L'Amérique veut s'inviter dans le fonds de défense européen
ANNE BAUER
Les Echos, 6//12/2017
La politique européenne de défense commune
prévoit la création d'un Fonds pour aider les projets innovants dans la
défense. Les géants américains lorgnent déjà cette nouvelle cassette.
« C'est de l'argent européen pour les
compagnies européennes », a martelé la commissaire européenne Elizabeth
Bienkowska, chargée du marché intérieur et de l'industrie, pour évoquer les
règles de distribution du futur fonds européen de défense. Elle clôturait une
conférence sur l'industrie européenne de la défense organisée lundi à Bruxelles
par des think tanks et des entreprises : Raytheon, Bell Helicopter et United
Technologies (UTC). Que des grands noms de l'industrie de défense… américaine!
Au nom du lien transatlantique, celle-ci
plaide pour que le futur fonds européen de défense, symbole de la nouvelle
politique de défense commune, puisse servir les industries sans tenir compte de
leur nationalité. « UTC emploie 60.000 personnes en Europe », a plaidé Rudy
Priem, directeur chez UTC, en arguant que le département de la Défense des
Etats-Unis a acheté l'an dernier pour 6 milliards de dollars de matériel à des
entreprises européennes.
Industrie trop fragmentée
Le nouveau fonds européen de défense
envisagé sera doté de 1,5 milliard d'euros par an pour financer la recherche et
pousser une industrie trop fragmentée à coopérer davantage. Au cours de la
dernière décennie, les dépenses de défense des 27 Etats membres ont reculé de
12 % alors qu'elles augmentaient partout ailleurs, de nombreux pays se dotant
d'industries compétitives. « On a besoin d'une industrie de défense forte en Europe
», a déclaré Elizabeth Bienkowska, en rappelant que la Commission allait
bientôt financerjusqu'à 35 % de nouveaux programmes, pour peu qu'il s'agisse de
prototypes nouveaux qui offrent des capacités supplémentaires et qui sont
réalisés par deux Etats et trois industriels au minimum.
Les entreprises américaines se félicitent
officiellement de ce nouvel élan européen, qui répond aux appels américains
pour une plus forte participation des pays européens à leur défense au sein de
l'Otan. Mais elles s'inquiètent d'être écartées de la table. D'ores et déjà une
liste de 15 projets doit être approuvée la semaine prochaine par les chefs
d'Etat. Drones sous-marins, soutien médical, secours militaire, cyber,
radiofréquences, blindés amphibies, chaque projet est mené par un pays leader.
Ce mercredi, les ambassadeurs vont chercher un accord sur les règles
d'attribution des fonds et donc définir ce qu'est une entreprise européenne. «
Pour nous, c'est simple, l'argent ira à des entreprises dont au moins 50 % du
capital est en Europe », explique l'entourage de la commissaire.
« La Suède a sur son sol des industriels
performants, mais dont le capital est aussi détenu par des Britanniques et des
Américains. Mais nos employés sont suédois », proteste Christina Wilen, du ministère
de la Défense suédois. Au nom de l'Europe, la Commission doit trouver comment
ne pas se faire piéger et aider des concurrents d'Airbus, Thales ou Leonardo,
un exercice moins simple qu'il n'y paraît.
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