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sexta-feira, 22 de maio de 2020

Le Brésil de Bolsonaro - Editorial Le Monde (18/05/2020)


Brésil : la dangereuse fuite en avant de Bolsonaro

Editorial. Malgré un bilan de plus en plus lourd, le président brésilien continue d’affirmer sans barguigner que le coronavirus est une « grippette » ou une « hystérie » née de l’« imagination » des médias.

Editorial du « Monde ». 
Il y a, à n’en pas douter, quelque chose de pourri au royaume du Brésil, où le président, Jair Bolsonaro, peut affirmer sans barguigner que le coronavirus est une « grippette » ou une « hystérie » née de l’« imagination » des médias. Quelque chose de pourri, lorsqu’il prend des bains de foule, exhorte les autorités locales à abandonner les restrictions et prétend que l’épidémie « commence à s’en aller », alors que les cimetières du pays enregistrent un nombre record d’enterrements. Quand son ministre des affaires étrangères, Ernesto Araujo, pourfend le « comunavirus »,affirmant que la pandémie est le résultat d’un complot communiste. Quand le ministre de la santé, Nelson Teich, démissionne le 15 mai, quatre semaines après sa nomination à ce portefeuille crucial, pour « divergences de vues », le jour où le pays atteint 240 000 cas confirmés et plus de 16 000 morts.
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Pour beaucoup, les heures sombres que traverse le Brésil, désormais cinquième nation la plus touchée par la pandémie, rappellent celles de la dictature militaire, quand le pays était soumis à la peur et à l’arbitraire. Avec une différence de taille : alors que les généraux revendiquaient la défense d’une démocratie attaquée, selon eux, par le communisme, le Brésil de Bolsonaro habite un monde parallèle, un théâtre de l’absurde où les faits et la réalité n’existent plus. Dans cet univers sous tension, nourri de calomnies, d’incohérences et de provocations mortifères, l’opinion se polarise sur une nuée d’idées simples mais fausses.
Le déni entretenu par le pouvoir dissuade la moitié de la population de se confiner, tandis que les appels à la distanciation physique lancés par les professionnels de santé, les gouverneurs et les maires ne sont que modérément suivis. L’activité économique doit continuer à tout prix, affirme Bolsonaro, qui peine surtout à prendre la mesure de la pandémie tout en faisant un calcul politique insensé : les effets dévastateurs de la crise seront attribués à ses opposants, espère-t-il.

Chaos sanitaire

Officier subalterne exclu de l’armée et obscur député d’extrême droite, raillé par ses pairs pendant trois décennies, Bolsonaro n’avait rien d’un homme d’Etat. Arrivé au pouvoir, rongé par la rancœur et la nostalgie brune, l’ex-capitaine de réserve n’a cessé de sonner la charge contre le « système » honni. Une posture qui, en période de pandémie aiguë, provoque le chaos sanitaire et sème la mort.
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A force de tricher avec les faits, les gouvernants populistes finissent par croire à leurs propres mensonges. On le voit ailleurs dans le monde. Mais ici, dans ce pays sorti voici à peine trente-cinq ans de la dictature, où la démocratie reste fragile, voire dysfonctionnelle, le fait de politiser ainsi une crise sanitaire à outrance est totalement irresponsable.
Avec un socle de 25 % d’électeurs, Bolsonaro sait que sa marge de manœuvre est étroite. Certains évoquent aujourd’hui le scénario d’un coup de force institutionnel. Devant la foule venue le soutenir à Brasilia, le président a d’ailleurs clairement laissé entendre, le 3 mai, que, en cas d’enquête de la Cour suprême contre lui ou ses proches, il ne respecterait pas la décision des juges. Après avoir pratiqué le négationnisme historique en vantant la dictature, nié l’existence des incendies en Amazonie et la gravité de la pandémie de Covid-19, Bolsonaro et sa tentation autoritaire risquent d’entraîner le pays dans une dangereuse fuite en avant.

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