L'Egypte au bord du drame économique
LE MONDE, 05.04.2013
Éditorial du "Monde"
L'Egypte va-t-elle à la faillite ? Le plus grand pays arabe est-il proche de l'effondrement économique et financier ?
Ajournée de mois en mois, une négociation importante avec le Fonds monétaire international (FMI) a repris cette semaine au Caire. Mais, au bord du Nil, l'humeur est pessimiste.
Il y a le front politique d'abord. Venu du parti des Frères musulmans – islamistes –, le président Mohamed Morsi, s'il n'a cessé d'étendre le champ de ses prérogatives, a aussi multiplié maladresses et atteintes aux libertés politiques. A la tête de l'Etat depuis le 30 juin 2012, l'ingénieur Morsi n'a jamais trouvé un style de gouvernement susceptible de rassurer et ramener la confiance dans le pays.
Tantôt il hésite, revenant sur des mesures annoncées à la hâte ; tantôt il procède avec brutalité. Méfiant à l'adresse de toutes les autres formations politiques, il a donné le sentiment de privilégier sa mouvance sur l'ouverture. Ce raïs a déçu : on l'attendait grand seigneur, le voilà redevenu militant.
Tout aussi grave, il confirme ce qu'on disait des Frères musulmans avant leur arrivée au pouvoir par les urnes : ils n'ont pas le moindre programme économique et social.
Or le pays va très mal. Sur fond de turbulences politiques aussi déstabilisantes qu'un vent de sable, le front économique est inquiétant. Tous les indicateurs sont au rouge. Le tourisme et les investissements directs étrangers sont en chute libre. Le diesel manque, entraînant coupures de courant et chômage technique en ville comme à la campagne.
Les finances publiques se dégradent. Les réserves de devises ont chuté en deux ans, passant de 36 à 13 milliards de dollars. Cela représenterait trois mois d'importation de blé et de carburant : comment fera-t-on cet été, sachant que l'Egypte est le premier importateur de blé au monde ? La livre égyptienne est en baisse, et les produits alimentaires en hausse.
Derrière ces chiffres et le tableau macro-économique qu'ils dessinent, se cache une impitoyable réalité : la pauvreté endémique que connaît le pays, la vie de misère imposée depuis trop longtemps à des dizaines de millions d'Egyptiens.
L'aide du FMI est urgente.
Depuis près de deux ans, Le Caire négocie un prêt de 4,8 milliards de dollars. Il serait susceptible de rassurer les investisseurs étrangers et de débloquer toute une série d'aides : celles de l'Union européenne, de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement.
La négociation achoppe sur les conditions mises à l'octroi du prêt. Le FMI demande une baisse des subventions de l'Etat sur un certain nombre de produits de base et une hausse des impôts.
M. Morsi a peur des réactions de la rue face à une nouvelle hausse du prix des denrées de première nécessité. Il manque d'assise et de légitimité politiques pour "vendre" aux Egyptiens des mesures difficiles.
Le FMI déplore le peu de compétences techniques de l'équipe du président Morsi. Et son absence d'imagination aussi. Car on devrait bien trouver un moyen d'attaquer le mal : comment transformer le système de subventions actuel – gouffre financier notoirement inefficace – en un mécanisme de protection plus ciblé qui aide les pauvres à sortir de leur condition. Mais les Frères musulmans – c'est leur échec – n'en ont pas la moindre idée.
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