroles de la colère ont répondu mercredi soir plusieurs panelaços de soutien à Jair Bolsonaro. « Mais si ça continue, la colère va se disséminer. Tout dépendra en fait de la situation de l’économie, qui reste au Brésil la principale déterminante de la popularité d’un président », insiste Eduardo Mello, politologue à la Fondation Getulio-Vargas. Mauvais signe : mercredi, la Bourse de Sao Paulo a plongé de 10 %, atteignant son pire niveau en trois ans.
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