Malgré une ancienne fascination pour le Brésil, les Français ne retiennent aujourd’hui que peu de choses de ce gigantesque territoire : Brasilia, les plages de Copacabana, Rio, son carnaval et ses favelas... Ces stéréotypes occultent la réalité : derrière l’image gaie et insouciante du pays se cache une réalité plus complexe. Le Brésil est le pays du mélange et du métissage, de la diversité et des extrêmes. Son origine même étonne : comment une colonie a-t-elle pu devenir plus puissante que la métropole portugaise ? L’ouvrage s’interroge sur le destin particulier et les ferments constitutifs de cette nation devenue en moins de 500 ans une grande puissance en devenir, en dépit de profondes inégalités de développement. Ces héritages et les débats actuels sur la mise en valeur de l’Amazonie conduisent à s’intéresser à la nation brésilienne et aux politiques qu’elle a définies pour développer l’économie et mettre en valeur ce territoire.
Paul Claval décline cette interrogation tout au long de son ouvrage. Dans un premier temps, il revient sur les conditions de la colonisation, de l’installation du peuplement sur le littoral et sur les premières formes d’urbanisation : c’est à la genèse d’un pays moderne que l’on assiste ici. Ensuite, il retrace la période qui suit l’indépendance : les élites politiques et culturelles qui émergent à cette époque contribuent à définir et asseoir la nation fondée sur le métissage. L’affirmation de la nation constitue un contexte favorable à l’émergence de nouvelles politiques de mise en valeur du territoire. Dans cette situation, la question de la mise en valeur de l’Amazonie reste ouverte : faut-il considérer cette immense région forestière comme un réservoir de ressources à exploiter ou au contraire comme une réserve écologique à préserver. L’Amazonie est-elle le nouvel eldorado brésilien ? Cette modernisation s’est traduite par des inégalités profondes qui sont l’objet de la troisième partie, de loin la plus intéressante : le Brésil est maintenant un pays urbanisé, avec des cultures de masses ou des élites très différenciées. L’unité de la nation est donc bien relative aujourd’hui : les horizons d’attente des riches et des pauvres ne sont en effet pas les mêmes...
L’originalité de l’ouvrage réside dans la démarche historique et culturelle adoptée par Paul Claval : le recours à l’histoire permet d’envisager dans le temps long l’émergence de la nation brésilienne et les politiques de développement territorial (dont la création de Brasilia comme capitale fédérale n’est qu’un avatar). A l’opposé, par l’approche culturelle, Paul Claval met en lumière la profonde diversité de cette nation : en interrogeant le quotidien des Brésiliens, leur mode de vie et leurs aspirations il souligne les profondes inégalités qu’a entraînées un développement rapide.
Avec cette synthèse de près de 400 pages, Paul Claval donne donc d’intéressantes pistes d’étude du Brésil qui complètent et mettent à jour les précédentes, parmi lesquelles celles d’Hervé Théry (le volume de la Géographie universelle sur l’Amérique latine en 1994 ou Le Brésil chez Armand Colin en 2000) ou de Martine Droulers (L’Amazonie, Vers un développement durable, Armand Colin, 2004).
Compte-rendu : Yann Calbérac
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